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VIE DE S. & une autre fous le nom de faint Jean-Baptifte,dans la place où étoit l'Autel de cette fauffe Divinité.

BENOIT.

Il bâtit enfin dans ce lieu un grand Monaftere: & comme il occupoit tous fes Religieux à la construction de ce bâtiment, le demon inquiet & chagrin de voir élever une maison où tant d'hommes devoient fe formerà la pieté & devenir la bonne odeur de JESUS-CHRIST par l'éclat de tant de vertus,qu'on a admirées depuis dans une infinité de Saints qui en font fortis, tâcha de traverser par toute forte de moïens les deffeins de Benoît, tantôt en dégoutant les Religieux du travail, tantôt en tariffant les fources où ils puifoient de l'eau pour leur bâtiment, tantôt en rendant comme immobiles les pierres qu'ils vouloient mettre en œuvre, tantôt en renverfant la nuit ce qu'ils avoient élevé pendant le jour, enfermant même quelquefois fous les ruines plufieurs Religieux qui couroient rifque de leur vie, comme il arriva à un Novice qui fut écrafé fous le pan d'une grande muraille que le demon avoit renversé.

Mais que peut l'homme ennemi contre les confeils de Dieu Benoît plein de ferveur pour l'execution de fes bons deffeins, & de foy en la puiffance de fon Dieu, remedioit aisément à tous ces malheurs par une parole pleine de zele; il relevoit le courage abbatu de fes Religieux par un figne de croix ; il rendoit legere la pierre la plus pefante par une courte priere; il refufcita le Novice aux yeux de tout le monde, & le démon confus & vaincu, fut obligé de laiffer achever l'œuvre de Dieu, & de fuir à la voix de faint Benoît, comme autrefois il avoit fui à celle de faint Antoine.

Nous ne rapporterons pourtant point dans cet Abregé tous les miracles de ce grand ferviteur de Dieu, que l'on peut voir dans le fecond Livre des Dialogues de faint Gregoire, qui contient toute fa vie; nous dirons feulement qu'il a été comme l'Elifée de fon fiécle, revêtu de la puiffance de Dieu, commandant en quelque façon à toute la nature,éclairé de fon efprit, lifant comme les Prophetes dans l'avenir, comme il parut dans la rencontre de Totila Roi des Goths, qui voulant experimenter par lui-même cet efprit prophetique de faint Benoît, l'aborda fous des habits empruntés, & apprit de fa bouche le fac de Rome qu'il devoit faire par la permiffion de Dieu, le nombre de fes conquêtes, la chute de

fon Roïaume, & la fin de fa vie.

par

PROGRE'S

DE S.

Ce grand Saint predit par le même efprit la ruine de fon DE L'ORMonaftere du Mont-Caffin DRE les Lombards, & le tems de BENOIT. fa mort; & aiant été furpris d'une fiévre violente le fixiéme jour de fa maladie, il fe fit porter à l'Eglife par fes Difciples, où aprés avoir reçu le Corps adorable de JESUS-CHRIST avec les fentimens d'une pieté parfaite,il lui rendit fon efprit l'an 543.Son corps fut inhumé dans la Chapelle de faint JeanBaptifte,que lui-même avoit fait bâtir; mais le Monaftere du Mont-Caffin aïant été ruiné par les Lombards, comme il l'avoit prédit, il y demeura long-tems inconnu & caché fous fes ruines, jufques à ce que l'an 633. ou vingt ans plus tard, felon quelques-uns, faint Aigulfe, Religieux de l'Abbaïe de Fleury, appellée prefentement de faint Benoît du Loir, v aïant été envoïé par Mommol fon Abbé, l'apporta en France en fon propre Monaftere,où il demeura jufques à ce qu'il fut transféré à Orleans pour la crainte des Normands,d'où il fut reporté à Fleury dans la fuite. Ainfi la France fe peut glorifier de poffeder ce précieux Tréfor,nonobftant tout ce que peuvent dire les Religieux du Mont-Caffin,qui alleguent une Bulle d'Urbain II. qui prononce anathême contre ceux qui nieront que le corps de faint Benoît n'eft pas au MontCaffin:mais Baronius &d'autres tiennent qu'elle eft fuppofée. Voiez S.Gregor. libr. 2. Dialog. Bulteau. Abregé de l'hift. de S. Benoît. Joann. Mabill. Act. SS. Ord. S.Benedict. facul. I. Annal. Benedict. Tom. 1. & Bolland. 21. Mars.

CHAPITRE II.

Du grand progrès de l'Ordre de faint Benoît, & de
T'excellence de fa Regle.

L

'ON n'eft pas d'accord nidu tems que faint Benoît écrivit fa Regle, ni fi ce fut à Sublac, quoique l'on y montre l'endroit où l'on prétend qu'il l'écrivit. Quelques-uns n'étant point de ce fentiment, difent que ce fut au Mont-Caffin, & d'autres qu'il l'acheva dans ce lieu,aprés l'avoir commencée à Sublac. Quoiqu'il en foit, c'eft cette Regle fi éminente en fageffe & en discretion, fi grave & fi claire à l'égard du discours & du style,comme parle S. Gregoire, fi celebre dans

PROGRE'S l'Eglife que les Conciles l'ont appellée justement Sainte,comDE L'OR- me le deuxième de Douzy tenu en 874. qui reconnoît qu'elBENOIT. le a été dictée à S.Benoît par le même Efprit,qui eft l'Auteur

DRE DE S

des facrés Canons, propre à former & conduire un grand nombre de Saints; & comme celui de Soiffons,qui lui a donné par excellence le nom de fainte Regle.

Saint Benoît y ordonne que l'on reçoive dans fon Ordre toute forte de perfonnes fans aucune diftinction, les enfans, les adolefcens,ses adultes, les pauvres & les riches, les nobles & les roturiers, les ferviteurs, & ceux qui font nés libres les doctes & les ignorans, les Laïques, & les Clercs : ce qui fait que le P. D. Mabillon, dans les Annales Benedictines, condamne les Monafteres de cet Ordre qui ne veulent recevoir que des perfonnes de noble extraction.

Les Enfans,les Novices, & les Profès, dormoient dans des dortoirs differents; chacun avoit fon lit feparé par des toiles ou des planches,& chaque dortoir avoit un Religieux pour veiller fur la conduite des autres. Le Prevôt ou Prieur préfidoit fur toute la Communauté qui étoit divifée en plufieurs dixaines,qui avoient chacune leur Doïen, & l'Abbé avoit un pouvoir abfolu fur tous les Religieux, qu'il gouvernoit, plus par fon exemple & par fa prudence, que par l'authorité. Il'aidoit le Cellerier dans les chofes qui regardoient le temporel,le Prieur, les Doïens & les Maîtres dans le fpirituel. Tous les Religieux s'entr'aidoient les uns les autres dans le fervice de la cuifine, de la boulangerie, du jardin & des autres Offices, même dans la réception des Hôtes & des Pellerins, qui avoient leurs appartemens leurs réfectoires feparés, & aufquels on donnoit les mêmes mets qu'aux Religieux, n'étant pas permis de fervir de la viande à aucune perfonne, fous quelque prétexte que ce fût, ou de distinction, ou de dignité.

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Quant aux Offices Divins, faint Benoît emploïe onze Chapitres de fa Regle pour en marquer l'ordre, le nombre des Leçons, des Cantiques, & des Répons: depuis le premier, Novembre jufques à Pâques on fe levoit à la huitiéme heure de la nuit, c'eft-à-dite, à deux heures; l'Abbé lui-même devoit fonner les Offices, ou en commettre le foin à un Pere très exact. Il n'étoit pas permis après Matines de fe recoucher,le tems qui reftoit jufques au jour, devoit être emploie à la

lecture

DRE DE S.

lecture, à la méditation, & à apprendre des Pfeaumes; après PROGRE'S Prime ils alloient au travail, où ils étoient occupés depuis la DE L'OR premiere heure jufques à la quatrième, c'eft-à dire, depuis BENOIT fix heures jufques à dix, à commencer depuis Pâques jufques au premier Octobre; & depuis le premier Octobre jufques au Carême, le travail commençoit à Tierce & finifsoit None. On ne difoit aucune Meffe dans les premieres années de l'établissement de cet Ordre les jours ouvriers, mais feulement les Dimanches & les Fêtes folemnelles, aufquels jours tous les Religieux étoient obligés de communier. On recommençoit la lecture & le travail l'après-dînée: fi quelqu'un ne pouvoit mediter, ni lire, on lui donnoit plus de travail. On donnoit des travaux plus faciles à ceux qui étoient foibles & delicats,on en donnoit de plus rudes à ceux qui étoient plus robuftes;& fi les Religieux étoient occupés hors le Monaftere,soit à la moiffon, foit à quelqu'autre ouvrage, l'heure de l'Office étant fonnée, ils le recitoient à genoux.

L'on donnoit à chaque Religieux deux mets ou portions chaque jour, quelquefois une croifiéme de legumes, une livre de pain, une hemine de vin, c'est-à-dire, un demi-feptiers dont on gardoit la troisiéme partie, lors que l'on devoit fouper. Il n'y avoit point de jeunes entre la Fête de Pâques & celle de la Pentecôtes mais depuis la Pentecôte jufques au treize Septembre, on jeûnoit les Mercredis & les Vendredis s & depuis le treize Septembre jufqu'à Pâques tous les jours. Le jeûne du Carême étoit plus rigoureux: pendant ce temslà les Religieux fe mortifioient,en retranchant quelque chofe de leur boire & de leur manger, de leur fommeil, de leurs converfations, & des autres commodités de la vie. Dans l'un & l'autre jeûne il n'y avoit qu'un repas. Dans les jeûnes de la Regle il fe faifoit après None, & dans ceux du Carême après Vêpres, c'est-à-dire,au foir.

L'abftinence de la viande, au moins des animaux à quatre pieds, étoit perpetuelle, & n'étoit permise qu'aux malades. Plufieurs ont cru que faint Benoît n'aïant défendu que la viande des animaux à quatre pieds, avoit tacitement permis celle des volatiles: entre les autres, Hæftenius eft de ce fentiment,s'appuïant fur l'autorité de fainteHildegarde & de Raban Maur: mais le P. Mabillon dit qu'il n'y a pas d'apparence que faint Benoît qui n'avoit ordonné à fes Religieux Tome V

B

DRE DE S. BENOIT.

PROGRE'S que des viandes de vil prix & qui ne flataffent pas le goût, DE L'OR- cut permis à ceux qui fe portoient bien de manger de la volaille, que l'on ne fervoit pour lors que fur la table des Rois, comme des metz exquis, au rapport de Gregoire de Tours. Cette diverfité de fentimens qui a toûjours été dans l'Ordre de faint Benoît a fait que la pratique des anciens Monafteres fur ce fujet, a été differente : ce que l'on doit entendre après la mort de faint Benoît,où ceux qui ont man gé de la volatille ont prefumé que ce S. Fondateur n'avoit pas exclus ces fortes de viandes, puifqu'il ne défendoit que celle des animaux à quatre pieds.

Can. 37.

Les enfans même que l'on offroit dés l'âge de cinq ans dans les Monafteres étoient auffi tenus à l'abstinence, & le Concile d'Aix-la-Chapelle les y obligea encore, ordonnant Ann. 817. qu'ils ne mangeroient de la viande ne mangeroient de la viande que dans les maladies. La maniere de recevoir les enfans eft ainfi ordonnée par la Regle de S. Benoît, où ce Saint aprés avoir prefcrit dans le Chapitre 58. la Formule des Voeux de fes Religieux,qui confiftent en une promeffe de ftabilité & d'obéïffance & de converfion des mœurs,il dit dans le Chapitre fuivant,que fi l'enfant qui eft offert eft en trop bas âge, fes parens doivent faire pour lui cette promeffe, en enveloppant leur offrande & leur demande, avec la main de l'enfant, dans la nappe de l'Autel. Après cette cerémonie, ées enfans étoient tellement engagés, qu'étant parvenus à l'âge de puberté, ils ne pouvoient plus quitter l'Ordre fans être traités comme apoftats:cequi fut approuvé par plufieurs Conciles, entr'autres par le IV. de ToAnn. 633. fede,où il fut decidé que ceux qui dès leur enfance auroient Can. 49, été offerts aux Monafteres par leur pere & qui y auroient

reçu l'habit de la Religion, ne le pourroient plus quitter;
& demeureroient Religieux le refte de leur vie. Mais cette
maniere d'engager les enfans parut un peu trop dure aux Pe-
res du X. Concile tenu en la même ville l'an 656. car par le
fixiéme Canon ils ordonnerent que les enfans en bas âge auf-
quels leurs parens auroient donné ou la tonfure, ou l'habit
monachal, pourroient reprendre leurs habits feculiers
& défendit en même tems aux parens d'offrir leurs enfans à
l'avenir, avant l'âge de dix ans, donnant la liberté à ceux qui
auroient été offerts,ou de refter en Religion,ou de retourner
dans le monde,lors qu'ils feroient parvenus à l'âge de puberté,

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