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CLUNI.

ORDRE DE perfectionna ce que fon predeceffeur avoit commencé. If fit achever l'Eglife, dont la Dedicace fe fit avec beaucoup d'appareil & de magnificence, en prefence d'un grand nombre de Prélats qui y furent invités. Après avoir mis ordre à tout ce qui regardoit les édifices materiels du Monastere, il travailla avec foin à l'édifice fpirituel. Il établit dans ce Monaftere une fi belle difcipline,que plufieurs Monafteres en France, tant anciens, que de nouvelle fondation, s'y foûmirent. L'Obfervance étoit fi fort déchuë, fur tout dans les anciens Monafteres, tant en France, qu'en Angleterre, & en Espagne, que non feulement la regle de faint Benoît n'y étoit point obfervée ; mais même que l'on en ignoroit le nom : ce qui a fait croire à quelques Ecrivains contemporains de faint Odon, qu'il avoit été le premier qui avoit promulgué cette Regle: entre les autres l'anonime de Monftier-en-der qui a écrit les miracles de faint Burchaire Abbé de ce Monaftere, dit que du tems de faint Odon, la regle de faint Benoît étoit inconnue en France, & que l'on fuivoit dans les Monafteres les obfervances qui étoient en pratique dans celui de Luxeuil. Mais ces gens là, dit le Pere. Mabillon, ignoroient-ils les ordonnances des anciens Conciles & des Capitulaires, qui dès le feptiéme fiécle avoient propofé la regle de faint Benoit pour modele aux Moines ? & ne fe refouvenoient-ils plus de ce que faint Benoît d'Aniane avoit fait dans le Concile d'Aix-la-Chapelle l'an 817. pour faire obferver cette regle dans tous les Monafteres? Si quelqu'un a merité le nom de premier Reformateur de l'Ordre de faint Benoit, continue le fçavant Annaliste de cet Ordre, c'eft fans doute faint Benoît d'Aniane qui a été General de prefque tous les Monafteres de France, dont il avoit formé comme un corps de Congregation Monaftique. Ce faint Abbé étant mort, & perfonne n'aïant herité de fon zele pour le maintien de la difcipline reguliere, l'Ordre de faint Benoît retourna dans le même cahos & dans la même confufion, où il étoit auparavant, tant à caufe des guerres qui furvinrent entre les enfans de Loüis le Debonnaire, qu'à caufe des frequentes incurfions des Normans, qui aïant caufé la ruine de la plupart des Monafteres, y apporterent le relâchement & abolirent même jufqu'au fouvenir de la regle de faint Benoît. La gloire d'être le foûtien & le reftau

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CLUNI.

rateur de l'Ordre de faint Benoît prêt à tomber, étoit refer- ORDRE DE
vée à faint Odilon. En effet, à peine les coûtumes de Cluni
curent-elles été connues par fes foins, qu'un grand nombre
de Monasteres 'voulut les embraffer; quelques-uns fe con-
tenterent de les recevoir fans fe foûmettre à Cluni: d'autres
s'y foûmirent de bon cœur, & formerent avec l'Abbaïe de
Cluni, cet Ordre fi illuftre qui s'eft si fort étendu dans la
fuite par toute la terre.

Mais pour
faire connoître quelle étoit la fainteté des Re-
ligieux de Cluni, dans le commencement de cet Ordre, Tom. IV.
voici quelles étoient leurs principales Obfervances. Tous
Spicileg.
les jours ils difoient deux Mefles folemnelles, où chaque
Religieux, d'un des Chours, offroit deux Hofties, quoi-
qu'il n'y en eût que cinq qui y communiassent les Diman-
ches, & trois feulement les jours de Feries. Les autres man-
geoient avant le repas, & par forme d'Eulogie les Hofties
non confacrées, qui avoient été feulement benites: mais aux
Meffes folemnelles des Morts, & les trois jours des Ro-
gations, l'un & l'autre chœur offroit les Hofties. Aux
Fêtes folemnelles le Diacre communioit de l'Hoftie du Ce-
lebrant, & le Sous-Diacre des autres mais les trois jours
qui précedoient la Fête de Pâques, on donnoit la Commu-
nion à tous les Religieux. Si quelqu'un vouloit celebrer la
Meffe le Samedi-Saint, avant que l'on eût dit la Meffe so-
lemnelle, il ne fe fervoit pas de luminaire à caufe que le nou-
veau feu n'étoit pas encore beni. La preparation qu'ils ap-
portoient pour faire le pain qui devoit fervir au facrifice de
l'Autel,eft digne de remarque. Ils choififfoient premierement
le froment grain à grain,& le lavoient avec grand foin. Etant
mis dans un fac destiné uniquement pour cela, un ferviteur
reconnu pour homme de bien, le portoit au moulin, il lavoit
les meules, les couvroit avec des rideaux deffus & deffous;
& revêtu d'une aube, il se cachoit le vifage d'un voile, n'y
aïant que les yeux qui paroiffoient. On apportoit la même
precaution pour la farine. On ne la paffoit dans le crible
que lors qu'il avoit été bien lavé; & le Gardien de l'Eglife,s'il
étoit Prêtre ou Diacre, achevoit le refte, étant aidé par deux
autres Religieux, qui avoient les mêmes Ordres & par un
Convers, nommé exprès pour cela. Ces quatre Religieux à
la fin des Matines, fe lavoient les mains & le vifage. Les trois

A a iij

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ORDRE DI premiers fe revêtoient d'Aubes, l'un lavoit la farine avec de l'eau bien claire & bien nette, & les deux autres faifoient cuire les Hofties dans le fer ; tant étoit grande la veneration & le refpect que les Religieux de Cluni avoient Sainte Euchariftie.

pour

la

Quant à leurs exercices reguliers, le filence étoit fi étroitement gardé entre eux, tant de jour que de nuit, qu'ils auroient plûtôt fouffert la mort que de l'avoir rompu avant l'heure de Prime : aux heures de filence, l'on se servoit de fignes au lieu de paroles. Depuis le treize Novembre, les Anciens restoient au cœur après Matines, & les jeunes alloient au Chapitre pour y étudier le chant. On récitoit les Pfeaumes en travaillant. La Proclamation des coulpes étoit en ufage parmi eux. Après Complies on ne recevoit point les Hôtes, & après ce tems-là on n'accordoit jamais aux Religieux la permiffion de manger.

Udalric en rapporte un exemple en la perfonne d'un Cellerier qui, quoiqu'il eût été occupé tout le jour à recevoir le vin qu'on amenoit pour la provifion, ne put néanmoins obtenir la permiffion de manger après Complies. Depuis le 13. Septembre, on ne faifoit qu'un repas, excepté aux Fêtes de douze leçons,& dans l'Octave deÑoël & de l'Epiphanie, qu'on en faifoit deux. Les reftes du pain & du vin quel'on deffervoit au réfectoire, étoient diftribués aux pauvres Pelerins. On nourriffoit outre cela dix-huit pauvres tous les jours, & la charité s'y faifoit le Carême avec une fi fainte profufion, , qu'en une année au commencement du Carême, il y eut fept mille pauvres, aufquels on distribua une très grande quantité de viande fallée & d'autres femblables aumônes. Les jeunes gens y étoient élevés avec le même foin: on leur donnoit la même éducation que les enfans des Princes auroient pu recevoir dans les Palais de leurs peres: & encore aujourd'hui on y éleve fix enfans nobles qui fervent comme d'enfans de Chœur, & qui font vêtus de l'habit Monaftique. Cette exacte difcipline étoit procurée par l'Abbé qui avoit fous lui un Grand Prieur, des Doïens, un Prieur Clauftral, des Chantres, des Maîtres pour les enfans, un Préchantre, un Armarier qui confervoit dans une Armoire, dans le Cloître, les livres à l'ufage de l'Eglife,un Chambrier qui avoit foin du veftiaire,un Apocrifiaire qui avoit la garde

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Ancien Oblat de L'ordre

de S Benoit

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