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difficiles à per

BERNARDINES RE

DE FRANCE
ET DE SA

que dans les autres. Ils ne fe rendoient pas mettre que les Novices allaffent faire leur profeffion chez FORMIES leurs parens quand ils le demandoient. Le Mars 1607. 4. aïant été destiné pour le jour de cette cérémonie, Dom Ni- voir. colas de Rhides, Abbé Regulier de Thamiers & Vicaire Général de celui de Câteaux, s'y trouva pour recevoir les vœux de cette nouvelle époufe de Jefus-Chrift, qui eut la confolation de les prononcer en préfence d'une de fes fœurs, Novice du Monaftere de Bonlieu du même Ordre. qui s'étoit auffi renduë au Château de fon pere pour le même fujet, avec une autre Novice du même Monaftere.

La fœur Loüife de Ballon n'eût pas plûtôt fait faProfession, qu'elle voulut fe rendre à son Monastere, comme au féjour où elle venoit de s'attacher plus étroitement. Ce fut en vain que fes parens la folliciterent derefter quelque tems avec eux. Infenfible à leurs larmes & inexorable à leurs prieres, elle leur déclara que c'étoit inutilement qu'ils tâchoient de l'attendrir par les unes,& de la flechir par les autres ; qu'elle étoit réfoluë de s'aller enfermer dans fon Monaftere, pour y joüir de la conversation de fon divin Epoux, & pour fatisfaire à fon devoir : quoique la clôture n'y fût pas obfer-. vée, comme nous avons dit, c'étoit néanmoins la coûtume que chaque Religieufe l'obfervoit la premiere année de fa profeffion avec tant d'exactitude, qu'elle ne fortoit pas une feule fois, non pas même pour prendre l'air à la campagne autour du Monaftere, comme faifoient les autres Profeffes, quand elles le vouloient, outre que la nouvelle Professe étoit obligée d'affifter au Chœur fi fidélement à toutes les heures Canoniales pendant cette année, que la maladie même ne fuffifoit pas pour s'en excufer: car fi elle tomboit malade dans cette même année, il falloit qu'elle la recommençat aprés comme fi elle n'eût rien fait, & on ne la tenoit quitte de cette obligation qu'aprés avoir affifté régulierement au Chœur pendant toute une année fans interruption. Mais la mere de Ballon ajoûta encore quelque chofe de plus : car elle fut pendant ce tems-là fi récüeillie & fi retirée dans fa chambre, qu'on ne la voïoit qu'au Choeur & au Réfectoire.

Ce fut dans une retraite qu'elle fit fous la conduite de faint François de Sales fon proche parent, que Dieu lui inf?

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voir.

BERNAR pira les premiers défirs d'une Reforme, qu'elle eut le bonheur de voir accomplir quelques années aprés, lorfque ce DEIRANE faint Prélat fut prié par l'Abbé de Cîteaux, de réformer le Monaftere de fainte Catherine qui étoit de fon Diocéfe. Nous avons déja dit qu'on ne gardoit aucune Clôture dans ce Monaftere: ce qui faifoit que l'entrée étoit autant permife aux Séculiers que la fortie en étoit libre aux Religieufes. Les vifites fréquentes, & le fejour qu'elles alloient faire chez leurs parens & leurs amis, les faifoient rentrer dans l'efprit du monde avec tant d'excés, qu'elles revenoient prefque toutes Seculieres à leur Monaftere. L'ameublement de feurs chambres étoit tout mondain. C'étoit une émulation entre elles à qui auroit fon appartement plus richement paré. Les étoffes les plus fines & les plus apparentes, étoient celles qu'elles recherchoient pour s'habiller, quelques-unes y ajoûtoient des parures & des ajustemens qui donnoient lieu de croire qu'elles avoient honte de laiffer fur elles les moindres marques de leur état. Les Seculiers avoient même leur demeure dans l'enceinte du Monaftere : car outre les fervantes que chaque Religieufe av oit, il y avoit aufli des valets qui y demeuroient, tant pour la culture des terres, que pour la garde des troupeaux qui appartenoient à des Religieufes particulieres, enforte que cette maison reffembloit en quelque façon à une ferme plûtôt qu'à un Monaftere, ce qui fut un des principaux motifs qui engagerent celles qui commencerent la Reforme dont nous allons parler.

Tel étoit l'état de cette Abbaïe, lorfque faint François de Sales fut prié l'an 1608. par l'Abbé de Cîteaux Dom Nicolas Boucherat, d'emploïer fon autorité & fes foins pour la réformer: mais ceux qu'il apporta furent inutiles, de maniere qu'il avoit perdu toute efperance d'y réüffir, croïant même qu'il feroit inutile d'y travailler: mais. Dieu qui eft admirable dans fes Saints, voulant confoler fon ferviteur & mettre fin à l'accompliffement des défirs de la Mere de Ballon, lui en fit naître l'occafion quelques années aprés. Car cinq Religieufes de ce Monaftere unies enfemble aïant formé le deffein de commencer une nouvelle réforme dans un autre -lieu, prévoïant que les autres Religieufes ne voudroient jamais confentir à la Clôture, en parlerent à faint François de Sales, qui beniffant le Pere des mifericordes, des graces

FORMEES

ET DE SA-
VO IE.

qu'il faifoit à ces faintes filles, les fortifia dans leurs réfolu- BERNAR tions. Il fit de nouveaux efforts pour obliger les autres Reli- DINES R3gieufes de ce Monaftere à recevoir la clôture, & embraffer DE FRANCE la Réforme ; mais voïant que c'étoit inutilement, il consentit que ces cinq Religieufes commençaffent la Réforme hors le Monaftere. Elles en obtinrent les permiflions necessaires de l'Abbé de Câteaux, à la recommandation du Prince Thomas de Savoye & de l'Abbé de Thamiers. M. de Leaz,frere de la Mere de Ballon, alla lui-même à Cîteaux pour ce fujet: & Rumilli,petite ville de Savoye, fut le lieu où elles jetterent les premiers fondemens de leur Réforme l'an 1622.

Ces cinq Religieufes furent les Meres Bernarde de Vignol, Loüife Blanche Theréfe de Ballon, Emmanuelle de Monthoux, Perone de Rochette,& Gafparde de Ballon,propre foeur de la mere de Ballon, & la troifiéme de fes mêmes foeurs qui avoit embraffé l'Ordre de Cîteaux. Ce fut le 8. Septembre Fête de la Nativité de Notre-Dame qu'elles prirent poffeffion de leur Chapelle, & le 21. du même mois qu'elles y prirent l'habit de la Réforme, à la réserve de la Mere Gafparde de Ballon, qui n'etoit pas encore fortie de l'Abbaïe de fainte Catherine par les oppofitions des Religieufes & de fes parens.

Elles commencerent dès lors à dire l'Office au Choeur, mais fans le chanter à caufe de leur petit nombre. Elles gardoient un étroit filence, à l'exception de deux heures par jour, l'une après le dîner, l'autre après le foûper. Elles difoient tout haut leurs coulpes au Réfectoire, balaïoient la Maison, lavoient la vaiffelle, faifoient la cuifine, fervoient tour à tour au Réfectoire, & le plaifir qu'elles prenoient dans ces bas exercices étoit fi grand, qu'il y avoit une fainte émulation entr'elles, pour être la premiere à les exercer & la derniere à les quitter.

Elles furent vifitées peu de tems après par faint François de Sales qui leur avoit permis de conferver le faint Sacrement dans leur Chapelle. Il vit leur nouvelle Maison & la trouva fuffifante pour une Communauté, mais le préfentiment qu'il avoit de ce que leur pauvreté leur feroit fouffrir, le porta par un efprit de charité à les encourager & à les exhorter à la patience, & à fe tenir en garde contre l'ennemi de leur falut, leur repréfentant fouvent que Dieu quipar

BERNAR- fa providence a foin des plus petits animaux,n'abandonne jaDINES RE mais fes ferviteurs qui ont confiance en lui, leur apportant DE FRANCE pour exemple Dom Jean de la Barriere Fondateur des FeuilET DE SA- fans, qui pendant quelques années ne fe nourrit que de fleurs

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de geneit & d'herbes fauvages, & ne fe fervoit point la nuit d'autre lumiere que de celle de la lampe qui brûloit devant le S.Sacrement. Jufques-là elles avoient obéï à la Mere de Vignol comme la plus ancienne, mais cette Mere aïant propofé au faint Prélat l'élection d'une Superieure, tous les fuffrages fe trouverent pour la Mere Loüife Blanche Théréfe de Ballon, qui confiderant avec fes Religieufes les obligations fingulieres qu'elles avoient à la Divine Providence, propofa à faint François de Sales qui étoit de retour à Anecy, d'agréer qu'elles priffent le nom de Filles de la Divine Providence. La réponse qu'il fit à la Lettre qu'elle lui écrivit au nom de fa petite Communauté, fut qu'elles devoient encore attendre un an, pour voir fi elles fe rendroient dignes d'un nom fi beau & fi glorieux. Elles obéirent à fes ordres, & Fan étant expiré, elles prirent ce nom, qui leur fut confirmé par M. Jean François de Sales Frere & fucceffeur de faint François de Sales, dans l'approbation qu'il fit de leurs Conftitutions,mais le peuple les a toûjours appellées les Religieufes Bernardines Réformées.

La Mere Gafparde de Ballon après avoir furmonté toutes les difficultés qui s'oppofoient à fa fortie de l'Abbaïe de fainte Catherine, tant de la part des Religieufes que de fes parens, arriva enfin au mois de Novembre à Rumilli. Ainfi les cinq Religieufes qui avoient projetté la Réforme, fe trouverent pour lors réunies. Quoique leur pauvreté fût grande, elle leur faifoit néanmoins fi peu de peine, & elles cherchoient fi peu les moïens de s'en délivrer, qu'elles continuerent d'un commun accord de ne s'en plaindre jamais à perfonne. Mais la Divine Providence dont elles avoient pris le nom, ne les abandonna pas: elles fe trouverent même en état de faire des charités, & elles donnerent retraite à quatre Religieufes de PAbbaïe des Haïes proche Grenoble, qui dans le deffein d'une même Réforme avoient quitté cette Abbaïe où l'on ne gardoit aucune forme de regle, où la clôture n'étoit point en nfage, & où les Religieufes qui vivoient à la façon des Sécuheres,en avoient prefque pris l'habillement.

Ces

DINES RE

ET DE SA

Ces quatre Religieufes furent la Mere de Paquier Coad- BERNAR jutrice de l'Abbaie des Haïes,les Meres de Ponçonas & de FORMEES Buifforond,& la Sœur de Montenard encore Novice. Elles DE FRANCE follicitoient depuis un an un établissement dans Grenoble: voïE elles y avoient même loué une Maison, & à la follicitation du Vicomte de Paquier, pere de la Mere de Paquier, & de leurs amis,elles avoient obtenu verbalement le confentement de l'Evêque de Grenoble. Mais plufieurs difficultés qui fe rencontrerent dans cet établiffement en aïant empêché l'éxécution, & aïant appris pendant ce tems-là que cinq Religieufes de l'Abbaïe de fainte Catherine en étoient forties pour aller à Rumilli jetter les fondemens d'une nouvelle Réforme; elles réfolurent de fe joindre à elles. Le Vicomte de Paquier alla lui-même trouver faint François de Sales pour lui communiquer le deffein des Religieufes de l'Abbaïe des Haïes, & ce Prélat porta celles de Rumilli à les

recevoir.

Ces quatre Religieufes de l'Abbaïe des Haïes arriverent donc à Rumilli le premier Janvier 1623. Elles reconnurent pour Superieure la Mere Loüife de Ballon, qui peu de jours après, aïant fait la diftribution des emplois de fon Monaste re, donna la Charge de Maîtreffe des Novices à la Mere de Ponçonas. Quelques efprits mal intentionnés leur aïant perfuadé que l'Abbé de Cîteaux dans le Chapitre Genéral de cet Ordre avoit réfolu de fupprimer leur Réforme, elles en furent fort allarmées. Elles redoublerent leurs vœux & leurs prieres, & reconnurent bien-tôt après que ce n'étoit qu'une fauffe allarme qu'on leur avoit donnée;puifqu'elles recurent une Lettre de cet Abbé,dans laquelle,bien loin de défaprouver leur entreprise,il les exhortoit au contraire fortement à la continuer ; ce qui les détermina à tenir le premier Chapitre de leur Congregation pour la réception des Novices. Il y en avoit déja cinq qui fe préfentoient ; mais elles ne pouvoient leur donner l'habit fans la permiffion de l'Abbé de Thamiers qui s'y oppofa, fur ce que la maifon où elles demeuroient, ne leur appartenoit pas, & qu'elles n'avoient aucuns revenus fixes. Mais l'Abbé de Cheferi,oncle de la Mere de Ballon, aïant eu recours à l'autorité du Prince Thomas de Savoye, J'Abbé de Thamiers ne put réfifter aux Ordres de ce Prince, & confentit que l'on donnât l'habit aux Novices. Cepen

Tome V.

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