Page images
PDF
EPUB

BERNAR fut déclarée abusive, en ce qu'elle avoit ordonné que les arr FORM'ES DE ciens Religieux de l'Abbaïe de Cîteaux feroient privés de FRANCE. voix passive en l'élection de l'Abbé Genéral de cet Ordre. Sa

DINS R E

Majesté ordonna qu'en présence d'un Commissaire, qui seroit par elle député, les Religieux Profés de cette Abbaïe de l'une & l'autre Observance, procederoient à l'élection d'un Abbé & Général de tout l'Ordre de Cîteaux en la forme & maniere accoûtumée. En ce qui concernoit le Novicias sa Majestéordonna que les Parties se pourvoiroient par devant le Pape, afin que le Pape réglât ce qu'elle jugeroit à propos, & que jusqu'à ce que le Pape en eût ordonné, on ne recevroit aucun Novice que dans les Maisons de la Réforme déstinées pour le Noviciat; que les anciens Religieux seroient rétablis dans Cîteaux pour y vivre conjointement avec les Religieux de la Réforme, suivant la Regle & les Statuts de ceue même Réforme, excepté en ce qui regardoit l'abstinence de viande & l'usage du linge, à quoi ils ne devoient pas être obligés, & qu'aux jours d'abstinence tous les Religieux de l'une & l'autre Observance prendroient leurs repas en commun dans le Réfectoire : que le Service Divin continuëroit aux heures accoûtumées: que les Offices Claustraux demeureroient à ceux qui en étoient en poffeffion, & au surplus que la Sentence des Commissaires A postoliques du 13. Juin 1644. seroit executée selon sa forme & teneur, même pour le Vicaire Genéral, en toutes les Maisons où la Réforme étoit établie..

Les Religieux Réformés ou de l'étroite Observance s'opposerent à l'exécution de cet Arrêt, & firent leurs protestations: & quoique M. de Machaur Commissaire député par le Roi pour assister à l'élection de l'Abbé de Cîteaux, les eût obligés de s'affembler avec les anciens pour proceder à cette élection, ils demanderent toûjours acte de leurs oppositions & protestations, déclarant qu'ils ne s'assembleroient que pour faire une élection conforme aux Ordonnances contemuës dans la Sentence des Commissaires Apoftoliques, & non suivant l'Arrêt du Conseil.

En effet l'Affemblée s'étant faite le ro. Mai 1645. les Religieux, Réformés aïant encore réïteré leurs protestations élurent pour Abbé de Cîteaux un Religieux de leur Obfervance, qui fut Dom Jean Jouaud Abbé de Prieres, & les

anciens

DINS RE

anciens qui étoient en plus grand nombre firent encore éle- BERNARtion de Dom Claude Vauffin. Les Réformés protesterent BORDE de nullité de cette élection, & en appellerent par devant fa FRANCE. Sainteté qui nonobstant cette opposition ne laissa pas de donner des Bulles à cet Abbé au mois de Novembre de la même année. Le premier usage qu'il fit de son autorité, fut de bannir de l'Abbaïe de Cîteaux l'étroite Obfervance, que le Cardinal de Richelieu y avoit établie, & il traversa autant qu'il put, les autres Monasteres où elle avoit été reçuë.

Ces contestations entre les Religieux de la commune & de l'étroite Observance, durerent encore plus de vingt années : elles étoient portées selon les differens incidens qui s'y formoient, tantôt à Rome, tantôt au Parlement, & au Conseil du Roi: l'Abbé de Citeaux aïant trouvé moïen de porter la Republique des Suisses à intervenir dans ses differens avec l'étroite Obfervance, par une Supplique qu'elle fit présenter à sa Sainteté : fur cette intervention le Pape donna un Bref, par lequel il cassoit les Sentences de la Réforme faite d'authorité Apoftolique, & declaroit nul tour ce qui avoit été fait en France en consequence par le Cardinal de la Rochefoucaut.

L'Abbé de Cîteaux étant allé lui-même à Rome, obtint un second Bref, qui confirmoit celui dont on vient de parler. Par ce Bref le Pape ordonnoit à l'Abbé de Cîteaux de faire trouver à Rome des personnes de l'Ordre de toutes les nations où il se trouvoit établi, pour donner leur avis fur le fujet de la Réforme générale que le Pape vouloit faire de fon authorité. Le Roi aïant permis l'execution de ce Bref par un Arrêt du 3. Juillet 1664. les Religieux de l'étroite Observance fe trouvant dans la necessité d'y envoïer des Députés, choifirent pour ce sujet l'Abbé du Val-Richer & l'Abbé de la Trape, Dom Armand-Jean le Bouthillier de Rancé. Ils arriverent à Rome au mois de Novembre, & trouverent cette Cour peu favorable à l'étroite Observances & ce qui acheva de l'y rendre tout-à-fait odieuse, fut une Thése qu'un Religieux de l'Abbaïe de Perseigne de l'étroite Observance, foûtint en France dans le même tems, où ik avança une proposition touchant l'infaillibilité du Pape, très éloignée des sentimens de la Cour de Rome. On difputa avec beaucoup de chaleur: les réponses furent encore plus

Tome K.

Lii

BERNAR- vigoureuses que la Thése. L'Abbé de Prieres, Vicaire GéDINS RE néral de l'étroite Observance y avoit assisté, & ne l'avoir FRANCE. point défapprouvée. On en fit des plaintes au Nonce, &

FORME'S DE

l'Abbé de Cîteaux qui étoit à Rome, ne manqua pas de s'en prévaloir; & enfin nonobstant le credit de la Reine mere, qui s'étoit declarée la Protectrice de la Réforme, & qui avoit emploïé ses sollicitations en Cour de Rome, le Pape Alexandre VII. donna un Bref le 19. Avril 1666. qui fut entierement au désavantage de cette Réforme.

Ce qu'il lui accorda fut seulement que dans les Chapitres Généraux l'Abbé de Cîteaux & les quatre premiers Peres de l'Ordre faisant l'élection comme à l'ordinaire des Deffiniteurs Généraux, il y en auroit dix de l'étroite Observance, enforte que chacun de ses Abbés en éliroit deux: que les Religieux qui avoient embrassfé l'abstinence de la viande, feroient obligés de la garder toûjours, sans qu'il leur fût permis de passer à la commune Observance, à moins qu'ils n'en eussent demandé permission, & qu'elle ne leur eût été accordée par le Pape, ou par le Chapitre Général, ou par l'Abbé de Citeaux ; & qu'aucun ne pourroit pareillement passer de la commune à l'étroite Obfervance qu'a près en avoir obtenu la permiffion du moins de fon Pere immédiat: que personne ne pourroit être contraint par les Superieurs à embrasfer l'abstinence, à moins qu'il n'y eût été élevé : que l'on feroit une séparation des Maisons de l'étroite Observance, en deux Provinces, & que l'Abbé de Cîteaux, les quatre premiers Peres de l'Ordre & les dix Deffiniteurs de cette Observance éliroient deux Visiteurs Provin ciaux de la même Observance,qui auroient chacun jurifdiction sur les Monasteres de leur Province. Le Pape cependant declara ne vouloir préjudicier en aucune maniere à la Réforme, voulant que les Religieux de l'étroite Observance continuassent à vivre de la même maniere qu'ils avoient fait • jusqu'alors: & il commanda par sainte obedience à l'Abbé de Citeaux & aux quatre premiers Peres de l'Ordre, non seulement de proteger de toutes leurs forces cette Obfervance; mais de l'étendre & de l'augmenter autant qu'ils pourroient : les autres articles contenus dans ce Bref regardent la Réforme de l'Ordre en général, & sont conformes presque en tout à la Regle de faint Benoît, & aux Constitu

DINES

cions de l'Ordre. Les Superieurs les ont fait observer juf- BERNARqu'à présent avec beaucoup d'exactitude: ce qui a rétabli cot PRE Ordre dans sa splendeur, en forte que ses Religieux font re- DEFRANCE devenus la bonne odeur de Jesus-Christ, édifiant autant les voie. peuples par leur vie réglée & exemplaire, que leurs préde. ceffeurs avoient cause de scandale, par le relâchement où ils étoient tombés.

Bullar. Rom. Tom. V. Conftitut. 173. Alexand. 7. Défens. des Reglemens faits par les Cardinaux, Archevêques & Evêques pour la Réformation de l'ordre de Citeaux. Plusieurs Pieces & Factums, concernant les differens entre les Religieux des deux observances, & Marfollier, Vie de l'Abbé de la Trape.

:

ET DE SA

CHAPITRE XLII.

Des Religieuses Bernardines Reformées des Congregations dela Divine Providence, & de faint Bernard en France & en Savoie, avec la vie de la venerable Mere Loüife Blanche Therefe de Ballonleur Fondatrice.

C

E n'étoit pas seulement dans les Monafteres d'hom mes de l'Ordre de Cîteaux que le relâchement & le déréglement s'étoient introduits; une pareille licence regnoit aussi dans la plupart des Monasteres de filles du même Ordre. Mais comme Dieu avoit suscité de saints Religieux, pour faire revivre le premier esprit de Citeaux dans plusieurs Monasteres, & établir dans d'autres des Observances moins austeres que les premieres, afin que ceux qui vivoient dans le déréglement attirés par leur douceur, & par leur facilité euffent moins de peine à embraffer une vie uniforme & reglée; il suscita pareillement de faintes Filles pour remettre dans les Observances Regulieres, celles qui s'en étoient écartées, qui embrasserent toutes les austerités de l'Ordre:les autres effraïées de cette grande austerité, se contenterent d'embrasfer des Observances, qui remplies de fageffe & de moderation, les mettoient à couvert du déréglement & du rélâchement qui s'étoient introduits dans plufieurs Monafteres, & leur prescrivoient un genre de vie qui

BERNAR. les rendoit des sujets d'édification à tout le monde. Les ReDINES RE ligieuses Bernardines Reformées des Congregations de FranDEFRANCE ce & de Savoïe, furent du nombre de ces dernieres, & eu

FORME ES

ET DE SA

ΤΟΪΕ. rent pour Institutrice la venerable Mere de Ballon.

Elle étoit fille de Charles Emmanuel de Ballon Gentilhomme de la Chambre du Duc de Savoïe Charles Emmanuel Premier ; & qui fut dans la suite Ambassadeur de ce Prince en France & en Espagne. Elle vint au monde l'an 1591. dans le Château de Vanchi, séjour ordinaire de ses parens, comme le plus agréable & le plus commode de leur domaine, étant situé au milieu de la Baronnie de Ballon, à cinq lieuës de Généve, & autant d'Anneci. Elle reçut le nom de Loüife au Baptême, celui de Blanche lui fut donné à la Confirmation, & elle prit elle-même celui de Therefe, qu'elle ajoûta aux deux autres quand elle commença sa Réforme.

A l'âge de sept ans ses parens la mirent dans l'Abbaïe de sainte Catherine de l'Ordre de Cîteaux dont l'Abbesse étoit leur parente. Suivant la pratique de ce Monaftere, elle y reçut l'habit à cet âge, & fut admise au Noviciat. Elle fit un si grand progrès dans la vertu, & devint en peu de tems si éclairée dans les choses spirituelles, que sa mere se prévalant de la liberté que les Novices & les Professes de ce Monastere avoient d'en sortir pour aller voir leurs parens, la faisoit venir souvent à Vanchi pour l'entendre parler de sujets de pieté, & pour recevoir d'elle des avis fur ce qui regardoit son propre salut. Comme les visites qu'elle rendoit à ses parens ne venoient ni de legereté ni d'oisiveté, que ce n'étoit ni par ennui de la folitude, ni par recherche des divertissemens qu'elle pouvoit trouver au dehors qu'elle venoit à Vanchi, mais seulement par condescendance, & même par obéïssance à la volonté de fon Abbefle & de ses parens, il n'y avoit point de tems plus saintement emploïé que celui qu'elle passoit chez eux, étant dans le monde comme si elle n'y étoit pas. Aïant atteint l'âge de seize ans, & le tems étant arrivé qu'elle devoit s'engager plus étroitement par la profession Religieuse, ses parens souhaiterent que ce fût dans leur Château même qu'elle fît ce grand facrifice. Ils n'eurent pas de peine à obtenir cette consolation des Superieurs de l'Ordre: car comme en ce tems-là on ne gardoit point de clôture dans le Monastere de sainte Catherine, non plus

:

« PreviousContinue »