GATION DE que ce faint Abbé eut vêcu plus long-tems; mais Dieu qui CONGREvouloit récompenfer ses travaux & ses souffrances, l'appella CLUS à lui le premier jour de Juin, veille de la Pentecôte de l'année 1091. Malgré toutes ses maladies, qui furent très longues & très cruelles, il ne voulut jamais rien diminuer de ses austerités, se faisant même porter la nuit à Matines par trois Freres, & ne voulant jamais confentir à manger de la viande, dont il avoit besoin, à cause d'une plaïe très considerable, dont il souffroit beaucoup depuis long-tems, ne répondant jamais autre chose à ceux qui l'en follicitoient, finon qu'il n'avoit garde de manger de la viande, étant fi proche de la mort, que son corps ne meritoit aucun foulagement ni aucun remede. En effet, il en faisoit tant de mépris, aussi-bien que de la vie, que voïant approcher le moment de sa mort, qu'il avoit prédite, & qu'il souhaitoit avec autant d'ardeur que les gens du monde la fuïent & la craignent; il commença à chanter d'une maniere tout-à-fait mélodieuse, cette Antienne de l'Office de saint André, Domine Jefu, Magister bone, suscipe spiritum meum in pace & après l'avoir repeté trois fois, il rendit l'esprit à son Createur, regreté de rous les Religieux. de fon Abbaïe, dont il avoit retabli l'honneur, par la pieté & le zele avec lequel il y avoit remis la Regularité & l'Observance, aussi-bien que par la sainteté de sa vie. Cette Abbaïe devint dans la suite fort celebre & puiffante par les liberalités de plusieurs Empereurs, Rois & Princes qui lui donnerent degrands Privileges & augmenterent beaucoup ses revenus: les Evêques de Turin ne contribuerent aussi pas peu à fon agrandifssement en lui soûmetzantplusieurs autres Abbaïes & plusieurs Eglises: en forte que selon la Bulle de Confirmation que lui donna Innocent III. en 1216. il y avoit plus de 1:40. Eglifes quien dépendoient, entre lesquelles il y avoit les Abbaïes de Pignerol, de Cavours, de Caramanie, de saint Christophe, dans le Diocése d'Ast en Piemont, & en France, l'Abbaïe de faint André lès Avignon, saint Jean de Narbonne, saint Hilaire de Carcassonne, & faint Pierre de la Cour, autrement dit Masgrenier à Toulouse. Plusieurs Souverains Pontifes accorderent de très grands Privileges à ce Monastere & aux Abbés qui le gouvernoient Tome V Gg L CONGRE avec titre de Chef & General de l'Ordre de saint Benoît, CATION DE aïant tous droit de provision, nomination, approbation, vi fite, correction de mœurs & autres privileges & prérogatives dont joüissent les Generaux & Chefs d'Ordre; droits & privileges qu'ils ont toûjours conservés sur tous les Benefices de la dépendance de cette Abbaïe, à l'exception de la nomination de ceux ausquels le Roi de France a droit de nommer, par le Concordat fait entre le faint Siége, & Sa Majesté très Chrétienne : ce qui n'empêche pas que ces Abbaïes ne reconnoissent l'Abbé de Cluse, comme leur Chef & General, & qu'elles ne lui foient foûmises en cette qualité. Les principaux privileges de cette fameuse Abbaïe, pour le spirituel, consistent dans la jurisdiction dont joüit fon Abbé, sur tous les Benefices qui en dependent sur lesquels il a toute l'autorité attribuée aux Evêques & autres Ordinaires restant soumis immediatement au saint Siege & exemts de la jurifdiction del'Evêquede Turin & de tout autre Prélat. L'Abbé peut se faire consacrer par quelque Evêque que ce soit avec l'agrément du Pape. Les Moines des Monafteres de la Congrégation ne peuvent être excommuniés ni interdits par aucun Evêque: ils ont droit de se faire ordonner, & de faire administrer le saint Chrême, consacrer les Autels, dédier les Eglises dans leurs Monasteres & dans le bourg de faint Ambroise par quelque Evêque que ce soit, pourvû qu'il foit Catholique. Les Évêques ne peuvent juger les causes du Monaftere, s'ils ne font deputés du Pape: ils ont droit de pourvoir aux Cures de leur dépendance, & les Evêques ausquels ils présentent ceux qu'ils ont choisis pour Curés, font obligés de les approuver, s'ils les trouvent suffisamment capables. Cette Abbaïe est exemte par ces mêmes privileges, de païer aucune dîme. - Les droits temporels de l'Abbé de Cluse ne cedent en rien aux fpirituels; car il possede le bourg & château de saint Ambroise avec plusieurs Terres qui dépendent de la même Châtelleniescomme sont la Cluse, Vayes, faint Antonin Celles, Chavres, Novarel, la Terre & le Château de Javen, & quelques Terres qui dépendent de sa Jurisdiction & de fon Fief, comme eft Valioya, une partie de la Coasse, qui est de fon arriere Fief, & quelques autres Terres qui sont dans le voisinage. Il est vrai que les guerres & les troubles dont GATION DE ces païs ont été accablés, ont bien apporté du changement CONGREtant dans le spirituel que dans le temporel; car outre que CLUSE. plusieurs Monafteres qui étoient de la dépendance de cette Abbaïe se sont soustraits de fon obéissance, ses Abbés ne joüissent plus de tous ces droits temporels: cependant ils ne laissent pas de joüir de beaucoup de privileges, nonobstant le grand changement de cette fameuse Abbaïe, qui après avoir fait l'admiration de tout le monde tant par sa sainteté que par fon autorité sur tant de Monasteres qui lui étoient soûmis, est devenuë à un tel état d'anéantissement, quelle est réduite à servir de logement à un seul Prêtre seculier, qui y est entretenu par le Chapitre de Gavenne, auquel elle a été donnée. Elle a été gouvernée depuis fon établissement, premierement par des Abbés électifs qui se sont diftinguéspar leur merite & par leur sainteté, & dans la suite, par des Abbés, que la qualité rendoit respectables, étant pour la plupart Cardinaux, Princes, ou au moins de grande qualité,comme il est facile de le voir dans un livre intitulé, Historia Chronologica S. R. Ecclefia Cardinalium, Archiepiscoporum Epifcoporum & Abbatum Pedemontana religionis. C'est présentement, selon les Memoires que nous en avons reçus de Piémont, le Sereniffime Prince Eugene de Savoye, qui en est Abbé. Quant à la maniere de vivre de ces Religieux, il est fort difficile d'en avoir aucune connoissance. Les guerres continuelles de ce païs aïant ruiné cette fameuse Abbaïe & difperse ses Religieux, les Monasteres quien dépendoientont changé leurs anciennes pratiques & observances, en forte qu'on n'en peut rien découvrir, non plus que de l'habillement. Tout ce que nous en avons pû sçavoir par des Memoires venus dePiémont, c'est qu'ils étoient habillés de noir comme on le voit encore dans la sepulture de ces anciens Moines, où on les trouve encore en chair & en os, revêtus de leur habit Monachal; mais le tems qui a épargné les corps n'en a pas fait de même des habits, dont il est difficile de pouvoir bien distinguer la forme. Ce que nous avons de plus positif fur cet article, est tiré de certaines Constitutions & Ordonnances que le Prince Maurice Cardinal de Savoye qui en étoit Abbé en 1631. fic pour les Moines de cette Congrégation qu'il avoit intention de remettre dans sa premiere splendeur. Selon ces Ordonnan |