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T.V.P.471

Religieuse de L'Abbaie de Tart

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avant la Reforme

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baïe que ce Pontife mit fous sa protection par une Bulle de BERNAR. l'an 1747. ce que firent ausli ses successeurs Innocent III. DINES Innocent IV. Lucius III. Benoît XI. Benoît XII. Clement VI. & quelques autres Souverains Pontifes.

Les Ducs de Bourgogne donnerent des marques de leur pieté dans cette Abbase par les fondations qu'ils y firent, & la Duchese Malchilde acheta de ses propres deniers la terre de Bareau , avec toutes ses dépendances, haure, moïenne & basse Justice qu'elle donna aussi à cette Abbaïe.

Le premier esprit de Cîteaux, la ferveur & sa régularité, se conserverent dans ce Monaftere jusques vers l'an 1475. que l'usage de la viande aïant été introduit dans plusieurs Maisons de l'Ordre, & les guerres étant survenuës,les Religieuses de cette Abbaïe quitterent aufli l'abstinence & abandonnerent entierement leurs autres Observances. Bien loin d'éviter le commerce des Seculiers, elles le rechercherent, Elles reçurent des visites li fréquences dans la suite , que ce Monastere écoit comme une hôtelerie où tout le monde, hommes & femmes sans distinction, étoient bien yenus. La solitude & l'Oraison mentale en furent bannis , & on y dansoic & joüoit comme dans une maison séculiere. Ces Religieuses ne respiroient que le luxe , la vanité & les plaisirs. Elles ne voulurent plus recevoir dans leur maison que des filles nobles. Leurs robbes, & leurs scapulaires étoient de soye, & les jupes de dessous , de la plus belle étoffe qu'elles pouvoient avoir avec des dentelles d'or & d'argent. Le voile qu'elles porcoient ne les empêchoit pas de se friser & de porter des pendans d'oreilles, aufli bien que des colliers de perles , & leur guimpe d'une toille empesée & fort claire ne cachoit rien de leur gorge.

Tel étoit l'état de cette Abbaïe, lorsque Jeanne de Courcelle de Pourlan , fille du Baron de Pourlan , fut nommée à cette Abbaïe. Elle nâquit à Pourlan sur les frontieres de Bourgogne l'an 1591. & fut mise à l'âge de sept à huit ans dans P'Abbaïe de Tart, dont une de ses tantes étoit Abbesse. Aprés quelques années de séjour , elley tomba malade : ce qui obligea ses parens de la retirer dans le dessein de la laisser dans le monde : mais dans un voïage qu'elle fit avec eux à Migette qui est un Monaftere de l'Ordre de sainte Claire, à deux lieuës de Salins dans le Comté de Bourgogne , pour

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BERNARDINES DE T..KT.

у voir quelques parentes qu'ils y avoient, elle se sentit portée d'entrer dans cet Ordre & fit tant d'instances auprés de ses parens aprés leur retour , qu'ils furent contraines de consentir qu'elle retournât à Migette, où elle pric l'habit à l'âge de quinze ans & fit profession l'année suivante. Mais dix ans aprés l'Abbesse de Tart lui ažant refigné cette Abbaïe, elle fut contrainte de l'accepter aprés le commandement qu'elle en reçut des Superieurs de sonOrdre.Lorsqu'elle euc fes Bulles , elle ne voulut pas prendre possession de son Abbaïe sans avoir reçu la Benediētion de l'Abbé de Cîteaux : elle alla pour cet effet à Cîteaux, d'où elle se rendit à Tart l'an 1617. Elle y reçut au mois de Novembre de la même année l'habit' de cet Ordre des inains de l'Abbé Dom Nicolas Boucherat, qui lui fit faire aufli profession l'année fuivante.

Elle commença pour lors à prendre connoissance des affaires de son Monastere , & crur que la principale obliga

, & tion étoit de faire observer la Regle de saint Benoît,& qu'elJe ne pouvoit trop travailler à la remettre en vigueur : aïant le communiqué fon dessein à quelques perfonnes de pieté, ch lui conseilla de ménager les esprits dans ces commencemens, & de n'aller point si vîte , de peur de les effaroucher. Elle fuivit ce conseil, & ne parla point d'abord de réforme à ses Religieuses, se contentant de les exhorter par fes exemples à changer de conduite. Mais aprés avoir patiencé quelqıre tems, fon zele pour la regularité ne lui permettant pas de dif. ferer davantage, elle leur déclarà la résolution qu'elle avoit prise de les faire vivre dans l'observance de leur Regle. Elle . les obligea d'être plus modestes dans leurs habits , & à s'occuper au travail, leur témoigna l'aversion qu'elle avoit pour les fréquentes visites qu'elles recevoient, & les entretiens qu'elles avoient avec les Séculiers, comme étant la source de tous leurs déréglemens & de leurs irregularités. Ces discours exciterent beaucoup de murmures , & les Religieuses ne voulurent point quitter leurs anciennes habitudes. Elle leur fit néanmoins garder Pabstinence de viande , les Lundis & les Mercredis, & elle leur fit observer exactement les jeûnes de la Regle , ce qui ne se fic point non plus fans beaucoup de contradi&tion de la part de la Communauté. Ces petits commencemens d'une vie un peu plus réglée,

étoient

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pour se

commençoient à Aatter ses esperances , mais elle trouva Bernar-
tant de difficultées pour remedier aux autres abus causés DINES DE
par l'irrégularité de son Monastere qui étoit sans clôture,
lans grilles , fans parloir , & fans Cheur separé , que se
croïant plus éloignée que jamais de l'exécution de son bon
dessein, principalement à cause des dettes de ce même Mo-
naftere qui la mettoient dans l'impossibilité de travailler
aux bâtimens qui lui étoient absolument necessaires pour
cet effet , elle se résolut de renoncer à son Abbaïe
retirer dans quelque Maison réformée. Mais une ancienne
keligieuse de la maison, qui gémissoit depuis long-tems de
voir les désordres qui y regnoient , & qui avoit un grand
desir d'y voir la reforme établie, la détourna de son dessein,
en lui faisant comprendre que c'étoit une tentation. Elle
l'exhorta à ne fe point rebuter par les difficultés qu'elle
trouveroit dans son dessein , & l'encouragea à poursuivre la
Réforme.

Il y avoit déja deux ans, que l'Abbesse cherchoit le mo-
ment favorable pour y réüssir, lorsque Dieu lui envoïa une
fâcheuse maladie qui fit beaucoup apprehender pour sa vie,
& donna occafion au Baron de la Tournelle ; fon cousin
germain, de demander au Roi Louis X111. la coadju-
torerie de cette Abbaïe pour sa fille aînée âgée de dix-sepo
ans, qui étoit Religieuse dans ce Monastere. Lorsque l'Ab-
beste eut recouvré la santé, elle reprit tous ses exercices avec

,
plus de ferveur & de zele qu'auparavant, & se croïant obli-
gée de facrifier de nouveau à Jésus-Chrit la vie qu'elle ve-
noit de recevoir tout recemment de la bonté, elle résolut de
ine rien épargner pour procurer la réforme. Cette ancienne
Religieuse qui la souhaitoit aussi avec tant d'empressement ,
lui demanda permission d'aller faire un voïage à Notre-Dame
de Grey; & dans la ferveur de son oraison , étant devant
l'Image de la sainte Vierge, elle crut entendre distincte-
ment une voix qui lui disoit que la réforme se feroit, & que
Dieu se serviroit pour cela de l'Evêque de Langres. Elle le
dit à l'Abbesse à son retour , qui voulut aussi faire le même
voïage, & revint à Tart fi penetrée de Dieu , & dans une
stelle assurance que la réforme se feroit , qu'elle ne songea
plus qu'à se disposer à recevoir cette grace en redoublans
fes austerités & ses prieres.
Tome y.

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