ORDRE DE leur Ordre ne peut avoir commencé selon cette derniere re marque historique que vers l'année 1039. VALLOM BREUSE. La réputation de ce Saint s'augmentant peu à peu, il lut vint de divers endroits plusieurs Disciples tant Clercs que Laïques, & même plusieurs Religieux du Monastere de faint Miniat qu'il avoit quitté, se joignirent à lui. Son Monastere avoit plus la forme d'un Ermirage que d'un Couvent de Coœnobites: aufli a-t-il retenu pendant un long-tems le nom d'Ermitage de Vallombreuse. Le Saint y fit bâtir un hofpice, où il recevoit d'abord ceux qui se présentoient • pour être ses Disciples, & après les avoir éprouvés pendant quelque tems à garder les cochons, nettoïer tous les jours leurs étables, & en ôter les immondices avec leurs mains, fans fe fervir de pelles, il les admettoit au Noviciat, où il leur faifoit obferver exactement la Regle de S. Benoît. L'année de probation étant finie, il leur faifoit faire profeffion: & pour Icur bien imprimer dans l'esprit & dans le cœur le mépris du monde, auquel ils étoient entierement morts par cette même profession, il les faisoit refter prosternés contre terre pendant trois jours, revêtus de leur cucule ou coulle, gardant un filence exact, & meditant la Paffion de JesusChrift. Itte, Abbeffe de faint Ellero ou faint Hilaire, à qui appartenoit le lieu où ils s'étoient établis, leur envoïa quelque fecours de vivres & de livres, & enfin leur donna le même lieu appellé Aqua-Bella, avec un ample terrain pour étendre la fabrique de leur Monaftere, y ajoûtant des prés, des vignes & des bois. Elle voulut qu'en reconnoissance les Religieux de Vallombreuse donnassent tous les ans à fon Eglife une livre de cire & une livre d'huile, & elle se reserva en qualité de Fondatrice le droit de nommer le Superieur. Quelque tems après l'Empereur Conrad étant à Florence, & aïant oüi parler de ce Monaftere, envoïa Rodolphe, Evêque de Paderborn, pour en dédier l'Eglife: car le Siége de Fiezoli, dans le Diocése duquel Vallombreuse se trouvoit, étoit vacant: ce quicgaroît par l'Acte de la donation de l'Abbesse datée de l'an 1039. Ce droit de cenfive, auquel les Religieux étoient obligés par la même donation, dura longrems: car il en est fait mention dans un Privilege de Gregoire IX. de l'an 1228. accordé à Agnés deuxiéme Abboffe de faint Ellero ; mais l'an 1255. Alexandre IV. aïant trans- ORDRE DE feré ces Religieuses dans un autre Monaftere, à cause de VALIOMleur relâchement, il accorda celui de saint Ellero aux Reli- BREUSE. gieux de Vallombreuse, avec toutes les Terres & Seigneuries qui en dépendoient. Quant au droit de nommer le Superieur que l'Abbesse Itte s'étoit refervé, il ne dura pas longtems: car le Pape Victor 11. accorda aux Religieux la permission d'élire leur Abbé. Le Monastere de Vallombreuse étant ainsi formé, Jean Gualbert en fut fait Superieur malgré sa resistance extrême. Il s'appliqua à faire observer la Regle de faint Benoît dans toute la rigueur, principalement quant à la clôture des Religieux, & il les fit habiller d'une étoffe grife: ce qui fit que felon les Historiens de cet Ordre, on les appella pendant les quatre premiers fiécles de leur établissement, les Moines gris: ce qui a duré jusques sous le Generalat de Dom Blaise de Milan, qui leur fit prendre l'an 1500. la couleur tannée. Quelque tems après la mort de leur Fondateur, ils portoient fur leurs habits gris des scapulaires blancs: ce qui leur fut défendu l'an 1453. par le General Dom François Altouity, qui leur recommanda l'observance de la couleur grife,comme étant l'ancien habillement de l'Ordre. Pour leur tonfure, ils se rafoient le dessus de la tête, & laissoient en bas des cheveux en forme de cercle, qui étoit la couronne des Romains, qui prétendoient imiter l'Apôtre faint Pierre, comme nous avons dit dans le Chapitre VIII. Nous donnons ici la figure d'un de ces Religieux de Vallombreuse avec la tonfure. Cet habillement avoit beaucoup de conformité avec celui des Religieux de saint François, appellés Freres Mineurs, selon Didace de Franchi. Cet Auteur dit que faint François vers l'an 1224. étant venu à Vallombreuse par un tems de pluïe, l'Abbé Dom Benigne le voïant tout moüillé, hui donna sa propre coule pour changer que le Saint la lui aïant voulu rendre avant que de s'en aller, l'Abbé ne voulut pas la reprendre; & que faint François s'étant ceint de sa corde, la garda, & continua à s'en fervir, ne trouvant que très peu de difference entre celtri-là & le fien. Cet Auteur ajoûte encore que l'on voit en peinture dans le Couvent de fainte Croix de Florence, l'habillement des Religieux de ORDRE DE Vallombreuse & de faint François, où l'on remarque ia VALLOM- grande conformité qu'il y avoit entr'eux. BREUSE. Les biens de Vallombreuse augmentant de jour en jour par les donations qu'on y faisoit, saint Jean Gualbert reçur des Laïques & Freres Convers pour avoir soin dutemporel. Ils menoient la même vie que les Moines, & ne differoient d'eux que par l'habillement, qui étoit plus court, & par un bonnet de peaux d'agneaux, dont ils se couvroient la tête, Ils ne gardoient pas un filence aussi exact que ceux qui étoient destinés pour le Chœur, étant un exercice incom patible avec les travaux du dehors, ausquels ils étoient occupés. C'est le premier exemple que l'on trouve des Freres Laïcs ou Convers, diftingués par leur état des Religieux du Chœur, qui étoient dès-lors Clercs pour la plupart, ou propres à le devenir, comme remarque M. l'Abbé Fleury. Plusieurs personnes Nobles lui offrirent des places pour bâtir de nouveaux Monafteres, & plusieurs le prierent d'en reformer d'autres. Entre les nouveaux qu'il fonda, le premier fur celui de saint Salvis ainsi appellé, à cause d'une Chapelle dédiée à ce saint Evêque d'Amiens, qui se trouvoit dans le lieu qui lui fut donné l'an 1044. Mais il en fonda d'autres dans les Apennins, l'un à Mofcheto, l'autre à Razzuolo, un troifiéme à Monte-Scalari. Ceux qu'il reforma, & où il mit de ses Religieux, furent les Abbaïes de Passignagno près de Sienne, de fainte Reparate, proche Florence, de faint Fidele de Strumi au Diocése d'Arezzo, & de Fontaine-Thaone au Diocése de Pistoïe. On lui donna encore sainte Marie de Coneo, saint Pierre de Mont- Verde, & faint Sauveur de Vaiano.. Les Monasteres qu'il fondoit étoient felon la pauvreté : il n'y avoit rien de superflu. Un jour étant allé visiter celui de Moscheto que M. l'Abbé. Fleury appelle Muscetan, il en trouva les bâtimens trop grands & trop beaux ; & aïant appellé Rodolphe qui en étoit Abbé, il lui dit d'un visage serein, Vous avez bâti des Palais à vôtre gré, & vous avez emploïé des sommes qui auroient servi à soulager un grand nombre de pauvres. Puis se tournant vers un petit ruiffeau qui couloit auprés, il dit: Dieu tout-puissant vengez-mai pramptoment par ce ruisseau de cet énorme édifice. Il s'en alla, & auffi-tôt le ruisseau commença à s'enfler, & tombant de la |