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GATION DE

CONGRE- ils mangeoient un peu delegumes qu'ils faisoient cuire euxFONTE- mêmes dans leurs cellules, où ils avoient aussi des balances AVELLANA. pour peser leur pain, ne le prenant que par mesure les jours de jeune. Ils n'avoient du vin que pour le sacrifice de la Messe ou pour les malades. Ils observoient trois Carêmes, sçavoir de la Resurrection, de la Nativité de Notre Seigneur, & de faint Jean Baptifte. Pendant ce dernier, qui duroit depuis l'Octave de la Pentecôte jusqu'à la saint Jean, on leur donnoit le Mardi aprés None une portion de quelques legumes. Ils mangeoient deux fois le jour le Jeudi, aussi bien quele Mardi aprés la Fête de saint Jean-Baptifte. Depuis le 13. Septembre jusqu'à Pâques ils jeûnoient tous les jours, excepté l'Octave de Noël : tous les Dimanches de l'année on leur donnoit deux portions, excepté les Dimanches des Carêmes de Pâques & de Noël, qu'on ne leur en donnoit qu'unes & aux Fêtes de saint André, de saint Benoît & de l'Annonciation de Notre-Dame ils ne jeûnoient pas dans toute la perfection : ( ils appelloient jeûner parfaitement, lorsqu'ils ne prenoient que du pain, de l'eau & du sel.) Ils marchoient toûjours nuds pieds, prenoient la difcipline, faifoient des genuflexions, se frappoient la poitrine, demeuroient les bras étendus, chacun felon ses forces & fa devotion, & aprés l'Office de la nuit ils disoient tous le Pfeautier avant le jour.

Tels étoient les Observances Regulieres qui se pratiquoient dans ce Monastere, lorsque saint Pierre Damien y prit l'habit Monastique. Il avoit entendu parler de la ferveur de ces Ermites; & comme il songeoit à quitter le siècle, il en rencontra deux. S'étant ouvert à eux ils le fortifierent dans son dessein; & comme il témoigna vouloir se retirer avec eux, ils lui promirent que leur Abbé le recevroit: il leur offrit un vase d'argent pour porter à leur Abbé; mais ils le remercierent & ne voulurent pas le recevoir sous pretexte qu'il les embarasseroit dans le chemin: il fut fort édifié de leur désinteressement, & se rendit quelque tems après à Font-Avellane, où on lui donna l'habit Monastique.SonSuperieur lui donna le soin de faire des exhortations aux Freres, & sa réputation venant à se répandre, Gui Abbé de Pompose près de Ferrare pria l'Abbé de Font-Avellane de le lui envoïer pour inftruire quelque tems sa Communauté qui étoit

GATION DE

de cent Moines. Pierre Damien y demeura deux ans, & fon CONGREAbbé l'aïant rappellé, l'envoïa quelque tems aprés faire FONTEles mêmes fonctions au Monastere de faint Vincent prés de AVELLANA. Pierre-Pertuse. Enfin l'Abbé le déclara son successeur du confentement de ses Religieux. Aïant pris le gouvernement de cette Congregation aprés la mort de l'Abbé, il l'augmenta de cinq autres Monafteres, qu'il fonda, un au Diocéfe de Camerino, deux au Diocése de Faenza, un au Diocése de Rimini, & l'autre proche Perouse, où il fit pratiquer les mêmes Observances qu'à Font-Avellane. Nous avons dit qu'ils n'avoient du vin que pour le sacrifice de la Messe: mais Pierre Damien leur permit d'en boire un peu hors les Carêmes de Pâques, de la Nativité Sc de saint Jean-Baptiste, où il n'étoit pas permis aux Moines, ni même aux Laïques, de boire du vin ni de manger du poisson. Mais il semble qu'il ne leur permit de boire du vin que pour avoir plus de force à soûtenir les difciplines rigoureuses ausquelles il tes obligea, le plus fouvent pour acquiter les penitences des autres. Car on étoit alors perfuadé que pour chaque peché on étoit obligé d'accomplir la penitence marquée par les Canons: enforte que s'il y avoit dix ans pour l'homicide, celui qui en avoit commis vingt, devoit deux cens ans de penitences: & comme il étoit impoffible de l'acquiter, on avoit trouvé des moïens de la racheter, en accomplissant, par exemple, cent ans de penitence par vingt Pseautiers, accompagnés de discipline. Trois mille coups de discipline valoient un an de penitence, & mille coups se donnoient pendant dix Pfeaumes: par conféquent les cent cinquante Preaumes valoient cinq ans de penitence. Saint Pierre Damien leur faisoit souvent faire de ces penitences pour les autres, & même quelquefois pour les pechés qu'ils avoient commis étant Laïques, ne croïant pas que pour les pechés qu'ils avoient commis dans le monde, ils en fussent quittes pour pratiquer la commune Observance de la Regle; mais qu'ils devoient y ajoûter des penitences proportionnées à leurs pechés. Ils étoient outre cela obligés par la Regle, lorfqu'un Religieux étoit mort, de prendre sept difciplines de mille coups chacune, de jeûner sept jours, de dire trente Pseautiers, & de celebrer trente Messes ; & fi un Novice mouroit fans avoir accompli la penitence, ils devoient par

CONGRE- tager entr'eux ce qui restoit pour l'accomplir.

CATION DE
FONTE-

Ces fortes de disciplines étoient fort en usage dans ce AVELLANA. tems-la. Pierre Damien avoit appris cette pratique de faint Dominique l'un de ses disciples, qui fut surnommé l'Encuirasse, à cause d'une cuirasse qu'il portoit continuellement fur fon corps. Cet homme aïant sçu que faint Pierre Damien avoit écrit de lui, qu'il avoit recité un jour neuf Preautiers avec la discipline, il en fut lui-même étonné, & voulut en faire encore l'experience. Il se dépoüilla donc un Mercredi, & aïant pris des verges à ses deux mains, il ne cessa toute la nuit d'en reciter en se frappant : en forte que le lendemain il avoit dit douze Pseautiers & plus. Quelques années avant sa mort, il redoubla encore ses austerités, & aïant trouvé que les lanieres de cuir étoient plus rudes que les verges, il s'accoûtuma à s'en servir. Il portoit toujours avec lui quand il sortoit un foüet de lanieres pour se donner la difcipline, & fe contentoit même de repassfer dans son efprit les paroles des Pfeaumes sans les prononcer, afin de se donner un plus grand nombre de coups. Saint Dominique & faint Pierre Damien ne furent pas neanmoins les Auteurs de ces fortes de flagellations volontaires. Gui Abbé de Pompofie, mort en 1046. & faint Poppon Abbé de Stavels,

mort en 1048. les avoient mises en pratique avant eux ; & Regino. avant eux Reginon Abbé de Pruim, qui vivoit au comlib. 2. cap. mencement du dixiéme siécle, avoit ordonné de se frapper ene jusqu'à faire des plaïes sur son corps pour acquiter les pe

quent.

nitences.

Cette maniere de déchirer son corps ne plut pas à tout le monde, il y en eut qui condamnerent la difcipline volontaire, comme une nouveauté contraire aux Canons. Pierre Cerebrofe & le Cardinal Etienne, qui avoit été Religieux du Mont-Cassin, furent en cela les plus grands Adverfaires de Pierre Damien. Le premier ne condamnoit pas tout-àfait l'usage de la Discipline; mais il regardoit comme une folie ces longues flagellations: il ne désapprouvoit pas non plus que l'on recitât un Pseaume en se donnant la difcipline; mais il regardoit comme quelque chose d'exceffif de la prendre pendant tout un Pleautier. Pour le Cardinal Etienne, il croïoit qu'il falloit plûtôt macerer son corps par le jeûne, & foutenoit qu'il n'étoit pas honnête de se dépoüiller

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T.V.P. 285

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Moine de Font Avellane

avant le Relachement

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