GATION DE CLUSE. CONGRE- noît, sous la conduite d'Advert qui en fut le premier Abbé, auquel fucceda Benoît, dont la vie étoit si innocente& fi fainte, que ses actions sembloient plus angeliques qu'humaines. Sa charité étoit si grande qu'il recevoit sans diftinction tous ceux qui lui venoient demander l'hospitalité. Aussi Dieu qui dit dans son Evangile, que ceux qui donneront un verre d'eau froide en fon nom en recevront la recompenfe, donna la confolation à ce saint Abbé, non seulement de recevoir un grand nombre d'Ultramontains, qui attirés par sa sainteté, venoient embrasser le chemin de la penitence sous sa conduite ; mais encore de voir augmenter fon Monaftere en biens & en honneurs pendant les vingt - quatre ans qu'il le gouverna avec tant de sagesse & de prudence que ce même Monastere étoit l'admiration de tout le monde, par la regularité & la fainteté de ses pratiques. Mais quelle que foit la ferveur d'un Monastere dans fon établissemeut, elle diminuë toûjours à mesure qu'il s'éloigne de fon origine, fi les Superieurs ausquels Dieu en a confié la conduite, n'ont soin de s'opposer aux moindres abus, & d'en éloigner les usages & les pratiques étrangeres, qui quand elles y font une fois introduites , ne peuvent plus en être déracinées, sans en venir à des remedes extraordinaires, tels furent ceux que l'Abbé Benoît, (furnommé le Jeune, pour le diftinguer de celui dont nous venons de parler,) fut obligé d'apporter dans celui de Cluse, qui avoit déja eu le malheur de se relâcher de fes Obfervances, dans l'intervalle du tems qui s'étoit écoulé entre la mort du premier Benoît successeur d'Advert, & l'élection de Benoît le feune, qui se fit en 1066. par tous les fuffrages des vocaux, qui partagés en deux (les uns voulant un nommé Bertrand, estimé pour ses bonnes mœurs & fa grande science, les autres souhaitant Aic, Prieur du Monastere qui se diftinguoit par sa severité pour l'Observance,) se réünirent enfin en sa faveur. Ce faint Abbé étoit de la ville de Toulouse, noble d'extraction, & neveu du dernier Abbé de Cluse, dont on ne dit pas le nom. Il avoit été élevé dès sa plus tendre jeunesse, dans le Monastere de faint Hilaire de Carcaffonne, auquel il avoit été donné par fon pere, nommé Bernard, dou il 4 étoit paffé à l'Abbaïe de Cluse pour y vivre dans une plus CONGREgrande Observance, ne pouvant louffrir les relâchemens du CAVON Monastere où il avoit été élevé. A peine se vit-il paisible possesseur de fon Abbaïe, que l'Evêque de Suze lui avoit disputée, qu'il s'étudia à rétablir l'Obfervance reguliere, à laquelle il exhortoit ses Religieux, retranchant peu à peu les abus & les déreglemens qui s'étoient glissés, tant dans leur habillement, que dans leur maniere de vivre, aïant quitté leurs premieres pratiques pour prendre celles des autres Monafteres qui s'accommodoient mieux à la chair & aux sens. Une morale si opposée aux inclinations de ces Religieux, & le retranchement de ces pratiques ausquelles ils avoient pris goût, ne manqua pas de produire beaucoup de murmure & de désobéïssance, qui obligerent enfin ce faint Abbé à les envoïer dans d'autres Monafteres, & à se faire de nouveaux disciples dont le plus grand nombre étant de jeunes Gentilshommes, leur bonne education lui faifoit esperer beaucoup de docilité à écouter ses instructions & encore plus à les suivre. L'effet seconda fi bien ses esperances, qu'ils reçurent toutes les pratiques de pieté qu'il leur prescrivit & les observerent d'autant plus volontiers, que non seulement il leur servoit d'exemple & de modelle, mais même qu'il en observoitplus qu'il ne leur en prescrivoit, conservant toûjours, nonobftant sa grande regularité, beaucoup de douceur & de charité pour ses freres & une grande dureté & rigueur pour loi-même, ne mangeant jamais ni viande, ni œufs, ni fromage, & fuïant le vin fort & agréable comme autant préjudiciable à l'ame qu'il étoit délicieux aux sens. Il ne dormoit jamais fans son habit qui consistoit en une tunique, une coule & une ceinture: il évitoit le sommeil au tant fon GATIONDE qu'il lui étoit possible; poffible & passoit ordinairement le tems qui lui restoit aprés Matines, dans l'Eglise aux pieds des Autels à prier la Majefté de Dieu qui étoit tout l'objet de amour. Son remede dans les maladies étoit le jeûne, il faisoit trois Carêmes pendant lesquels il ne quittoit point un cilice fort rude & fort long. Il disoit la Messe avec tant de devotion qu'il paroissoit hors de lui-même & tout absorbé en Dieu: & il ne souffroit point qu'on dît d'autres Messes pendant la conventuelle, afin que tout le monde pût assifter. ! CONGRE à un même sacrifice. Il avoit tant de charité pour les hôtes GATION DI les mois & les années, mais encore à leur départ il avoit soin de leur fournir de l'argent & des commodités, pour faciliter leur voïage. Aussi merita-t'il d'en recevoir des lettres de congratulation de Gregoire VII. & de l'avoir pour défenseur contre l'Evêque Cunipert, qui perfecutoit son Monastere, auquel ce souverain Pontife écrivit une lettre très >> forte à ce sujet, dans laquelle il se plaignoit de ce qu'il étoit » ennemi de la paix & de l'union qui étoient le propre des fer> viteurs de Dieu, lui disant de plus que l'on ne donnoit pas >> la puissance aux Evêques, pour opprimer à leur fantaisie >> les Monasteres qui se trouvent dans leurs Diocêses, & pour >> ruiner le culte de Dieu & empêcher les observances regu> lieres par un abus de leur autorité: que ce n'étoit que pour " cette seule raison que l'on exemtoit les Religieux de la ju" risdiction des Evêques : qu'ainsi il prît garde que par ses * vexations injustes & malicieuses, il ne l'obligeât à soûmettre l'Abbaïe de Cluse au saint Siége: qu'il lui ordonnoit " de se présenter au prochain Sinode, pour y rendre compte * de sa conduite sur ce sujet, & qu'en attendant il eût à rele* ver les Religieux de l'interdit qu'il avoit fulminé contre eux: finon, qu'il les déclaroit dès lors absous. دو Mais nonobstant la vie sainte & innocente de ce serviteur de Dieu, & malgré la Lettre du Pape cet Evêque ne laissa pas de le perfecuter, le fit chasser de fon Abbaïe, & le fit prendre prifonnier par les foldats du Roi d'Allemagne qui Jui firent toutes les infultes imaginables, & qui lui en auroient fait encore bien d'autres, si la Marquise Adelaïde Fille de Manginfroid Marquis de Suze, & épouse d'Odon, ( qui avoient fondé un des Monafteres soumis à l'Abbaïe de Cluse) ne l'eût fait délivrer de leurs mains, dont à peine fut-il forti & retourné à son A bbaïe, où il esperoit finir sesjours `en paix, qu'il fut encore perfecuté par Willaume successeur de Cunipert, & par Gregoire Evêque de Verceil, auquel il avoit refusé de dire la Messe dans son Eglife, parce qu'il étoit Schifmatique. Le Monastere de Cluse aïant repris malgré tous ces troubles sa premiere ferveur, redevint la bonne odeur de JesusChrist, enforte qu'il auroit été à souhaiter pour son bonheur que |