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BERMAR de, & l'ufage du beure & du laitage leur eft interdit, elles FORME'S peuvent feulement manger des œufs les jours qui ne font DE FRANCE. point jeûnes. Les infirmes peuvent manger de la viande;

DINS RI

mais à la derniere table au Réfectoire, afin qu'elles puiffent entendre la lecture. Elles jeûnent depuis la Fête de l'Exaltation de la fainte Croix jufqu'à Pâques, excepté les trois Fêtes de Noël, & celles de la Circoncifion & de l'Epiphanie. Le refte de l'année, elles jeûnent les Mercredis, les Vendredis, & les Samedis : les jours qui ne font point jeûnes elles ne doivent ni boire ni manger hors les heures du repas, l'ufage du vin leur eft auffi interdit, à moins que ce ne foit dans une très grande neceffité. On leur donne à la collation les jours de jeûnes de regle une falade ou quelques fruits avec du pain ; mais les jeûnes d'Eglife elles n'ont que du pain.Elles gardent un étroit filence depuis Complies jufqu'à Prime du jour fuivant & depuis Midi jufqu'à None. Elles gardent aufli un filence exact pendant le travail : & afin de n'avoir pas occafion de le rompre pendant ce tems-là, elles doivent travailler en particulier dans leur chambre, elles font feulement la leffive en commun,& fi elles rompent le filence, elles prennent la difcipline au Réfectoire, & y mangent à terre au pain & à l'eau. Aucune Religieufe ne peut entrer dans la chambre d'une autre, & les jours de Communion elles n'ont aucune récréation. Nonobftant ces Obfervances austeres, il ne laiffe pas d'y avoir parmi elles des filles diftinguées par leur naiffance & qui font des premieres maisons d'Espagne. Le nombre des Religieufes de chaque Monaftere eft fixé à vingt pour celles du Choeur, & trois Converses..

Ang. Manriq. Annal. Ord. Cifter. Tom. 4. in ferie Abbatiff. Abb. S. M. Regalis & Chrifoftom. Henriq. Lilia Cifter.

CHAPITRE XLI.

Des Religieux Reformés de l'Ordre de Cîteaux en France appellés de l'Etroite Obfervance.

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A Reforme dont nous allons parler a caufé de fi grands troubles & de fi grandes divifions dans l'Ordre de Cîteaux,qu'il n'a pas fallu moins de cinquante années pour les pacifier: nous avons vu dans le Chapitre XXXIII.comme le

DINS R FORM'IS DE

relâchement s'étoit introduit dans cet Ordre, & que le défor- BERNAKdre y étoit arrivé jufqu'à un tel excès que plufieurs Princes M voïant quetous les moïens qu'on avoit apportés pour y réta- FRANCE. blir la régularité avoient été inutiles, en avoient demandé la fuppreffion, ce qui donna lieu aux réformes dont nous avons parlé. Dom Denis l'Argentier Abbé de Clairvaux en voulut auffi introduire une en France. Il étoit déja fort âgé lorfque Dieu lui infpira cette fainte refolution ; mais le zele fuppléant à l'âge, il commença par fon Abbaïe l'an 1615. & aprés en avoir banni les abus & les fcandales, il y rétablit les anciennes aufterités de l'Ordre;c'est-à dire l'abstinence perpetuelle de la viande, le jeûne continuel depuis la Fête de 'Exaltation de la fainte Croix, les paillaffes pour lits, la fimplicité des habits, les chemises de ferge, le travail des mains, le filence exact, les veilles & autres femblables exercices de pénitence.

Plufieurs Maifons de fa filiation, & d'autres même qui n'étoient pas de fa dépendance, réfolurent de fuivre fon exem ple, & d'obferver les mêmes pratiques qu'il avoit rétablies à Clairvaux, enforte qu'en moins de deux ou trois ans, les mêmes Obfervances fe trouverent introduites dans fept ou huic Monaiteresde fa dépendance, qui étoient les Abbaïes de Longpont, de Cheminon, de Châtillon de Vaucler, de la Charmoie, de Prieres, de la Blanche & des Vaux de Cernai: ce qui fut appuïé de l'autorité de Dom Nicolas Boucherat Abbé Général de Cîteaux. Le Chapitre Général de cet Ordre de l'an 1618. feignit d'approuver cet étroite Obfervance; mais bien loin quelle lui plût, il chercha tous les moïens de la fupprimer dès le commencement de fon origine, & pour y réüffir avec plus de facilité, il cacha fon veritable deffein fous les apparences du zele pour la pieté & le bon ordre. C'eft pourquoi aprés avoir loué ceux qui avoient embraffé cette Obfervance, il propofa un temperament qui pût contenter les zelés pour la Réforme, fans épouvanter ceux qui n'étoient pas portés à une fi grande aufterité, & cela fous pretexte d'établir une uniformité dans tout l'Ordre; il exhorta tous les Abbés, les Abbeffes, les Prieurs, les Prieures, les Superieurs, & généralement tous les Religieux & Religieufes de l'Ordre, d'obferver dans la fuite l'abstinence continuelle de la viande, depuis le premier Septembre jufqu'à

BERNAR- Pâques, tant au dedans qu'au dehors des Monasteres, & DINS RE- tous les jeûnes de l'Ordre, pendant ce tems & pendant tout FRANCE. le cours de l'année, à l'exception feulement des Dimanches

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& des Fêtes folemnelles & de Sermon, & ils en firent une ordonnance, foûhaitant que ceux qui avoient eu permiffion de garder l'abstinence perpetuelle, s'y foûmiffent & fe conformaffent en cela à tous les Monafteres de l'Ordre.

Mais comme il y avoit long-tems que les Chapitres Géhéraux de cet Ordre fe contentoient de faire de belles Ordonnances fans les faire éxecuter,il en fut de même de celle ti, qui ne fut pas même publiée. L'Ordre de Câteaux n'étoit pas le feul qui fe trouvât avoir befoin de Réforme, tous les anciens Ordres vivoient à peu prés dans le même relâchement,&avoient tous abandonné laRegle & l'efprit de leur premiere inftitution. Le Roi Louis XIII. qui fouhaitoit la Réforme de ces Ordres, s'adressa au Pape Gregoire XV. & en obtint un Bref le 8. Avril 1622. par lequel fa Sainteté donnoit au Cardinal de la Rochefoucaut, les pouvoirs néceffaires pour cet effet. Ce Bref fut autorifé par Lettres patentes de ce Prince qui en recommanda l'éxecution à ce Prélat. Il fut auffi-tôt fignifié à l'Abbé de Citeaux & aux quatre premiers Abbés de l'Ordre, aufquels le Commiffaire Apoftolique donna ordre de le venir trouver. L'allarme fut grande dans tout l'Ordre. Les Abbés & les Religieux s'étoient fait une douce, habitude de la vie qu'ils avoient menée jufqu'alors, fi oppofée à leur Regle & à l'austerité de leurs anciennes pratiques, pour lefquelles ils avoient beaucoup d'éloignement & dont ils regardoient le rétablissement comme un joug infupportable. Le Général & les quatre premiers Abbés réfolurent de fe foûmettre en apparence; mais d'éluder en effet par toutes les voïes poffibles l'éxecution du Bref de fa Sainteté.

Il n'y avoit que ceux qui avoient embraffé l'Etroite Obfervance, qui regardoient au contraire l'éxecution de ce Bref, comme la feule chofe qui les pouvoit autorifer, mettre à couvert des entreprifes de la commune Obfervance, & leur donner moïen de s'établir & de s'étendre. Els prirent done la réfolution de feconder de tout leur pouvoir les insentions du Pape & du Roi, & de fe faire un Protecteur du Cardinal de la Rochefoucaut, Le Général & les premiers

Abbés

les

FORME'S DE

Abbés s'étant rendus auprés de cette Eminence, on dreffa BERNAR des articles de Réforme, & afin de les faire mieux éxecuter, DINS RE on jugea qu'il étoit néceffaire de réunir tous les Monasteres FRANCE. de la ligne de Clairvaux en forme d'une nouvelle Congregation, où le Général & les quatre Abbés feroient accepter Reglemens & les Articles fufdits qui furent fignés le 11. Mars 1623. Le Général & ces Abbés affurerent le Cardinal avec de grandes proteftations qu'ils feroient les premiers à les garder, & qu'ils les feroient obferver exactement: ainsi cette Eminence, quoiqu'on pût lui remontrer, leur en confia l'éxecution.

Comme ce n'étoit qu'une feinte de leur part, ils étoient bien éloignés de tenir parole au Cardinal de la Rochefoucaut ; au contraire ils propoferent au Chapitre Général qui fe tint deux mois aprés, de caffer tout ce qu'ils avoient fait, & le Chapitre qui étoit compofé de gens qui n'étoient pas fort portés pour la Réforme, écouta favorablement cette propofition, & déclara qu'aïant eu connoiffance que l'Abbé de Cîteaux avoit confenti à l'élection d'une nouvelle Congrégation compofée des Monafteres de la Filiation de Clairvaux, il eftimoit que cette prétendue Congrégation, qui tendoit à un fchifme dans l'Ordre, n'avoit pu être faite légitimement, & par conféquent, qu'il caffoit & annulloic tout ce que l'Abbé de Cîteaux avoit fait dans cette affaire.

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La mort du Pape qui furvint dans ce même tems, donna occafion aux Religieux de la commune Obfervance de feverer dans leur relâchement, & prétendant que le tems porté par la commiffion du Cardinal étoit expiré par cette mort, quoiqu'il fût de fix ans, ils fe crurent en liberté d'agir comme auparavant & de vivre à leur mode. Ceux de l'Etroite Obfervance obtinrent néanmoins de l'Abbé de Cîteaux la permiffion de tenir leur premiere affemblée, ce qu'ils firent dans l'Abbaïe des Vaux de Cernai au mois de Juillet 1624.où ils drefferent les premiers Statuts de leur Ob fervance : & Dom Etienne Maugier Abbé de la Charmoïe, fut établi premier Vicaire Général pour la Vifite & Gouvernement des Monafteres de l'Etroite Obfervance. L'Abbé de Clairvaux, Dom Denis l'Argentier, auteur de la Réforme, aprés avoir reçu la vifite de l'Abbé de Citeaux,voubut auffi vifiter les Monafteres de fa Filiation. Il commença

Tome V.

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FORM'ES DE

BERNAR- par ceux du païs de Luxembourg, & pendant qu'il vifitoit DINS RE-'Abbaïe d'Orval il y tomba malade, & mourut dans cette FRANCE. Maison le 25. Octobre 1624. l'on prétend qu'il a fait plufieurs miracles aprés la mort, qui font rapportés par Chryfo ftome Henriqués, qui a inferé cet Abbé dans fon Menologe des Saints de l'Ordre de Câteaux.

Dom Claude l'Argentier fon neveu qui lui fucceda à l'Abbaïe de Clairvaux n'herita pas de fon zele pour la Réforme. Il perfecuta au contraire ceux qui l'avoient embrasfée. Ils eurent recours au Cardinal de la Rochefoucaut pour obtenir fa protection, il la leur accorda volontiers, & leur fit expedier une Ordonnance du 4. Janvier 1625. portant défense de rien innover en la conduite de l'Abbaïe, avec une commiffion adreffée à l'Evêque de Langres, pour fe tranf porter fur les lieux & faire ceffer les troubles qui y étoient. Mais les Religieux de la Commune Obfervance étant en plus grand nombre, refuferent d'ouvrir les portes à l'Evêque de Langres, & appellerent comme d'abus de l'Ordonnance du Cardinal& de fa commiffion au Parlement de Paris, où perfonne n'étant comparu de la part de ceux de l'Etroite Obfervance, ceux de la commune Obfervance obtinrent des Arrêts par défaut, qui déclarerent nulle l'Ordonnance du Cardinal de la Rochefoucaut.

L'Abbé de Cîteaux, Dom Nicolas Boucherat étant mort la même année, Dom Pierre Nivelle, aprés bien des brigues & des cabales, fut élu pour lui fucceder. Il convoqua un Chapitre Général en 1628. dans lequel l'Etroite Obfervance fut encore confirmée, & on ordonna que dans les Monasteres où elle étoit en pratique, on n'y pourroit envoïer aucun Religieux qui ne l'obfervât, & que dans tout le reste des Monafteres on obferveroit les jeûnes de l'Ordre.

Les défordres continuerent cependant dans l'Ordre de Cîteaux, & ils étoient fi publics, que le Roi fe crut obligé de demander un fecond Bref au Pape Urbain VIII. il l'obtint le 10. Septembre 1632. Il étoit encore adreffé au Cardinal de la Rochefoucaut, & il lui donnoit le même pouvoir de faire tout ce qu'il jugeroit néceffaire pour le rétabliffement de l'ancienne difcipline dans cet Ordre.

Les foins que ce Cardinal apporta pour engager les Religieux de la commune Obfervance à fe réformer, furent

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