promit en expiation de fon peché, de faire bâtir un Mona- CONGREstere, qui servant de retraite à de faints Religieux, lui fat CATION DE un moïen pour attirer la mifericorde de Dieu, par la participation qu'il auroit à leurs prieres & à leurs mortifications. En effet, si-tôt qu'il eut obtenu la grace qui avoit fait le motif de son voïage, il reprit le chemin de son païs, dans l'intention d'y mettre en execution ce qu'il avoit promis : mais Dieu lui en donna l'occasion plutôt qu'il ne le croïoit. Car en passant par Suze, & aïant été loger chez un de ses anciens amis qui étoit habitant de cette ville, il lui fit confidence du sujet de fon voïage, & de la promesse qu'il avoit faite à Dieu & au souverain Pontife. Il y avoit fur le Mont Epicare, éloigné de Suze de quatre lieuës, une Eglise qu'Amiz Evêque de cette même ville y avoit consacrée à l'honneur de saint Michel. Ce lieu étoit très propre par sa grande folitude à fervir de retraite à de faints Religieux, qui désabusés de la vanité du siécle, voudroient s'y consacrer au service de Dieu, & renoncer entierement au monde. Hugues aïant déclaré fon deffein à son ami, celui-ci lui conseilla de l'executer en cet endroit, & Dieu fit connoître à Hugues & à fon épouse par plusieurs fonges que c'étoit sa volonté. C'est pourquoi sans hefiter aïant visité le lieu, ils furent trouver Hardoin, Marquis & Seigneur de cet endroit, & lui demanderent permission de faire bâtir un Convent fur cette montagne, en lui païant toutr ce qu'il souhaiteroit pour le terrain qu'ils emploïoient à cet édifice. Ce Prince les reçut avec toutes les marques de distinction convenables à des personnes de leur merite & de leur qualité, & leur accorda leur demande de la maniere du monde la plus gracieuse, sans pourtant refufer Poffre qu'ils lui faisoient de lui en faire le païement, plûtôt Pour empêcher qu'on ne leur en disputât dans la suite la posfession que par raison d'interêt. Hugues aprés avoir si heureusement réüffi, & aprés en avoir conferé avec un saint Solitaire, nommé Jean (qui abandonnant fon Evêché de Ravenne, s'étoit retiré sur le Mont Caprafe, voifin de celui que Hugues avoit acheté ) retourna fort content chez son hôte, & fongea à qui il pourroit confier la garde dece lieu, pendant qu'il iroit en France pour prendre les mesures necessaires pour faire fon éta CONGR:- blissement. Il crût ne pouvoir mieux faire que de le mettre CLUSE. entre les mains d'un saint Religieux, nommé Advert, ou GATION DE selon quelques autres Arves, qui aïant été Abbé du Monastere de saint Pierre de Leza, en avoit été chassé par les Moines qui ne pouvoient fouffrir la sainteté de sa vie, & les reproches qu'il leur faisoit du déreglement de leur conduite. Ce faint Religieux se trouvant par hazard à Suze, & n'aïant point de Monaftere, accepta fort volontiers l'offre que lui fit Hugues, se retira sur cette Montagne, & y fit quelques petites maisons champêtres, autant que l'irregularité du lieu le lui put permettre, se contentant de fort peu de chofes, & vivant d'une maniere fort mediocre, en attendant le retour de fon bienfaicteur, qui ne manqua pas de retourner dans le tems qu'il avoit promis, bien muni de toutes les sommes necessaires pour la Fabrique de fon Monastere. Il examina de nouveau le terrain ; mais reconnoiffant qu'il étoit fort inégal & ainfi fort incommode pour y faire quelque bâtiment regulier, il fut retrouver le Marquis, & le pria de lui vendre une petite metairie appellée cluse, qui en étoit peu éloignée, comme étant plus agréable & plus propre à l'execution de fon dessfein. Ill'obtint avec la même facilité qu'il avoit eu le premier terrain, & acheta en même-tems les heritages qui en étoient les plus voisins, Tout réüffissoit selon les desirs de Hugues ; mais craignant que dans la suite les Religieux qu'il vouloit mettre dans ce Monastere ne fussent inquietés, non content d'avoir l'agrément du Prince, il voulut avoir celui d'Amizon Evêque de Turin & celui du Pape, dont nous ne sçavons pas positivement le nom : car Willaume Moine de Clufe ( de qui nous avons les Memoires de la fondation de cette Abbaie, ) lui donne quelquefois le nom de Silvestre, & d'autres fois celui de Nicolas. Pour ce qui eft de ce dernier, c'est une erreur fort grossiere: car il est certain que dans tout le dixiéme fiécle, il n'y a pas eu un Pape qui ait porté ce nom. Que le foit Silvestre, cela ne fait pas moins de difficulté. Car le Pape deuxième de ce nom, ne commença à regner que l'an 999. qui seroit trente trois ans aprés la fondation de cette Abbaïe. Or il est certain qu'outre qu'il est fort douteux qu'Hugues ait vêcu jusqu'à ce tems-là, il GATION DI a'est pas vrai-femblable qu'il eût attendu si long-tems aprés CONGREla fondation de ce Monastere, , pour demander au Pape la CN permiflion de faire cet établissement, d'autant plus que Willaume en parlant de la construction des Offices & autres lieux reguliers de ce même Monastere, (qui selon lui fut terminé en 966.) nous donne à entendre qu'il avoit déja obtenu les Lettres patentes & autres privileges, tant du Pape que du Souverain. Voilà ce qu'il en dit : Anno igitur DCCC. LXVI. incarnationis Dominica, constructis, ut fertur, in eodem loco felicicer officinis cœnobialibus prout erat poffibile, cum ille vir illustris Hugo, in armis strenuus, Sed in Dei rebus circa finem, magis devotus, locum, quem fibi ut proprium vindicaverat & Apoftolica authoritate feu praceptis regalibus munierat, Abbati dumtaxat ac Monachis babendum tradidiffet. Ainsi il est fort douteux que le Pape de qui il obtint ces Privileges, portât le nom de Silvestre, puisque, comme je l'ai déja dit, Silvestre II. ne monta fur le Trône Apoftolique que l'an 999. trente trois ans aprés cette fondation. Le Pere Mabillon taxe cet Auteur d'obscurité, & avec justice, puisque dans la suite de fon discours, il fait naître encore une autre difficulté au sujet de l'établissement de ce Monastere de Cluse : car immediatement aprés avoir dit que Hugues le donna à un Abbé & à des Moines,il ajoûte ces paroles: Poftquam etiam sanctus Joannes eremita, nec non & bone memoria Advertus Abbas migrassent ad Dominum, successit ei in regimine fratrum consensu & electione, vir fimplicitatis ac prudentia merito Benedictus & nomine : ce qui donne lieu de douter, si c'est la fondation du Monastere ou l'élection de Benoît qu'il met en 966. Mais comme le remarque fort bien ce sçavant Benedictin, il est plus probable qu'il veut parler de la fondation du Monaftere, & non pas de l'élection de cette Abbé, qui n'aïant gouverné ce Monastere que pendant quarante-quatre ans, n'auroit pu affifter en cette qualité au Concile de Limoge, qui se. tint en 1031. où il est certain qu'il assista la quarante & uniéme année aprés son élection qui fut en 990. Hugues aïant donc mis la derniere main à son Ouvrage, fit venir dans ce nouveau Monastere de saints Religieux, qui y vêcurent dans l'observance de la Regle de faint Be F f iij |