CONGRE- après leur avoir fait couper la langue & crevé les yeux, de LARINS. peur qu'ils ne fissent connoître les Auteurs d'une telle cruau GATION DE té, & leur donna de méchants habits afin qu'ils ne fussent pas reconnus pour Religieux. Ils aborderent à l'isle Capraria, où il y avoit une grande multitude de Moines, avec lesquels ils celebrerent la Cene du Seigneur, y étant arrivés le Jeudi Saint: le jour de Pâques Colomb eut la hardiesse de faire l'Office de Diacre à la Messe, & avant la Communion de donner le baifer de paix à ses freres qui portoient des marques de sa cruauté, & dont les plaïes étoient encore toutes faignantes. Il sortit ensuite de ce Monastere, y laissant faint Aigulfe avec ses Compagnons, & s'en alla à Ephese pour quelques affaires seculieres qu'il y avoit. Il retourna à Capraria deux ans après, où il fit rembarquer les saints Martyrs, Aigulfe & fes freres ; & les aïant conduits dans une ifle qui est entre celles de Corse & de Sardaigne, il les y fit massacrer l'an 675. L'on dit que le Roi Thierri, fit porter à ce malheureux la peine que meritoit un si grand crime. La Réforme que faint Aigulfe avoit établie à Lerins, aïant été comme arrosée de son sang, refleurit & porta une abondance de fruits en pieté & en vertus. Ce Monastere fut si celebre & l'observance y étoit gardée si exactement que l'on y venoit de totites parts s'y consacrer à Dieu : l'on dit même que le Bienheureux Amand, qui pouvoit gouverner cette Abbaïe vers le commencement du huitiéme fiecle, eut fous fa conduite, jusqu'à trois mille sept cens Religieux. Silvain lui fucceda, & faint Porcaire à Silvain. Ce fut du tems de saint Porcaire que les Sarrafins attaquerent cette ifle.. Ce Saint aïant connu par revelation qu'ils devoient venir, cacha dans un lieu secret les Reliques des saints qui étoient dans fon Eglife, & persuada à trente-fix Religieux qui étoient à la fleur de leur age, & à seize enfans qu'on éleveit dans ce Monaftere, de sauver leur vie par la fuite, en se refugiant en Italie... Il parla ensuite à sa Communauté, composée d'environ cinq cens Religieux, & les exhorta à mourir genereusement pour Jesus-Christ. Mais ses exhortations ne pouvant raffu rer deux Religieux, l'un nommé Colomb, l'autre Eleuthere, il leur commanda de s'aller cacher dans une grotte voisine. Les Barbares étant defcendu dans l'ifle l'an 730. ou 73 renverferent GATION DE renverserent les Eglises & tous les bâtimens, tuerent tous les CONGRE Religieux, du nombre desquels fut Colomb, qui condam- LERINS nant sa timidité, fortit de sa grotte, & se rejoignant à ses Freres , eut le bonheur de mourir avec eux. Ces Barbares épargnerent neanmoins quatre jeunes Religieux, qu'ils se contenterent de faire prisonniers. Ils les firent monter fur un de leurs vaisseaux, qui aborda au Port d'Agat en Provence, où on leur permit de descendre à terre pour un per de tems: mais voïant qu'on ne les observoit pas, & qu'ils étoient proche d'une forêt, ils s'y cacherent jusqu'à ce que les Barbares euffent mis à la voile. Alors ces Religieux vinrent à Arluë, où aïant trouvé une petite barque, ils s'en servirent pour repasser à Lerins, où ils aiderent Eleuthere à donner la sepulture aux corps des saints Martyrs. Ils allerent ensuite trouver en Italie les jeunes Religieux que faint Porcaire y avoit envoïés: & lors qu'on n'eut plus rien à craindre de la part des Sarrafins, ils retournerent à Lerins, sous la conduite d'Eleuthere, qui repara l'Abbaïe, dont il fut fait Abbé. Il y a de l'apparence qu'elle eut encore besoin de réforme, lorsque saint Odilon Abbé de Cluni, qui réforma tant de Monasteres en France, en fut Abbé en 997. Mais cette Abbaïe ne fut jamais plus florissante que sous le gouvernement de l'Abbé Aldebert, qui fut élû l'an 1066. & qui gouverna cette Abbaïe pendant trente-six ans ; car l'Auteur du Catalogue des Abbés rapporté par Vincent Barale dít, que du tems de cet Abbé, il n'y avoit pas un seul jour que l'on n'enrichit cette Maison par quelques donations. Ce fut de fon tems que Raymond Comte de Barcelone, & fa femme, donnerent à cette Abbaïe le Monastere de saint Barthelemi en Catalogne. Elle en avoit aussi d'autres, non seulement en France; mais encore en Italie dans l'Evêché de Regio,dans l'Etat de Gennes, & dans l'ifle de Corse; qui tous étoient foumis à la correction de l'Abbé de Lerins; car dans ce Catalogue des Abbés, l'on voit que l'Abbé Tournefort qui fut élu l'an 1365. ordonna au Prieur de faint Antoine de Gennes, qui étoit de sa dépendance, de défendre par fainte Obedience à fes Religieux de fortir hors du Monastere sans. fa permiffion, & fans être revêtus de leur coule ou flocs;& que si quelqu'un ne vouloit pas obéïr, que l'on en donnât Tome V. 4 CONGRE- aussi-tôt avis à l'Abbé de Lerins. Il semble que ce Prieuré LERINS. ait été changé dans la suite en Abbaïe; car dans un Chapi GATION DE tre General qu'André de Fontana tint l'an 1451. tous les Moines de Lerins y asisterent avec les Prieurs des Prieurés de la dépendance de l'Abbaïe ; & Benoît Negroni Abbé de faint Antoine de Gennes n'aïant pas pu y venir y envoïa un Procureur pour tenir sa place. C'étoit la coûtume de cette Abbaïe de tenir ainsi des Chapitres Generaux, où l'on faifoit des ordonnances pour maintenir la Discipline Reguliere. Il y avoit encore des Monafteres de filles quien dépendoient comme ceux d'Arluë, de faint Honorat, de Tarafcon, &c. Ce Monastere de Tarascon fut fondé l'an 1358. par Jean Gantelmi, originaire de Naples, Grand Sénéchal de Provence. Il fixa le nombre des filles à trente, toutes Demoifelles, sous l'autorité d'une Abbesse. Il dota richement ce Monastere, lui aïant donné beaucoup de revenus, tant dans la ville de Tarascon & aux environs, que dans celle d'Arles, outre trois Terres Seigneuriales, avec toute Jurifdiction, & plusieurs Droits & Privileges, dont l'Abbesse joüit encore presentement. Ce Monastere est sous la Jurisdiction de l'Abbé de Lerins, & ne dépend point de l'Ordinaire. L'Abbesse est de nomination Roïale ; & Sa Majesté choisit ordinairement des filles de grande qualité, Celle qui est Abbesse aujourd'hui, est de l'illustre Maison de la Baume de Suze en Dauphiné. Nous donnons ici l'habillement de ces Religieufes, que nous avons fait graver fur le dessein qui nous a été envoïé en 1714. Outre ces Monafteres de l'Ordre, il y en avoit encore un de Chanoines Reguliers qui lui étoit soûmis. Giraud étant Abbé en 1226. donna du consentement de sa Communauté à des Chanoines Reguliers, vivant sous la Regle de saint Augustin, les Eglifes de faint Mamert & de sainte Marie de Fontaine-Vineuse, avec leurs dépendances, à condition qu'ils reconnoîtroient Lerins pour leur Chef; & que pour marque qu'ils lui étoient foûmis, ils porteroient des capuces noirs fur leurs surplis: qu'outre cela ils païeroient à l'Abbé de Lerins & à ses successeurs, deux besans d'or, & que le Prieur assisteroit tous les deux ans au Chapitre General de l'Abbaïe de Lerins. Enfin Augustin Grimaldi, Evêque de Graffe,étant Abbé |