Page images
PDF
EPUB

BENOIT

voïa avec honneur, & lui fit present de quarante livres d'ar- VIE DE S. gent, que le Saint distribua aux Monasteres du païs, étant D'ANIANE. proprement le nourricier de tous les Monafteres de Provence, de Gothie & de Novempopulonie, c'est-à-dire, de Languedoc & de Gascogne. Le grand soin qu'il prenoit des pauvres, faisoit que chacun lui portoit ce qu'il vouloit leur donner. Il nourrissoit dans son Monastere des Clercs & des Moines de divers lieux, ausquels il donnoit un maître pour les instruire dans les choses saintes. Sa charité étoit sans bornes: il avoit la confiance de tous ses Disciples, dont il étoit le recours dans leurs tentations. Il avoit beaucoup diminué de cette grande austerité, jugeant impossible de la soûtenir; mais il ne laissoit pas de travailler avec les autres à fouir la terre, à labourer & à moissonner. Nonobstant la chaleur du païs, à peine permettoit-il à personne de boire un verre d'eau avant l'heure du repas; ils n'osoient cependant en murmurer, parce qu'il étoit encore moins indulgent pour luimême que pour les autres. Soit pendant le travail, foit en y allant ou en revenant, on n'ouvroit la bouche que pour chanter des Pseaumes. Depuis le jour de sa conversion, jamais il ne mangea de grosse viande; mais dans ses maladies, il prenoit du boüillon de volaille, la croïant plus permise comme n'étant pas defenduë par la Regle.

Le voisinage de la Catalogne exposant la Province de Languedoc au danger d'être infectée de l'heresie de Felix Evêque d'Urgel, saint Benoît empêcha les Prélats de fon païs de s'y laisser surprendre. Felix soûtenoit que JesusChrist n'étoit Fils de Dieu que par adoption. Le Roi Charles aïant fait assembler au sujet de cette heresie, un Concile à Ratisbonne l'an 792. Felix y fut convaincu d'erreur, & aïant été envoïé par ce Prince à Rome, versle Pape A drien I. il confessa & abjura son herefie: mais étant retourné à Urgel, il la soûtint de nouveau ; ce qui fit que Charles fit assembler un Concile à Rome l'an 799. où Felix fut encore condamné. Ce Prince lui envoïa Leïdrade Archevêque de Lion, Benoît Abbé d'Aniane & plusieurs autres Evêques & Abbés, pour lui perfuader de renoncer à son erreur & de se soûmettre au jugement de l'Eglife. On l'invita à venir trouver le Roi, & on lui donna parole qu'il y auroit toute liberté de produire les passages des Peres qu'il prétendoit fa

VILDE S. vorables à son opinion. Il vint à Aix la Chapelle où le Roi D'ANIANZ, étoit : il produisit dans une Assemblée qui fut tenuë en pre

BENOÎT

sence de ce Prince, ses authorités qui furent combattuës par les Prélats, & convaincu il se rendit une seconde fois, & abjura son erreur, ce qui n'empêcha pas qu'à cause de ses rechutes, il ne fût deposé de l'Episcopat & relegué à Lion où l'on trouva après sa mort entre ses écrits, une formule de foi contraire à celle qu'il avoit prononcée dans l'Assemblée d'Aix la Chapelle, ce qui fait croire qu'il est mort heretique.

4

Loüis dit le Debonnaire, dernier fils de l'Empereur Charlemagne, & Roi d'Aquitaine voulant travailler à rétablir dans son Roïaume, la discipline Monastique, en commit le soin à saint Benoît d'Aniane. Il y avoit quelques Monafteres qui étoient entierement déchus de la discipline primitive. L'on n'y connoissoit plus la Regle, ni les pratiques si saintes que l'on avoit admirées autrefois, les Religieux se contentant de vivre en Chanoines, sans beaucoup de regularité. Le Saint les reforma tous ; mais un si heureux succès lui suscita l'envie de quelques Ecclesiastiques & de quelques Seigneurs de la Cour, qui tâcherent de le rendre suspect à l'Empereur. Il fut obligé d'aller à la Cour de ce Prince pour se purger des accufations qu'on avoit formées contre lui : mais quoique pour le détourner d'y aller, on l'eût assuré que l'Empereur étoit fort prévenu contre lui, ilne reçut cependant de ce Prince que des marques d'estime & d'affection.

L'Abbaïe d'Anianene pouvant plus nourrir tous les Religieux qui y étoient, dont le nombre se multiplioit chaque jour, Loüis le Debonnaire lui donna les trois Monafteres de Menat en Auvergne, de faint Savin dans le Diocêse de Poitiers, & de Massai dans le Berri. Le Saint mit encore outre cela douze de ses Religieux dans un Prieuré de la dépendance de Menat: & Dieu donna tant de benediction à

cet établissement, que cette Communauté se groffit par la conversion de foixante & dix personnes qui y prirent l'habit de Religion: de forte qu'on fut obligé de les envoïer dans le Monastere même de Menat qui étoit plus grand & plus commode, à la reserve d'un petit nombre qui resta dans ce Prieuré.

Loüis aïant succedé à son pere Charlemagne à la Cou

ronne

forme de France & à l'Empire, fit venir en France faint Be- BVIE DE S. noît & lui donna en Alface le Monastere de Maurmonster D'ANIANE. près de Saverne, où il mit plusieurs Religieux de fon obfervance, tirés d'Aniane. Mais parce que ce lieu là étoit trop éloigné d'Aix la Chapelle, qui étoit la résidence ordinaire de PEmpereur, & que faint Benoît lui étoit necessaire pour plusieurs affaires, il l'obligea de mettre un autre Abbé à ce Monastere, & de se rendre auprès de lui avec quelquesuns de ses Religieux. A deux lieuës de là il y avoit une vallée qui plut au faint Abbé; & l'Empereur par complaisance pour ce faint homme, y fit bâtir un Monastere quel'on nomma Inde d'un ruiffeau qui y coule. Ce Prince afsista à la Dedicace de l'Eglise qui fut faite fous le titre de faint Corneille Pape & Martyr. Il y donna plusieurs terres, & voulut qu'il y eut trente Religieux, qui furent tirés de differentes Maifons. Ainsi quelque amour qu'eut le Saint pour la retraite, il ne put se dispenser de frequenter la Cour. Il recevoit les Requêtes que l'on presentoit à ce Prince, & de peur de les oublier, il les mettoit dans ses manches, ou dans le Manipule que les Prêtres portoient encore ordinairement à la main. L'Empereur le foüilloit souvent pour prendre ces papiers & les lire, & le confultoit non seulement sur les affaires particulieres mais encore fur le gouvernement de PEtat. Il lui donna l'inspection sur tous les Monafteres de fes Etars, & ce fut par son ordre qu'il travailla à une reforme generale avec plusieurs autres Abbés, qui après avoir long-tems conferés ensemble, trouverent que la principale cause du relâchement de la Discipline Monastique étoit la diversité des Observances: quoi que l'on fît profession de fuivre la Regle de saint Benoît dans la plupart des Monasteres, il y avoit neanmoins bien de la varieté dans la pratique de ce qui n'y est pas écrit. D'où il arrivoit que Fon faifoit passer les relâchemens pour d'anciennes coû tumes authorisées par le tems, que l'on avoit bien de la peine à reformer. On crut donc que le plus feur étoit d'établir une difcipline uniforme par des constitutions qui expliquaffent la Regle : ce qui s'executa par les Reglemens du Concile d'Aix la Chapelle qui se tint l'an 817. dont nous allons parler dans le Chapitre suivant. Monfieur l'Abbé Fleury met au nombre des Abbés qui afsisterent à ce Con

Tome V.

T

REGLEMENS Cile, Apollinaire, Abbé du Mont-Caffin : cependant cer DU CONCI- Abbé ne succeda à Gifulfe qu'au commencement de l'année LA-CHA- 818. & ce seroit plûtôt ce Gifulfe qui y auroit pu assister

LE D'AIX

PELLE.

qu'Apollinaire, comme en effet le Pere Mabillon le croit vrai-semblable. Josué Abbé de faint Vincent de Vulturne, qui est un Monastere proche Capouë, dont nous avons déja parlé, fut aussi du nombre de ces Abbés.

[blocks in formation]

Des Reglemens du Concile d'Aix-la-Chapelle de l'an 817. touchant l'Ordre Monaftique, avec la continuation de la Vie de faint Benoît d' Aniane.

C

HARLEMAGNE

signala fon zele pour le bon ordre

des Maisons Religieuses dans divers Capitulaires & par plusieurs Conciles qu'il fit assembler. C'est ce qui paroît par les Capitulaires d'Aix-la-Chapelle des années 789.804. & 811. & par les Conciles tenus en la même ville l'an 802. & à Chalons fur Saone, à Arles, à Tours, à Reims & à Mayence en 813. mais les Reglemens qui y avoient été faits pour le rétablissement de la discipline Monastique n'avoient pas été mieux observés, que ceux des Conciles d'Allemagne & de Lestines tenus parl'ordre de Carloman, non plus que ceux de Soiffons & de Verneüil convoqués par Pepin. Un des premiers foins de Loüis le Debonnaire lorsqu'il fut parvenu à l'Empire, fut de faire observer ces Reglemens. Pour cet effet il convoqua plusieurs Evêques & plusieurs Abbés à Aix-la-Chapelle, où les Evêques & les Clercs dresserent des Reglemens pour les Chanoines ; & les Abbés & les Moines des Statuts & des Constitutions, qui expliquoient la Regle de S. Benoît, & qui devoient être observés dans tous les Monafteres, pour y établir une Obfervance uniforme. Saint Benoît d'Aniane, à qui l'Empereur avoit donné la même autorité sur tous les Monafteres de France qu'il avoit euë auparavant sur ceux de Languedoc & d'Aquitaine, de forte qu'il en étoit comme le Chef & le General, présida à l'Assemblée des Abbés, où l'on dressa ces Statuts ou Constitutions, divisés en quatre-vingt Chapitres, felon quelques éditions, & felon d'autres en soixan- REGLE

te & douze.

MENS DU CONCILE

Comme la Regle de saint Benoît en est le fondement, D'AIX-LAon ordonna d'abord que les Abbés presens à cette Assemblée, CHAPELLE liroient toute la Regle avec attention, & en peseroient sagement toutes les paroles, pour en sçavoir parfaitement l'esprit, & que tous les Moines qui le pourroient, seroient obligés de l'apprendre par cœur.

On ordonna ensuite que l'on reciteroit tous les jours Office Divin, comme il est prescrit par la Regle de faint Benoît, que tous les Religieux travailleroient eux-mêmes à la cuisine, à la boulangerie, & à tous les autres offices de la maison, & laveroient & nettoïeroient eux-mêmes leurs habits qu'on ne se feroit point faire le poil dans le cours de l'année que tous les quinze jours, & point du tout pendant le Carême, fi ce n'étoit le Samedi Saint; parce que les Penitens de ce tems-là, fuivant la remarque du P. Mabillon, ne rasoient point leur barbe, & ne coupoient point leurs cheveux, & que les Moines qui étoient dans une profeffion continuelle de mortification & de penitence, devoient les imiter. Par cette même raison, il n'étoit pas permis de se faire faigner regulierement en certaines saisons; mais feulement dans un vrai besoin & pressant. Toutefois ces faignées reglées pour les saisons, passerent depuis en Regle dans les Congregations plus modernes, qui ont même fait inferer dans les Calendriers de leurs Breviaires les jours ausquels il étoit permis de se faire saigner. Il étoit permis d'user du bain à la difcretion du Superieur; mais non pas frequemment, comme il étoit d'usage parmi les Seculiers. Ils devoient fe laver les pieds les uns aux autres par un esprit d'humilité, principalement pendant le Carême, en chantant des Antiennes & des Pfeaumes de Penitence.

Il étoit défendu de faire loger aucun Seculier dans l'interieur du Monaftere, à moins qu'il ne voulût prendre l'habit & se consacrer à Dieu. Les Religieux mêmes étrangers devoient loger dans un Dortoir separé. Aucun ne pouvoit voïager fans avoir un Compagnon pour témoin de sa conduite. On ne devoit point recevoir facilement un Novice fans l'avoir éprouvé par les exercices de la pieté & de l'humilité, en lui faisant servir les Hôtes dans leur logis pen

[ocr errors]
« PreviousContinue »