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rear Othon III. voulant réformer l'Abbaïe de Claffe, l'o- ORDRE DES bligea de prendre le Gouvernement de ce Monaftere, après qu'il en eut été élu Abbé par les Religieux. Il s'appliqua à y rétablir l'Obfervance exacte de la Regle, fans donner aucune difpenfe en faveur de la Nobleffe, ni de la fcience, comme on avoit fait jufques-là. Cette feverité fit bien-tôt repentir les Religieux de l'avoir élu, & excita leurs murmures;ils murmurerent fortement contre le Saint,qui voïant qu'il ne pouvoit les convertir, vint trouver l'Archevêque de Ravenne & l'Empereur devant Tivoli, qui étoit afliegé par ce Prince, en prefence duquel il jetta le Bâton Pastoral, & renonça à l'Abbaïe: il fembloit que la Providence l'eût envoïé pour fauver les habitans de cette ville, en leur perfuadant de fe rendre à l'Empereur, afin d'éviter le châtiment que meritoit le crime qu'ils avoient commis, en faisant tuer leur Duc: ce qui leur réüffit heureufement,puifque ce Prince fe contenta qu'ils fiffent abbattre une partie de leurs murailles, lui donnaffent des ôtages, & livraffent les meurtriers du Duc à la mere.

Pendant que ce Saint demeuroit à Pereo, l'Empereur,à sa follicitation, y bâtit un Monaftere en l'honneur de faint Adalbert. Boleflas, Roi de Poiogne,aïant envoïé auffi dans le même tems des Ambaffadeurs à l'Empereur, pour lui demander des Missionnaires,qui inftruififfent fes Sujets des Myfteres du Chriftianifme, ce Prince s'adreffa à faint Romuald pour lui fournir des hommes Apoftoliques. Le Saint qui ne crut pas devoir refufer une demande fi jufte & f avantageufe pour l'avancement du Roïaume de Dieu,aïant propofe cette œuvre de charité à fes Disciples,il s'en trouva deux qui s'y offrirent, dont l'un s'appelloit Jean, & l'autre Benoit, qui n'eurent pas le bonheur de mettre en execution leurs bons deffeins, aïant été tués par des voleurs en ce païs-là. Saint Boniface, l'un des Difciples de ce faint Fondateur, & qui demeuroit encore à Pereo, fut auffi envoïé pour convertir les Ruffes à la Foi Catholique.

Mais pendant que les Difciples de nôtre Saint s'em-! ploïoient à la converfion des Infideles, il bâtiffoit des Monateres en Italie, il en fonda deux en Iftrie, l'un à Bifolco Pautre à Parenzo ; il demeura quelque tems dans ce dernier où il reçut un fi grand don de larmes, qu'il n'ofoit celebrer

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ORDREDES la Meffe en public. Il en fortit pour aller à Bifolco, fur l'in ftante priere que les Religieux de ce Monaftere lui avoient faite de les venir voir; mais y trouvant les cellules trop magnifiques, il ne voulut loger que dans une qui n'avoit que quatre coudées, & n'aïant pû perfuader à ces Religieux de fe foûmettre à la conduite d'un Abbé, il les quitta & envoïa demander une retraite aux Comtes de Camerino qui lui offrirent avec joïe toutes les Terres de leur Etat: il choifit un lieu nommé Val de Caftro, qui eft une plaine fertile & bien arrofée, entourée de montagnes & de bois. Il y avoit déja une petite Eglife & une Communauté de Penitentes qui lui cederent la place. Romuald commença donc à y bâtir des cellules & à y habiter avec fes Difciples, il y fit en peu tems des fruits incroïables. On venoit à lui de tous côtés chercher la penitence : les uns donnoient leurs biens aux pauvres, les autres quittoient le monde entierement pour embraffer la vie Monaftique. Et tous à l'exemple de ce grand homme n'étoient plus occupés que de leur falut & de l'éter

nité.

de

Saint Romuald quitta Val de Caftro, y laiffant quelquesuns de fes Difciples & paffa au païs d'Orviette, où il bâtit un Monaftere fur les terres du Comte Farulfe, où il attira un grand nombre de perfonnes qui s'y firent Religieux. Il y en eut même plufieurs diftingués par leur nobleffe, entre lefquels fut Gui, fils du Comte Farulfe, qui ne put réfifter aux exhortations & au zele de faint Romuald qui étoit fi grand pour la converfion des hommes qu'il fembloit qu'il voulut changer tout le monde en défert, & engager tous les hommes à la vie Monaftique.

tué

Aïant appris le martyre de faint Boniface fon Disciple par les Ruffes l'an 1009. il fentit un fi grand defir de répandre fon fang pour Jefus-Chrift, qu'il réfolut auffi-tôt d'aller en Hongrie. Mais l'execution de fon deffein fut un peu retardé à cause de deux Monaftcres qu'il fit bâtir, l'un auprès de la riviere d'Efino & l'autre près la ville d'Ascoli. Enfuite aïant obtenu la permiffion du fáint Siége, il partit avec vingt-quatre Disciples, dont deux avoient été sacrés Archevêques pour cette Miffion, aïant tous un fi grand zele pour le falut du prochain qu'il lui étoit difficile d'en mener moins. Mais lorsqu'ils furent entrés en Hongrie, Romuald

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fut attaqué d'une maladie qui l'obligea de s'arrêter. 11 fe ORDREDES portoit bien lorfqu'il fe mettoit en état de s'en retourner, & retomboit malade lorsqu'il vouloit paffer plus avant: ce qui l'obligea d'abandonner fon deffein. Il n'y eut que quinze de fes Difciples qui refterent dans ce païs, où ils fouffrirent beaucoup de maux. Quelques-uns furent fuftigés, plufieurs vendus & réduits en fervitude; mais aucun n'arriva au martyre.

Romuald revint à fon Monaftere d'Orviette, dont il trouva que l'Abbé ne fuivoit pas fes maximes. Ne pouvant rien gagner fur fon efprit, il quitta ce Monaftere, & après avoir changé plufieurs fois de demeure, il vint encore à Val de Caftro, pour tâcher d'obliger auffi l'Abbé à pratiquer plus exactement le genre de vie qu'il lui avoit enfeigné ; mais fes remontrances aïant encore été inutiles, il fe retira fur le Mont Appennin dans une petite pleine appellée Camaldoli, arrofée de sept fontaines: & trouvant ce lieu-là propre pour la vie qu'il vouloit faire observer à fes Difciples, & que l'on avoit rejettée dans les autres Monafteres qu'il avoit bâtis, ily fonda fon Ordre l'an 1012.

Quelques-uns ont pretendu que ce lieu s'appelloit Aqua Bella,& qu'il ne prit le nom de Camaldoli ouCampo-maldoli; qu'à caufe d'un certain Maldoli, bourgeois d'Arezzo,à qui il appartenoit, & qui le donna à S. Romuald. Maurolic pré- Silveft. tend même que ce Maldoli defcendoit des Juifs, qui fe lau- Maurol. verent de Jerusalem aprés que cette ville eut été détruite par an. di tutte les Empereurs Tite & Vefpafien, & que les ancêtres de ce le Relig.lib. Maldoli étant venus à Arezzo, avoient embraffé le Chri- 2. pag. 101 ftianifme & pris le nom de Maldoli, du Château de Magdelon en Bethanie,qui appartenoit à fainte Marie Magdelaine. Mais il étoit inutile que Maurolic allât jufques dans la Judée chercher l'étimologie du mot de Maldoli, puifque ce Maldoli n'a point donné à faint Romuald, le lieu dont tout l'Ordre des Camaldules a pris le nom, comme une infinité d'Hiftoriens ont fauffement avancé ; & qu'il eft certain que la premiere donation en fut faite par Theodald Evêque d'Arezzo l'an 1027. Il y a même un privilege de l'Empereur Henri II. felon le Pere Mabillon, où ce lieu eft appellé Campus amabilis. L'on avoit toûjours cru jufqu'à préfent que le défert de Camaldoli avoit été le lieu où faint Romuald

ORDRE DES avoit jetté les fondemens de fon Ordre. Tous les Historiens CAMALDU. de cet Ordre avoient même été de ce fentiment; mais le

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Pere Gui Grandi Cremonois, Religieux du même Ordre, qui a donné en 1707. des differtations fur les antiquités de cet Ordre, pretend faire remonter fon origine jufqu'à l'an 978. que faint Romuald prit fous fa conduite le Duc de Venife Pierre Urfeole, comme nous avons dit, avec lequel & quelques autres il alla en Catalogne, où il fe fit des difciples. Il prétend aufli que le nom de Camaldules a été donné aux Religieux de cet Ordre, non que leur premiere demeure ait été à Camaldoli; mais à caufe que la regularité s'y est toûjours maintenuë mieux qu'ailleurs, de même que felon lui, les Chanoines de Latran ont eu ce nom de leur introduction dans l'Eglife de Latran ; quoiqu'ils tirent leur origine du tems des Apôtres, felon quelques-uns, ou de faint Auguftin felon d'autres,de même auffi que le nom de Grandmont a été donné à un Ordre qui n'a pas pris fa naiffance à Grandmont, & ainfi de plufieurs autres ; ce qui lui fait dire, qu'il fouhaiteroit que le nom de Romualdins fut resté aux Religieux de fon Ordre, comme celui de Dominicains & de Francifcains aux Difciples de faint Dominique & de S.François. Mais il ne faut pas s'étonner fi ce Pere s'interesse tant pour donner à fon Ordre une antiquité plus reculée que celle qui lui avoit été donnée jusqu'à prefent, puifqu'il ne le fait que pour mettre au nombre des Saints de l'Ordre des Camaldules plufieurs Difciples de faint Romuald, du nombre de ceux qu'il a eus avant que d'avoir fondé fon Ordre. Mais comme nous fommes perfuadés que les Monafteres que faint Romuald fit bâtir avant fa retraite à Camaldoli, ne voulurent point fe foûmettre au genre de vie qu'il y voulut établir, qu'ils fe contenterent de fuivre la regle de faint Benoît, qu'il fut lui-même chaffé de quelques-uns de ces Monafteres qui ne vouloient pas fe foûmettre aux loix qu'il vouloit leur impofer, & qu'il en abandonna d'autres qui ne vouloient point recevoir d'Abbé; nous ne reconnoiffons faint Romuald, que comme un reformateur & propagateur de l'Ordre de faint Benoît avant qu'il eût fondé un Ordre nou

yeau en 1012.

Saint Romuald aïant donc jetté les fondemens de fon Ordre à Camaldoli, il bâtit d'abord cinq cellules, feparées leg

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unes des autres, dans un lieu efcarpé & de difficile accés, ORDRE DAS avec un Oratoire en l'honneur du Sauveur du monde, que LES. Theodald Evêque d'Arezzo, à qui ce lieu appartenoit, confacra dans la fuite, car il ne fut point Evêque d'Arezzo avant l'an 1022. Saint Romuald y mit pour Prieur Pierre Dagnin. L'on prétend que ce faint Fondateur eut en ce lieu une vifion pareille à celle de Jacob, qui fut une échelle dont le pied étoit appuïé fur la terre, & le fommet s'élevoit au Ciel, fur laquelle fes Religieux revêtus d'habits blancs montoient vers Dieu, & que ce fut la raison qui l'obligea à faire changer à fes Religieux la couleur noire pour la blanche qu'ils ont confervée jufqu'à prefent. Mais le Pere Grandi rejette cette vifion, quoique jufqu'à prefent, elle ait été univerfellement reçue dans fon Ordre. La maniere de vivre que faint Romuald prefcrivit d'abord à fes Ermites étoit telle. Ils demeuroient tous dans des cellules feparées les unes des autres, & se rendoient aux heures marquées à l'Oratoire pour y faire chanter l'Office divin qu'ils pfalmodioient feulement. Les Reclus étoient difpenfés de cette obligation, & ne fortoient point du lieu de leur reclufion. Il y en avoit qui pendant les deux Carêmes de l'année, gardoient un filence inviolable,& d'autres pendant cent jours continuels. La Loi de l'abstinence & du jeûne étoit, que chacun devoit manger dans fa cellule, & que pendant tout le tems de chaque Čarême, ils devoient jeûner tous les jours au pain & à l'eau excepté les Dimanches. Quelques-uns ajoûtoient un troifiéme Carême, & tous pendant le refte de l'année, jeûnoient encore au pain & à l'eau les Lundis, les Mercredis & les Vendredis, le plus fouvent encore le Mardi & le Samedi: mais le Dimanche & le Jeudi ils mangeoient des legumes. C'étoit auffi la coûtume dans ces premiers tems, que pendant tout le Carême tous les Ermites demeuroient dans leurs cellules fans en fortir, excepté deux ou quatre au plus, qui demeuroient près l'Eglife,& qui recitoient l'Office divin tant de jour que de nuit. Au refte l'ufage de la viande fut interdit pour toûjours dans les cellules, auffi bien que l'entrée des femmes dans l'Ermitage, lesquelles n'en doivent pas approcher plus près que du lieu qui leur est marqué.

Saint Romuald, aprés avoir fondé l'Ermitage de Camaldoli, où il laiffa pour Prieur Pierre Dagnin, quitta l'Apen

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