CLUNI. ORDRE DE à un Monaftere, jusques-là qu'ils y entroient en servitude, eux & leurs enfans. Ils se mettoient autour du cou, pour marque de l'offrande qu'ils faifoient d'eux-mêmes & de leurs biens au Seigneur, les cordes des cloches de l'Eglife, & quelques deniers sur la tête. D'autres prenoient les deniers de dessus leur tête, & les mettoient sur l'Autel : & une femme de qualité nommée Gyfe, après la mort de son mari, s'étant aussi donnée en servitude l'an 1022. au Monastere de faint Mihel, elle & fes descendans, laissa pour marque de fon offrande à Dieu, un denier percé, & le bandeau de sa tête. Il y avoit aussi de ces Donnés ou Oblats dans les autres Ordres, comme nous l'avons fait remarquer en parlant du Tiers-Ordre des Servites; mais il ne faut pas confondre ces Oblats avec ceux que les Abbaïes & les Monafteres de fondation Roïale en France étoient obligés de recevoir & de nourrir, lesquels étoient presentés par le Roi. On appelloit ces fortes d'Oblats des Moines Lays, & les Religieux étoient obligés de leur donner une portion Monachale, à la charge qu'ils fonneroient les cloches, & qu'ils balaïeroient l'Eglife & le Chœur. Ces places étoient destinées à des Soldats estropiés ou Invalides. On les a enfuite convertis en argent : & depuis ces Oblats & leurs pensions ont été transferés à l'Hô tel des Invalides à Paris,que le Roi Loüis XIV. commença à faire bâtir l'an 1671. deux ans après la fondation qu'il en fit en 1669. Aymard étant déja fort âgé quand il fut fait Abbé de Cluni, ne put pas long-tems supporter les fatigues de sa Charge. Ses infirmités augmentant de jour en jour, & aïant même perdu la vûë, il choisit saint Mayeül pour son Coadjuteur, du consentement de ses Religieux, & il en fit dresser des Lettres, dans lesquelles il declare qu'il lui avoit donné le Gouvernement du Monastere de Cluni, & des autres Abbaïes & Prieurés qui en dépendoient. Ces Lettres, qui ne font point datées, sont signées entr'autres de cent trente Religieux, qui s'étoient rendus à Cluni de divers autres Monafteres de fa dépendance: mais le premier Acte où il est parlé de saint Mayeül en qualité d'Abbé, étant de l'an 949. fait connoître qu'il pouvoit avoir été fait Coadjuteur dès la fin de l'an 948. Aymard vêcut jusqu'en l'année 965. Berthe, veuve de Rodolphe ou Raoul, Roi de Bourgogne, aïant CLUNM aïant fonde l'an 962. le Monastere de Payerne, dans le Dio- ORDRE DE cese de Lausanne en Suisse, entre Fribourg & Everdun, en donna la conduite à saint Mayeul, qui fut en si grande estime auprès de l'Empereur Othon le Grand, qu'il lui vouloit foûmettre tous les Monasteres qui étoient sur les Terres de l'Empire, tant en Allemagne qu'en Italie, afin d'y établir une plus exacte observance. Ce Prince le fit venir en Italie, où il reforma le Monastere de Classe proche Ravenne. Sigefroi, Evêque de Parme, se servit aussi de saint Mayeul pour rétablir la Discipline Reguliere dans le Monaftere de faint Jean J'Evangeliste. Il en fit autant dans celui de saint Pierre au Ciel d'Or à Pavie, à present de l'Ordre de saint Augustin, & à la priere de l'Imperatrice Adelaïde, qui fit bâtir ou plûtôt rétablir le Monastere de faint Sauveur dans un des fauxbourgs de la même vilłe, il ordonna les bâtimens, & en eut la conduite. Ce Monastere étant achevé, il y mit pour Abbé Hildebade, Religieux de son Ordre. L'Imperatrice affigna pour la fondation de ce Monaftere, trente-six Métairies en Italie, le Monastere de saint Anastase, le Prieuré de saint Nazare de Novare, avec l'Eglise de saint Benoît dans la même ville, le Monastere de Nôtre-Dame à Pompose, & tout ce qui étoit à Comacle; & pour affermir cette donation, cette Princesse donna un coûteau. Il est à remarquer que c'étoit anciennement l'usage de marquer ainsi chaque dispofition stable par quelque Acte exterieur. L'on se fervoit de differentes manieres pour mettre en possession les Donatairesi Le plus souvent on donnoit un gand, un coûteau, le manche d'un coûteau, un bâton, un brin d'herbe, une branche d'arbre, un morceau de bois, un livre, ou quelqu'autre chose. Quelquefois on rompoit ou l'on plioit son coûteau, ou celui d'un autre. On apportoit de la terre du lieu même que l'on donnoit, & que l'on pendoit dans l'Eglife devant l'Autel, noüée dans un linge. La donation se faifoit aussi par le toucher des cloches, ou par les cordes des cloches, par une declaration publique prononcée à haute voix, par la cour roïe dont le Donateur étoit ceint, ou par le baifer de paix; ceremonie qui paroît avoir été essentielle, & dont les Reli-gieux s'acquittoient par des Seculiers, lorsque la bienféance ne letar permettoit pas de s'en acquitter envers des personnes d'un autre sexe. C'est pourquoi un nommé Mainon, du Tome V. Bb CLUNI. Histoire de 247. Mabillon, nedict. 1.57. n. 35. & 1. ORDRE DE consentement de son fils & de sa bru, aïant donné la Terre de Breschiot à l'Abbaïe de faint Aubin d'Angers, lui & son Hobineau fils embrasserent en témoignage le Moine Wautier, qui reBretagne, cevoit la donation; mais comme il n'étoit pas de la bienTom. II. p. féance que ce Wautier donnât le baiser de paix à une femme, il ordonna au Prevôt de l'Abbaïe de le donner pour lui à la femme du fils de Mainon. Le Pere Mabillon dans ses AnnaAnnal. Be les Benedictines, apporte deux exemples affez finguliers de ces fortes de donations, l'une faite par des souflets, l'autre 38. n. 84. en se coupant l'ongle jusqu'au fangs comme il paroît par les Actes de donations faites à l'Abbaïe de Moissac par Ponce, Comte de Toulouse, & par un nommé Honfroi, au Monastere de Préaux en Normandie. Car Ponce Comte de Toulouse, aïant donné une Terre l'an 1045. à l'Abbaïe de Moissac, changée présentement en une Collegiale de Chanoines seculiers, il fit cette donation en se coupant l'ongle du pouce jusqu'à la chair vive, & en fit fortir du sang, & Honfroi aïant aussi donné une terre l'an 1034. au Monaftere de Préaux du consentement de Robert Comte de Normandie, ce Prince envoïa son fils Guillaume, qui étoit encore jeune, à ce Monaftere, afin qu'il mît lui-même cette donation sur l'Autel, ce qu'il fit en présence de plusieurs perfonnes, du nombre desquelles étoient Roger & Robert Guillaume enfans de Honfroi, qui donna à Robert Guillaume un fouflet. Richard de Lillebonne en reçut un plus fort, & aïant demandé à Honfroi, pourquoi il lui avoit donné un si grand souflets il lui répondit, qu'étant plus jeune que lui & selon toutes les apparences devant vivre plus long-tems, il rendroit témoignage de cette action. Enfin Hugues fils du Comte de Valeran, reçut un troifiéme fouflet. Le Pere Mabillon ajoûte que c'est le seul exemple qu'il ait trouvé de ces fortes de donations par souflets. Au sujet de ces donations nous rapporterons une chose assez particuliere enoncée dans une fondation faite l'an 1426. au Prieuré de saint Martin des Champs à Paris (l'une des filles de Cluni) par Philippes de Morvillier premier Président du Parlement de Paris, & par Jeanne du Drac sa femme, par laquelle ils obligent les Religieux de ce Couvent & leur Maire de donner tous les ans la veille de la Fête de faint Martin d'Hyver au matin, avant midi, au premier Préfident du Parlement de Paris, qui fera pour lors en Charge ORDRE DE deux bonnets à oreilles l'un double, l'autre simple, en lui CLUNI disant: Monseigneur, Meffire Philippes de Morvillier,en fon vivant premier Président au Parlement, fonda en l'Eglife & Monastere de Monsieur Saint Martin des Champs à Paris, une Messe perpetuelle, & certain autre Service Divin, & ordonna pour memoire & conservation de ladite fondation, étre donné & présenté chacun an à Monseigneur le premier Président de Parlement, qui pour le tems sera, par le Maire desdits Religieux & un d'iceux Religieux, ce don & présent, lequel il vous plaise prendre en gré. Le même Fondateur ordonna aussi que l'on donneroit le même jour au premier Huifierdu Parlement des gands & une écritoire, en disant: Sire, Mesfire Philippe de Morvillier, &c. ou bien vingt fols parisis pour les bonnets du premier Président, & douze fols parisis, pour les gands, & pour l'écritoire du premier Huiffier. Pour revenir à faint Mayeul, dont nous nous sommes un peu écartés au sujet de ces donations, les Religieux de Le rins defirant embrasser les coûtumes de Cluni, prierent ce faint Abbé de prendre soin de leur Monastere; mais comme Lerins & Cluni étoient également foûmis au faint Siége, faint Mayeul eut recours au Pape Benoît V I. qui lui accorda l'an 978. le Monastere de Lerins avec celui d'Arluë que faint Honorat avoit fondé pour des Religieuses. Dans le même tems Amblard Archevêque de Lyon, donna aux Religieux de Cluni, quelques terres qu'il avoit en Auvergne pour y bâtir un Prieuré en l'honneur de saint Pierre. Saint Mayeul fut fait encore Abbé de Marmoutier & réforma les Monasteres de saint Benigne de Dijon, de saint Maur des Fofsfés & de faint Germain d'Auxerre, & étant mort à Savigni l'an 974. il y fut enterré. Saint Odilon succeda à faint Mayeul dans le gouvernement de l'Ordre, il avoit été élû Abbé de Cluni, peu de tems avant la mort de saint Mayeul. Les Religieux de Cluni qui fe trouverent à son élection étoient au nombre de cent foixante & dix-fept. Il y eut aussi des Princes, des Evêques, des Abbés, des Seigneurs qui y furent présens, entre lefquels furent Raoul Roi de Bourgogne Transjurane, Bur chard Archevêque de Lyon, Hugues Evêque de Geneve, Henri de Lausanne, Hugues de Mâcon, Vautier d'Autun, ORDRE DE quatre principales Fêtes de l'année, comme aussi en tout tems dans les Hôtelleries & chez les Seculiers, lorsque les Religieux feroient en voïage. CLUNL Jean de Bourbon (fils naturel de Jean de Bourbon Comte de Clermont,) qui avoit été Religieux du Monaftere de S. André d'Avignon d'où il fut tiré pour monter sur le Siége Episcopal du Puy en Vellay, aïant été pourvû en Titre de l'Abbaïe de Cluni en 1443. fit encore de nouveaux Statuts l'an 1458. pour le maintien de la difcipline Reguliere, ou du moins pour empêcher que le relâchement n'augmentat ; or donnant entr'autres choses que les Religieux diroient Matines la nuit, ne porteroient point des chemises de lin, coucheroient avec leurs habits, dormiroient dans un même dortoir, mangeroient dans un même refectoire, & ne porteroient point d'habits qui ressentissent la vanité : ce qui fut encore observé sous les Abbés Jacques d'Amboise, Aimard de Poifli, & Godefroi d'Amboise qui étoient encore Reguliers. Mais le Cardinal Jean de Lorraine aïant été poftulé pour Abbé de Cluni en 1528. à la recommandation du Roi François Premier, & cette Abbaïe étant tombée en Commende, les Religieux tomberent aussi bien-tôt aprés dans le relâchement, & les autres Maisons de la dépendance de Cluni suivirent malheureusement l'exemple de seur Chef. Le Cardinal Charles de Lorraine, aïant succedé à Jean de Lorraine, voulut à son retour du Concile de Trente, reformer cet Ordre en vertu du Decret de ce Concile qui avoit ordonné la reformation des Monafteres. Il fit assembler pour cela un Chapitre General, où on fit des Statuts; mais l'interruption de ce Chapitre en empêcha l'execution. Dom Claude de Guise Abbé Regulier, bâtard de la maison de Lorraine, fucceda au Cardinal de Lorraine, & le Cardinal de Guise, Loüis de Lorraine fucceda à Dom de Guise. Ce Cardinal chargea Dom Jacques de Vesni d'Arbouze, pour lors Grand-Prieur de Cluni, de travailler au rétablissement de la discipline reguliere. Il fit quelques Reglemens pour ce sujet, qui furent approuvés en 1621. & ce Prélat étant mort peu de tems après, Dom d' Arbouze lui fucceda, poursuivit Ion projet, & introduisit à Cluni la reforme, dont nous parlerons dans le Chapitre suivant. Dom d'Arbouze qui futle dernier Abbé Regulier, se voïant avancé en âge, demanda |