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GATION DE

FULDES.

CONGRE celle du Rhin & le païs de Worme, & un pareil nombre en Baviere & dans là Suabe, qui faifoient en tout quinze mille metairies. Les François imiterent auffi les Allemans, & augmenterent confiderablement par leurs liberalités les revenus de cette Abbaïe:car outre que le Prince Carloman donna le lieu où les fondemens en furent jettés avec fept mille pas de tour, le Roi Pepin lui donna Omftat, & Charlemagne Amelembure avec leurs dépendances, ce qui fervit à la fubfiftance, non feulement de cette Abbaïe; mais encore des Monafteres de Holtz Kirchen & de Solnhofen qui furent bâtis par la permiffion de cet Empereur. Enfin faint Sturme aprés avoir gouverné cette Abbaïe pendant près de trente fix ans, mourut le 17. Decembre 779.

Aprés fa mort, Baugulfe, que d'autres appellent Gangulfeou Landulphe,lui fucceda. L'Empereur Charlemagne fui écrivit auffi bien qu'à tous les Evêques & les Abbés pour les exciter à faire fleurir les fciences dans leurs Communautés, afin que les Religieux puffent plus aifément penetrer les Misteres de l'Ecriture-Sainte. Bandulfe fit bâtir le Monaftere de Wolfmunfter, où aprés s'être demis l'an 802. de fa dignité d'Abbé de Fuldes, entre les mains de Ratgar, il fe retira pour mener une vie privée le refte de fes jours. Le Pere Mabillon appelle ce Monaftere de Wolfmunfter qui ne fubfifte plus, Baugolfmunfter, comme aïant pris le nom de fon Fondateur, qui avoit auffi jetté les fondemens d'un autre Monaftere fur le Mont faint Pierre proche Fuldes.

Ratgar avoit été auffi Difciple de faint Sturme ; mais c'étoit un homme dur & inflexible, qui ne fçavoit pas allier la charité & la douceur avec une jufte fermeté. Pour une petite parole que lui difoit un Religieux, même par neceffité, il le maltraitoit ; & fans avoir égard ni à l'âge ni à la qualité, il le releguoit dans quelque Prieuré de la dépendance de l'Abbaïe, fous pretexte d'en faire valoir le bien. Cette grande feverité caufa beaucoup de troubles dans ce Monaftere : ce qui fit que fur les plaintes des Religieux, l'Empereur Louis le Debonnaire le fit dépofer de fa Charge, & l'envoïa en exil. Il fonda un autre Monaftere proche Fuldes au Mont de l'Evêque, qui dans la fuite fut appellé le Mont de Notre Dame à cause de l'Eglife qui fut dediée à la Sainte Vierge.

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FULDES.

Eygil fucceffeur de Ratgar, fit auffi bâtir fur une autre CONGRE montagne un Monaftere dedié à faint Michel. Le celebre GATION DE Raban Maur qui fucceda à Eygil en fit auffi bâtir un fur le mont faint Jean. Ainfi Fuldes fe trouvoit entre quatre Monasteres, fur autant de montagnes qui environnoient cette Abbaïe. Raban Maur y fit fleurir les belles Lettres : l'Ecole de Fuldes devint très fameufe: on y venoit de toutes parts on y voïoit, non feulement des Moines de divers Monafteres; mais encore des Chanoines de plufieurs Cathedrales. Raban y avoit enfeigné n'étant que fimple Religieux mais étant devenu Abbé, il eut un grand foin d'y entretenir d'excellens maîtres : l'on y en comptoit même douze des plus doctes & des plus habiles de ce tems là.H fit encore bâtir le Monaftere de faint Sol ou Solenhoft. Ces nouveaux Monafteres qui étoient de la dépendance de Fuldes & dans lefquels il falloit envoïer des Religieux, avoien diminué ce grand nombre qui y étoit du tems de faint Sturme: car il n'y avoit pas plus de cent foixante ou foixante & dix Religieux à Fuldes, du tems de Raban Maur. Il en envoïa encore quinze pour peupler le Monaftere d'Hirfauge: & leur donna pour Abbé Luitbert, l'un de ces fçavans maîtres de Fuldes,lequel établit auffi une Ecole à Hirfauge qui devint très celebre dans la fuite. Raban Maur aïant gouverné Fuldes pendant vingt ans, se démit de fa Charge l'an 842. Il y en a qui ont pretendu que c'étoit à cause du d'union qui étoit parmi les Religicux, les uns tenant le parti de l'Empereur Lothaire, les autres celui de Louis Roi de Germanie, ces deux freres étant pour lors en guerre, parce que Lothaire, après la mort de fon pere Louis le Debonnaire, ne s'étoit pas voulu contenter du partage que ce Prince avoit fait entre lui & fes deux freres, Louis Roi de Germanie, & Charles Roi de France. Quoique Raban eût tenu le parti de Lothaire, cela n'empêcha pas le Roi Loüis d'agréer fon élection lorfqu'il fut choifi pour être Archevêque de Maïence: ce Prince aflifta même à fon Sacre.

peu

Raban Maur eut des fucceffeurs qui eurent foin d'entretenir à Fuldes la Regularité, & d'y faire fleurir les belles Lettres & les beaux Arts, entr'autres furent Sigheard, qui, comme il étoit fort habile Architecte, felon Brufchius, fis faire de très beaux bâtimens, & un pont de pierre à Fuldes

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CONGRE de fix-vingts coudées de long; Helmfride, qui par fon FULDES. exemple excitoit les Religieux à obferver exactement leur Regle, & Hildebrand que l'on prétend avoir eu le don de prophetie, & qui fut auffi Archevêque de Mayence. Mais Tous Hademar fucceffeur d'Helmfride, dans le Gouvernement de l'Abbaïede Fuldes,il y eut une très grande division, &undefordre exceffif & fcandaleux,dont on attribuë la cause à Frideric Archevêque de Mayence, qui fut obligé de s'y retirer par l'incident qui fuit.

L'an 939. Henri, frere puîné de l'Empereur Othon I. croïant qu'il avoit plus de droit à la Couronne que fon frere, parce qu'il étoit né depuis l'élevation de leur pere Henri à l'Empire, voulut maintenir fa prétention par les armes. Everard, frere du défunt Empereur Conrad, & Giflebert, Duc de Lorraine, fe liguerent avec lui contre Othon, qui les aïant défaits, obligea fon frere à venir implorer fa clemence. Ce Prince croïant que Frideric, Archevêque de Mayence avoit favorifé les rebelles, le relegua dans l'Abbaïe de Fuldes, quoiqu'il fe fût purgé de ce foupçon, par la reception du Corps & du Sang de Jefus-Christ. Brufchius s'eft trompé, lorfqu'il a dit que ce Prélat étoit fils du Roi de France, & qu'on le fit revêtir de l'habit Monachal pour l'enfermer dans cette Abbaïe: car outre qu'il n'étoit point du Sang Roïal de France, c'eft qu'il avoit été Religieux à Fuldes, avant que d'être élevé fur le Siége Archiepifcopal de Mayence, & par confequent il devoit avoir toûjours confervé l'habit Religieux, conformément au huitiéme Concile General de Conftantinople tenu l'an 869. qui défendoit aux Evêques de quitter l'habit Religieux fur peine d'être dépofés, lorfqu'ils avoient été tirés du Cloître pour monter à l'Epifcopat.

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Frideric aïant été relegué à Fuldes,comme nous venons de le dire, fufcita, à ce que l'on croit, une cruelle perfecution dans tous les Monafteres qui étoient de fa dépendance contre les Religieux, fous prétexte de les réformer. Ils avoient à la verité grand befoin de l'être; & plufieurs Evêques témoignoient qu'il valoit mieux qu'il n'y eût qu'un petit nombre de Religieux fans tache,que d'en voir un très grand nombre mener une vie mondaine & relâchée:ce qui fit que plufieurs fe fentant coupables,& ne voulant pas arriver à une fi grande

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perfection que celle à laquelle on les vouloit obliger,aime- CONGRE. rent mieux quitter l'habit & fortir du Monaftere ; quelques- FULDES. uns même fe marierent, comme dit Brufchius. Hademar étoit pour lors Abbé de Fuldes: il traita d'abord avec affez d'honnêteté l'Archevêque de Mayence; mais aïant intercepté des Lettres qu'il écrivoit fecretement, il ufa de rigueur envers lui: ce qui fut caufe que ce Prélat pour s'en venger, lorfqu'il fut en liberté, perfecuta les petits Monafteres avec violence; cependant il ne put rien faire à Fuldes, à cause d'Hademar, qui avoit les bonnes graces de l'Empereur.

Hatton, furnommé Bonofe, qui fucceda dans le Gouvernement de Fuldes à Hademar, fut auffi Archevêque de Mayence. Brufchius dit que dans une famine il fit affembler une grande quantité de pauvres dans un grenier, fous prétexte de leur faire donner du bled; mais qu'il y fit mettre le feu, & qu'en punition il fut mangé des rats, quoiqu'il fe fût fauvé dans une ifle au milieu du Rhin pour éviter ces animaux, qui pafferent ce fleuve à la nage pour l'y' aller trouver. Quelques Auteurs prétendent que c'eft une calomnie inventée contre ce Prélat par les Centuriateurs de Magdebourg: neanmoins Brufchius, qui apparemment l'avoit appris de quelqu'autre, en avoit déja parlé dans fa Chronologie des Monasteres d'Allemagne,qu'il donna en 1550. cinq ans avant que ceux de Magdebourg euffent commencé leurs Centuries:au refte,aucun Auteur contemporain de ce Prélat n'a parlé de ce fait.

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La Difcipline Reguliere étoit encore beaucoup relâchée, lorfque Richard prit le gouvernement de l'Abbaïe de Fuldes en 1021. mais par le moïen des Religieux Hibernois, il réforma ce Monaftere, & felon Bruschius, il obligea les Religieux à prendre l'habit Monastique, & la tonfure qu'ils avoient quittés pour en prendre d'autres, qui n'avoient jamais été en ufage. Il fit bâtir le Monaftere d'Amerbak,dans le Diocéfe de Wiltzbourg, & celui de faint André fur la riviere de Fuldes, & eut un grand foin d'entretenir les études dans fon Abbaïe, où il y eut cependant de grands désordres fous le gouvernement de l'Abbé Widerad l'an 1063. Le differend qui fuit fut ce qui y donna lieu. C'étoit la coûtume depuis un long-tems, que les Abbés de Fuldes, dans les Affemblées d'Evêques, avoient place immédiatement après

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CONGRE- l'Archevêque de Mayence. L'Empereur Henri IV. étant à FULDES. Goflar l'an 1062. & devant affifter à l'Office du jour de Noël, comme on plaçoit dans l'Eglife pour les premieres Vêpres les fiéges des Evêques, il y eut querelle entre les Officiers de l'Evêque de Hildesheim, & ceux de l'Abbé de Fulde l'Evêque prétendant avoir le pas au deffus de l'Abbé, à caufe que Goflar étoit de fon Diocéfe. Des paroles on en vint aux mains, & on couroit déja aux armes, lorfqu'Othon Duc de Baviere, qui foûtenoit l'Abbé, fit ceffer la querelle.

part

L'année fuivante l'Empereur voulant affifter à l'Office du jour de la Pentecôte, il y eut une nouvelle difpute, lorsqu'il fallut encore placer les fiéges. L'Evêque d'Hildesheim fe reffouvenant de l'affront qu'il avoit reçu l'année précedente, fit cacher derriere l'Autel des gens armés,qui fe jetterent fur les Officiers de l'Abbé de Fuldes,lorfqu'ils voulurent placer le fiége de leur Maître. Ceux-ci aïant été fecourus par des Soldats de l'Abbé qui entrerent dans l'Eglife, il fe fit de & d'autre un grand carnage, dont on jetta toute la faute fur l'Abbé, qui quoi qu'innocent de ce defordre, fut obligé, pour se redimer de la vexation, de donner de groffes fommes à l'Empereur,à l'Evêque, & à leurs Officiers: de forte qu'il fallut pour cela engager une grande partie des biens de l'Abbaïe: ce qui irrita tellement les Religieux, que lorfque l'Abbé retourna à Fuldes, la plûpart, principalement les jeunes, fe foûleverent contre lui, & les plaintes qu'ils lui firent, de ce qu'il avoit ruiné leur Monaftere, dégenererent en une fédition ouverte. L'Abbé aïant eu ordre d'aller trouver l'Empereur, fon abfence échauffa encore de plus en plus ces efprits mutins, dont feize prirent la refolution d'aller trouver ce Prince pour fe plaindre de leur Abbé. Pour cet effet ils fortirent du Monaftere en Proceflion,portant la Croix élevée, & afin de prévenir l'Empereur fur leur démarche, ils envoïerent l'un d'eux à cheval, avec une Lettre pour ce Prince. Mais l'Empereur fut fi indigné de ce procedé, , que fans attendre leur arrivée, par le confeil de l'Archevêque de Cologne & du Duc de Baviere, il fit arrêter le porteur de la Lettre, avec trois autres qui étoient les Auteurs de la fédition, qu'il envoïa en divers Monafteres pour y être enfermés dans des prifons, & ordonna à l'Abbé d'u

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