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BERNAR

Le Baron de Pourlan étant combé malade en 1622. de la PINES V E maladie dont il mourut, l'Abbesse de Tart sa fille alla á .

Auvilars où il étoit pour lui rendre les derniers devoirs.Pen-
dant qu'elle étoit chez son pere, l'Evêque de Langres, Se-
bastien Zamet vint à l'Abbaïe de Tart sur les instances que
lui en fit cette ancienne Religieulo si zclée pour la réforme,
qui avoit été trouver ce Prélat à laint Jean de l’Aune où il
faisoit la visite, pour lui découvrir l'état de cette Abbaïe. Il
fut reçu par la jeune Coadjutrice à la tête de la Commu-
nauté , & les Religieuses l'aïant prié de leur faire une ex-
hortation , il leur fic un discours si touchant sur les devoirs
de la vie Religieuse, qu'il gagna ce jour là pour la réforme
la Coadjutrice. Ce Prélat fit encore plusieurs voïages à
Tart, & ce fut dans le troisiéme qu'aïant vû pour la pre-
miere fois l’Abbesse qui étoit revenuë d'Auvilars, il eut
avec elle un long entretien au sujet de la réforme , & y dis-
posa deux Novices de cette Maison. Le quatriéme voïage
qu'il fic encore à Tart ne fut pas moins heureux, il fit une
nouvelle conquête à Jesus-Christ , aïant gagné la niéce de
l'ancienne Abbesse, qui malgré les oppositions de fa tante
& de ses parens se résolut d'embrasser la réforme que ce Pré-
lat concluc avec l’Abbesse: & afin d'y mieux réüllir, ils for-
merent le dessein de transferer l'Abbaïe à Dijon, mais ce
dessein fur differé pour quelque tems à cause d'un voïage
que ce Prélat fut obligé de faire à Paris.

Pendant son absence lesReligieuses qui ne vouloient point
de reforme , aïant appris qu'on songeoit à transferer l'Ab-
baïe de Tarc à Dijon, se plaignirenc hautement de la vio-
lence qu'on leur vouloit faire : elles étoient appuïées dans
leurs plaintes par un grand nombre de Religieux de l'Or-
dre, la Noblesse voisine , leurs parens , leurs amis & ceux
de l'Abbesse & de la Coadjutrice : mais bien loin que l'Ab-
besse changeât de sentiment, elle se prépara à les accoûtu.
mer à son changement peu à peu. Elle quitta son habit, qui
quoique plus modeste que les autres, ne l'étoit pas assez pour
une Religieuse réformée, & s'en fit faire un de plus grosse
serge, tel que les plus réformées le pouvoient porter. Elle
coupa ses cheveux, qui étoient fort beaux, & les jetta au
feu. Comme la petite troupe vouloit suivre son exemple,
l'Abbelle leur rendit ce service, en coupant elle-même leurs

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DINES DE

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cheveux, qu'elle jetra aussi au feu. Elle fit fonner l'Orai- BERNAR. fon mentale deux fois le jour , où toutes les Religieuses gé- Tart. néralement se trouvoient, car celles qui ne vouloient pas la réforme aïant honte de lui réfuser tout , y venoient comme les autres ; mais c'étoit moins par devotion que par politique ou par complaisance. Elle se défit de son carroffe & de fes chevaux : & ne conserva la femme de chambre & fes la. qûais que jusqu'à ce que l'Abbaïe fût transferée à Dijon : ce qui le fit au mois de Mai suivant.

L'Evêque de Langres étant de retour de Paris , vint à Tart au mois de Février 1623. où trouvant l'Abbeffe & les autres qu'il avoit gagnées à Dieu avec lears habits de réformées, il en rendit graces à Dieu , & fe détermina absolument de mettre la derniere main à la réforme , & de transferer cette Communauté à Dijon : mais comme le Chapitre Général de Cîteaux se devoit tenir au mois de Mai de la même année , & qu'on ne pouvoir faire la translation sans fa permission, on se contenta pour lors de commencer la réforme. L'Evêque & l’Abbesse partagerenc la Communauté en deux, l'Abbesse fe mit à la tête de celles qui vouloient la réforme, & qui n'étoient quecinq en tout , sçavoir la Coadjutrice, deux Professes & deux Novices ; & les autres qui s'y opposoient au nombre de huit avoient aussi à leur tête l'ancienne Abbesse. Les réformées changerent le nom de leur famille. L'Abbesse prit celui de Jeanne de saint Joseph ; la Coadjutrice, qui fe nommoit Jeanne de la Tournelle , prit celui de la Mere Jeanne de la Trinité ; la Mere Françoise de Longueval, cette ancienne Religieuse qui avoit étoit si zelée pour la réforme , prit le nom de Françoise du saint Esprit ; la Mere Marguerite de Boisler, niéce de l'ancienne Abbeffe , fut nommée Marguerite du saint Sacrement ; Marguerite de Coraille l'une des deux Novices,fur appellée Marguerite de la Croix'; & l'autre Lucrece Melicin de Lagor eut le nom de Madelaine de Jesus.

Quelque tems aprés l'Abbé de Cîteaux , vint à Tart pour y faire la visite , & sçavoir au vrai les dispositions des Religieuses sur la Réforme & la translation de l’Abbaïe. Il alla rrouver ensuite l'Evêque de Langres , qui étoit à Dijon , & aïant pris des mesures avec lui pour faire réüflir cette affaire, il la fit agréer par le Chapitre Genéral, qui permit à celles

DE

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Bernar. qui vouloient la Réforme de se cransferer à Dijon, & d'emPINES V e porter avec elles tous leurs meubles, citres & papiers ; & aux

autres de pouvoir se retirer en tel Monastere qu'elles voudroient avec une pension que les réformécs leur païeroient pendant leur vie.

N'y aïant plus d'obstacles de la part des Religieux de l'Ordre pour la translation, elle se fit le 24. Mai 1623. Les Ré:

. formées arriverent le même jour à Dijon , où elles furent, conduites

par Dom Barthelemi Joli Abbé de la Charité , & demeurerent dans une maison que l'Evêque leur avoit fait préparer. Le Parlement & la Ville s'opposerent d'abord à leur établissement à cause qu'il se faisoit sans les permissions, nécessaires en pareil cas : cependant à la sollicitation de l’Eyêque de Langres le Parlement & la ville se désisterent de leurs oppositions & donnerent leur consentement. Elles eu. rent beaucoup à souffrir dans le commencement, ne pouvant rien recevoir de leurs revenus par ce que les anciennes avoient enlevé leurs papiers. L'Abbesse ne laissa pas de recevoir quatre filles la même année , deux

pour

le Cheur & deux Converses, & une des anciennes Religieuses vint austi pour embrasser la réforme,& fut suivie peu de tems aprés par la sœur de la Coadjutrice.

Mais comme la Maison où elles demeuroient , n'étoit qu'une maison d'emprunt , en attendant qu'elles en eussent trouvé une plus commode , l'Evêque de Langres leur en acheta une autre où elles ont demeuré jusqu'à présent. Elles en prirent possession avec beaucoup de ceremonies le jour de la fainte Trinité de l'an 1624. Une ancienne Religieuse vint encore à Dijon cette même année , pour embraffer la Réforme. Ce fut la troisiéme de celles qui étoient restées à Tart. Touces les autres écant demeurées chez leurs parens,deux y moururent, d'autres entrerent ensuite dans une Maison de l'Ordre , & l'ancienne Abbesse , après avoir demeuré vingt-deux ans chez ses parens, vint enfin dans le bercail l'an 1.645.où elle vêcut encore cinq ans & mourut à l'âge de quatre-vingts ans.

A peine deux ans s'étoient écoulés depuis la Réforme de l'Abbaïe de Tart & sa translation à Dijon,que Dom Nicolas Boucherat Abbé de Cîteaux mourut. On lui donna pour {uccesseur Dom Pierre Nivelle , qui fuc depuis Evêque de.

à

.

Luçon. Comme l'Abbesse de Tart le connoissoit particuliere Brenarment , & sçavoit que ses sentimens sur la Réforme étoient PINS DE extrêmement opposés à ceux de son prédecesseur , elle voulut se soustraire de la jurisdiction de l'Ordre, & se mettre sous celle de l'Evêque de Langres. Elle obtint pour ce sujet un Bref d'Urbain VIII. du vingt-huit Janvier 1626. qui fut revêtu de Lectres Patentes du Roi, qu'elle fit enregistrer au Parlement de Dijon. Mais sur ce que cette Cour ordonna que leBref seroit communiqué à l'Abbé de Ciceaux, il en appella comme d'abus au même Parlement , qui fit défense aux Religieuses de l'executer. Elles se pourvurent au Conseil Privé;mais comme le Pape ne les avoit soumises à la jurisdi&ion de l'Evêque de Langres Sebastien Zamet , que pendant la vie de ce Prélat , l’Abbesse voulant prévenir tous les inconveniens qui pourroient survenir à sa mort,en obrint un second le 27. Septembre qui exemtoit pour toûjours son Monastere de la jurisdiction de l'Ordre. Comme il n'étoit point fait mention dans ce second Bref, du premier qu'elle avoit obtenu , ce fut un nouveau sujet de contestations à l'Abbé de Cîteaux qui obligea l’Abbesse à en ob:enir un troifiéme

que le Pape lui accorda le 27. Mai 1627. ces deux autres Brefs furent encore autorisés par Lettres Pacentes du Roi, & les Religieuses eurent en leur faveur un Arrêt du Conseil qui conformément au Bref de fa Saintecé, les mettoit sous la jurisdiction de l'Evêque de Langres, qui pritpossession de leur Maison en qualité de Superieur.

Abbesse de Tart vosant la réforme solidement écab.ie dans la Maison,& les choses en l'état où elles les souhaicoit, crur qu'il n'y avoit pas de meilleur moïen pour la conserver, que đe rendre les Abbesses Triennales. Dès l'année précédente elle avoit obtenu des Lettres Patentes du Roi , par lesquelles il renonçoit a fop droit de nomination sur cette Abbaïe en faveur de la Réforme , & permettoit aux Religieuses d'élire elles-mêmes leurs Abbesses , après la mort ou la démission volontaire de l'Abbesse & de la Coadjutrice. Elle obrint encore le premier Février 1627. un Arrêt du Conseil qui ordonna l'enregistrement de ces Lettres au Grand-Conseil , à la charge néanmoins qu'il ne seroit procedé à l'élection que dans dix ans , après lesquels elles feroient une nouvelle élection tous les trois ans : mais ce

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Ooo iij

BERNAR

TART.

Bernar. terme de dix ans parut trop long à l'Abbesse & à la CoadjuDINAS DI trice, qui sans attendre qu'il fut expiré, fe dépoüillerent de

leur qualité l'an 1629. & donnerent la démission de leurs Offices, après quoi on élut pour premiere Abbesse Triennale , la Mere Marie de faint Bernard.

L'Evêque de Langres , qui avoir contribué à l'établissement des Religieuses de Port-Roïal à Paris, & à leur Réforme, jugea à propos de procurer l'union des deux Maisons de Tart & de Port-Roial, afin qu'elles vêcussent de la même maniere & dans la pratique des mêmes Constitutions, Il prit pour cela des mesures avec les Superieurs de PorcRoğal, qui souhaitoient aussi cette union avec empressement. On convint que la Mere Jeanne de saint Joseph, Réformatrice de l’Abbaïe de Tart , iroit à Paris avec une Compagne , & que la Mere Agnés Arnaud de Port-Roïal iroit réciproquement à Dijon avec une Compagne. Cette résolution fut executée ; la Mere Agnés Arnaud arriva à Dijon 'au mois de Novembre 1629. & la Mere Jeanne de saint Joseph en partit au mois de Janvier 1630. pour se rendre à Paris , où

peu de tems après son arrivée au Monastere de Port-Roïal,elle en fut éluë Prieure , & Maîtresse des Novices. Il y eut six de ses Filles qui l'allerent trouver en divers tems. Il y avoit environ trois ans qu’on avoit commencé l'établissement du nouvel Ordre de l'Institut du saint Sacrement , dont la Mere Angelique Arnaud avec trois Religieuses de Port-Roial avoient jetté les fondemens, comme nous avons dit dans le Chapitre précédent. Les Superieurs de Port-Rožal , & les autres personnes qui prenoient soin de ce nouvel établissement, considerant que la Mere Arnaud étoit fort infirme, qu'elle ne pouvoit résister à tous les travaux , & s'acquitter exactement des fonctions de fa Charge, lui voulurent donner pour la soulager nôtre Réformatrice, dont ils connoissoient le merite , ils

la demanderent au Pape Urbain VIII. qui la leur accorda par une Bulle expresse du 15. Janvier 1635. mais quelques autres personnes firent en sorte auprès de l'Archevêque de Paris qu'elle ne fut point admise: ce qui fit que l'Evêque de Langres craignant que cela ne causât du trouble & de la confusion dans cette Communaucé, lui ordonna de retourner à Dijon avec ses filles, où elles arriverent le 8. Septembre 1635. & fut éluë Abbesse

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