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VALLOM-
BREUSS

s'eftimoient heureux d'en voir quelqu'un ou de recueillir ORDRE DE de leur fang & le garder pour Relique. Jean Gualbert aïant appris cette nouvelle à Vallombreuse, en fortit auffi-tôt pour aller à faint Salvi dans l'efperance d'y fouffrir le martyre félicita l'Abbé & les Religieux des maux qu'ils avoient endurés pour la juftice, & aprés quelques momens de converfation qu'ils eurent fur ce fujet, ils prirent refolution d'aller à Rome accufer l'Evêque dans le Concile qui s'y tenoit pour lors l'an 1063. par le Pape Alexandre II. & plus de cent Evêques y étant arrivés, ils y denoncerent publiquement l'Evêque comme Simoniaque & Heretique, declarant qu'ils étoient prêts à entrer dans un feu pour le prouver; mais le Pape ne voulut ni dépofer l'Evêque, ni acCorder aux Religieux l'épreuve du feu, voïant d'un côté la plus grande partie des Evêques, qui favorifoit celui de Florence; & de l'autre l'Archidiacre Hildebrand qui fut depuis Pape, fous le nom de Gregoire VII. qui prenoit le parti des Religieux.

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L'Evêque de Florence voïant qu'il n'avoit point été condamné à Rome, en devint encore plus fier & recommença à perfecuter davantage ceux de fon Clergé, qui continuoient avec les Religieux à fe féparer de lui comme Simoniaque;enforte que l'Archiprêtre & plufieurs autres ne pouvant fouffrir ces violences, furent obligés de fortir de la ville, & fe refugierent au Monaftere de Settimo, qui aprés avoir été de POrdre de Cluni, étoit pour lors de celui de Vallombreuse, & eft paffé depuis entre les mains des Religieux de Cîteaux. Il est ainfi nommé à caufe qu'il n'eft éloigné de Florence que de fept milles.) Saint Jean Gualbert qui s'y trouvoit pour lors, les reçut avec beaucoup de charité & leur donna tout le fecours qui lui étoit poffible, mais le parti de l'Evêque étoit protegé par Godefroi, Duc de Tofcane qui menaçoit de mort les Religieux & les Clercs qui lui étoient oppofés: ce qui leur attira une grande perfecution.

Le Pape vint alors à Florence, & vit le bois préparé pour le feu, où les Religieux vouloient entrer afin de prouver que l'Evêque étoit Simoniaque. Mais le Pape ne voulur pas alors recevoir cet examen, & fe retira, laiffant dans la divifion, & le trouble le Clergé & le peuple, qui enfin laffés de ant de calamités, folliciterent fortement l'Evêque dans une

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tions

ORDRE DE Affemblée qui fe tenoit pour lors, de se justifier des accufal'on faifoit contre lui. Les Clercs s'offrirent de que fubir pour lui le jugement de Dieu s'il étoit innocent, où que s'il vouloit recevoir l'épreuve du feu que les Religieux avoient voulu faire à Rome & à Florence, ils iroien les en prier.

L'Evêque refufa l'un & l'autre, il obtint au contraire un ordre de faire mener prifonnier au Gouverneur ceux qui ne le reconnoîtroient pas pour Evêque & ne lui obéïroient pas: que fi quelqu'un s'enfuïoit de la ville,ses biens seroient confifqués, & que les Clercs qui s'étoient refugiés à l'Eglife de faint Pierre, pour lors hors des murs de la ville, ou fe reconcilieroient avec lui, ou feroient chaffés de Florence fans efperance d'être écoutés. En execution de cet Ordre, le foir du Samedi après le Mercredi des Cendres de l'année 1067. comme ces Clercs étoient affemblés dans l'Eglife de faint Pierre pour reciter les divins Offices, on les chaffa de cette Eglife fans avoir égard à la fainteté du lieu. Il fe fit alors un grand concours de peuple, & principalement. de femmes, qui aïant ôté leurs voiles de deffus leurs têtes, marchoient les cheveux épars, fe frappant la poitrine, & jettant des cris pitoïables, comme fi elles avoient perdu leurs maris ou leurs enfans. Elles fe profternoient dans les ruës pleines de bouës: elles difoient dans leurs plaintes: Helas, helas, Jefus, on vous chaffe d'ici, on ne vous permet pas de demeurer avec nous! vous le voudriez bien, mais Simon le. Magicien ne vous le permet pas. O faint Pierre, comment ne defendez vous pas ceux qui fe refugient chez vous ? Etes vous vaincu par Simon. Nous croiions qu'il étoit enchaîné en enfer, & nous voions qu'il vient vous attaquer impunément à votre honte. Les hommes menaçoient de brûler la ville, refolus d'en fortir avec leurs femmes & leurs enfans pour fuivre Jesus-Chrift. Vous voïez, difoient-ils, que FefusChrift fe retire d'ici, parceque fuivant fa Doctrine, on ne refifte point à celui qui le chaffe, & nous aussi, mes Freres, brûlons cette ville afin que le parti Heretique n'en jouiffe pasi & nous en allons avec nos femmes & nos enfans par tout où Fefus-Chrift ira, & fuivons-le finous fommes Chrétiens.

Les Clercs qui fuivoient le parti de l'Evêque, touchés de ces difcours, fermerent les Eglifes, ne fonnerent plus les

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cloches, ne chanterent plus publiquement les Offices divins, ORDRE DE ni la Meffe, & s'étant affemblés, ils délibererent d'envoïer VALLOMau Monaftere de Settimo, pour prier les Religieux de leur faire connoître la verité, promettant de la fuivre. Ils prirent jour au Mercredi fuivant, qui étoit celui de la première femaine de Carême. Le Lundi & le Mardi, ils firent des prieres particulieres pour ce fujet. Le Mercredi matin un Clerc fut deputé pour aller trouver l'Evêque, & le pria que fi ce que les Religieux de faint Jean Gualbert difoient de lui étoit veritable, il l'avoüât franchement fans tenter Dieu, & fatiguer inutilement le Clergé & le peuple, & que s'il étoit innocent, il vînt avec eux. L'Evêque refusa d'y aller, & follicita même ce Clerc à n'y point aller auffi. Mais il lui répondit, que puifque tout le monde alloit au jugement de Dieu, il iroit & s'y conformeroit ; enforte que ce jour-là il l'honoreroit plus que jamais, ou qu'il le méprife

roit entierement.

Sans attendre ce deputé, tout le Clergé & le peuple ac

courut au Monaftere de Settimo. Les femmes ne furent point effraïées par la longueur & l'incommodité du chemin rempli d'eau bourbeufe. Les enfans ne furent point retenus par le jeûne: car ils l'observoient alors, en forte qu'il fe trouva à la porte du Monaftere environ huit mille person-.

qui demanderent aux Religieux l'épreuve du feu pour prouver ce qu'ils avoient avancé contre l'Evêque de Flo-. rence. Auffi-tôt le peuple dreffa deux buchers, l'un à côté de l'autre, chacun long de dix pieds, large de cinq & haut de quatre & demi ; & entre les deux étoit un chemin large d'une braffe, femé de bois fec, & aifé à brûler. Cependant. on chantoit des Pfeaumes & des Litanies, les deux buchers, étant prêts, on choifit un Religieux nommé Pierre pour entrer dans le feu ; & par ordre de l'Abbé, il alla à l'Autel. pour celebrer la Meffe, qui fut chantée avec grande devotion, & quantité de larmes, tant de la des Religieux que des Clercs & des Laïques. Quand on vint à l'Agnus Dei, quatre Religieux s'avancerent pour allumer les bu-. chers: l'un portoit un Crucifix, l'autre de l'eau benite: le troifiéme douze cierges allumés: & le quatriéme l'encenfoir plein d'encens. Le peuple les voïant, éleva fa voix vers let Ciel. On chanta Kyrie eleifon d'un ton lamentable, on pria

part

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ORDRE DE Jefus-Christ de venir defendre fa caufe. Les femmes principalement eurent recours à la fainte Vierge pour prier fon fils d'entreprendre fa défenfe. L'on entendoit le nom de faint Pierre qui retentiffoit en l'air, parce qu'il avoit condamné Simon le Magicien ; & celui de faint Gregoire Pape qu'on prioit d'être préfent à cette ceremonie pour verifier fes

decrets.

Pendant que chacun prioit à fa maniere, le Religieux Pierre aïant communié & achevé la Meffe, ôta sa chafuble, gardant les autres ornemens Sacerdotaux, & portant une croix,il chantoit les Litanies avec les Abbés & les Religieux; & rempli de confiance en Dieu, il s'approcha ainfi des buchers déja embrafés. Le peuple redoubla fes prieres avec une ardeur incroïable. Enfin on fit faire filence pour entendre les conditions aufquelles fe faifoit l'épreuve du feu. On choisit un Abbé qui avoit la voix forte pour lire distin&tement au peuple une Oraifon, contenant ce que l'on demandoit à Dieu. Tous l'approuverent, & un autre Abbé aïant impofé filence & élevé fa voix dit: Mes freres & mes feurs, Dieu nous eft témoin que nous faifons ceci pour le falut de vos ames, afin que deformais vous evitiez laSimonie,dont prefque tout le monde est infecté, laquelle eft fi abominable que tous les autres pechées ne font rien en comparaison.

Les deux buchers étoient déja reduits en charbon, & le chemin d'entre deux en étoit couvert, enforte qu'en y marchant on en auroit eu jufqu'aux talons, comme on vit depuis par experience. Alors le Religieux Pierre par ordre de l'Abbé, prononça à haute voix cette Oraifon, qui tira les larmes de tous les affiftans: Seigneur Fefus-Chrift qui étes la lumiere de tous ceux qui croient en vous, j'implore votre mifericorde, & je prie votre clemence, afin que fi Pierre de Pavie à ufurpé le siége de Florence pour de l'argent, ( ce qui eft l'herefie Simoniaque,) vous me fecouriez dans ce terrible jugement, & me preferviez par un miracle, de toute atteinte du feu, comme vous avez autrefois confervé les trois enfans dans la fournaife. Aprés que tous les affiftans eurent répondu Amen, il donna le baifer de paix à fes Freres. On demanda au peuple combien il vouloit qu'il demeurât dans le feu: il répondit qu'il fuffifoit qu'il paffât gravement au milieu.

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Le Religieux Pierre, faifant le figne de la Croix fur les ORDRE DE flammes, & portant fa Croix fur laquelle il arrêtoit fa veuë BREUSI. fans regarder le feu; y entra gravement nuds pieds avec un vifage gai, on le perdit de vue tant qu'il fut entre les deux buchers; mais on le vit bien-tôt paroître de l'autre côté fain & fauf, fans que le feu eût fait la moindre impreffion fur lui. Le vent de la flamme agitoit fes cheveux, foulevoit fon aube & faifoit floter fon étole & fon manipule ; mais rien ne brûla, pas même le poil de fes pieds. Il raconta depuis, que comme il étoit prêt à fortir du feu, il s'apperçut que fon manipule lui étoit tombé de la main & retourna le reprendre au milieu des flammes. Quand il fut forti du feu,il voulut y rentrer : mais le peuple l'arrêta lui baifant les pieds, & chacun s'eftimoit heureux de baifer la moindre partie de fes habits. Peu s'en fallut qu'il ne fût étouffé par le peuple qui étoit autour de lui, & les Clercs eurent bien de la peine à l'en tirer. Tous chantoient à Dieu des loüanges, répandant des larmes de joïe ; on exaltoit faint Pierre, & on déteftoit Simon le Magicien.

Le peuple & le Clergé de Florence écrivirent auffi tôt au Pape Alexandre II. tout ce qui s'étoit paffé, le fuppliant de les délivrer de cetEvêque Simoniaque. Le Pape y eut égard, & dépofa Pierre de Pavie, qui fe foûmit à ce jugement, & fe convertit fi bien, qu'il fe reconcilia avec les Religieux, & prit même l'habit de leur Ordre dans le Monaftere de Settimo, auquel il laiffa quelques biens, (à ce qu'on pretend) qui furent appliqués par Pierre II. Abbé de ce Monaftere al'Hôpital de ce lieu.

Aprés ce miracle du feu les Religieux de Vallombreuse furent en grande eftime, le Comte Guillaume Bulgare donna à faint Jean Gualbert l'Abbaïe de Fucecchio dans le Diocéfe de Luques, le priant d'y mettre pour Abbé ce Religieux Pierre, qui avoit paffé par le feu, & qui fut à caufe de cela furnommé Ignée. Ce Religieux que l'Ordre de Vallombreuse compte au nombre de fes Saints, fut fait dans la fuite Cardinal & Evêque d'Albane l'an 1074. par Gregoire VII. Il étoit de la famille des Aldobrandins. S'étant fait Religieux à Vallombreuse, il s'appliqua à la recherche de toutes les vertus, mais principalement à celle de l'humilité, qu'il pratiquoit dans un fi haut degré de perfection, que

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