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LANTINES.

tous ces fervices ne ferviroient qu'à la priver plûtôt de leur RELIGIEUcompagnie, puifqu'ils ne faifoient que folliciter leur entrée SES FEUIL en Religion, où elle ne pouvoit pas les fuivre à caufe de fon engagement dans le mariage. Mais fa charité pour ces nouvelles Epoufes de Jesus-Chrift l'emportant fur le plaifir dont elle joüiffoit dans leur fainte compagnie, elle ne negligea rien pour mettre la derniere main à ce pieux ouvrage, refoluë pour lors de laiffer cette fainte troupe fous la conduite de Marguerite de Polaftron fa fœur, qui fe trouvant veuve du Seigneur de Margeftand, étoit en liberté de fe confacrer en Religion; ce qu'elle fit en effet, accompagnée d'une de fes filles, qui lui étoit très chere, à cause de fes grandes vertus. Cette illuftre veuve entreprit d'obtenir de Dom Jean de la Barriere de vivre fous fa direction, & dans les mêmes Obfervances que l'Abbaïe de Feüillans. Elle lui fit connoître fon fentiment & celui de fes compagnes. Une telle propofition étonna autant le faint Abbé qu'elle le réjoüit. Après en avoir rendu graces à Dieu, il foüa leur zele: mais afin de leur faire voir l'importance de ce qu'elles demandoient, il leur fit une description de toutes les aufterités qu'on pratiquoit à Feüillans ce genre de vie qui auroit été capable de rebuter des cœurs moins animés de l'efprit de Dieu,ne fervit qu'à encourager ces amantes de la Croix de JefusChrift, & à leur faire demander avec plus d'inftance ce qu'elles fouhaitoient avec tant d'ardeur. Dom Jean de la Barriere voulut cependant les éprouver, craignant que le tems ne rallentît leur zele. Il les faiffa dans cette volonté pendant deux ou trois ans,les vifitant quelquefois,les animant par difcours, & les exhortant à ne point abandonner leur entreprife; & comme ses prédications lui attiroient un grand nombre de perfonnes qui fe mettoient fous fa direction, entre lefquelles il y en avoit qui vouloient embraffer l'état Religieux, il eut le moïen d'augmenter le nombre de celles qui vouloient embraffer la vie des Feuillans.

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Aïant envoïé à Rome deux de fes Religieux pour y faire approuver la Réforme, & le Pape Sixte V. comme nous avons dit dans le Chapitre précédent, aïant fait refter dans cette ville ces Religieux, & donné ordre à l'Abbé de Feüillans d'y en envoïer un plus grand nombre, ils furent logés dans une petite Maifon de l'Ordre de Cîteaux, appellée

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SES FECIL

RELICIEU- San-Vito. Durant le féjour qu'ils y firent, ils remarquerent LANTINES. que fept ou huit filles vêtues de blanc, & portant fur la tête un voile de même couleur, à la maniere des Religieufes de Câteaux, venoient tous les jours prier dans l'Eglife de ce Monaftere. Cette nouveauté les furprit, & s'en étant informés, on leur dit que ces bonnes filles avoient la volonté d'être Religieufes; mais que faute d'argent pour entrer en Religion, elles vivoient ensemble fous la protection de faint Bernard.

Dom Jacques de la Rochemoufon,l'un de ces Religieux, voulut aider ces bonnes filles dans leurs faints defirs, & tout étranger qu'il étoit, fans biens, fans appui, & prefque fans aucune connoiffance à Rome, dans le tems même qu'il ne devoit fonger qu'à l'établissement de fa Congregation, il entreprit de leur procurer une Maison. Il étoit d'une Famille noble d'Auvergne,& il avoit fait profeffion dans l'Abbaïe de la Chaize-Dieu. Sa naiffance, fon merite, & fa grande capacité, le firent connoître au Roi Charles IX. qui voulut qu'il exerçât la Charge de Vicaire Général au fpirituel & au temporel de Charles de Valois fon fils naturel, Grand-Prieur de France, & Abbé de la Chaize-Dieu. Dom Jacques s'acquitta de cet Emploi avec honneur: mais enfin aïant eu occafion d'aller à l'Abbaïe de Feüillans, il fut fi touché de la vie auftere des faints Religieux qui y demeuroient fous la conduite de Dom Jean de la Barriere,qu'il le pria de le recevoir au nombre de fes Difciples. Le faint Abbé le reçut avec joie, & après qu'il eut fait profeffion de cette Réforme, il alla prêcher quelquefois à Sauvens. Il eut lieu par ce moïen de connoître la ferveur de ces Dames, qui s'y difpofoient pour embraffer auffi la réforme des Feuillans Aïant été enfuite envoïé à Rome, il entreprit de fecourir les faintes filles dont nous venons de parler, qui s'affembloient dans l'Eglife de San-Vito pour y faire leurs prieres, & il s'en préfenta peu de tems après une occafion favorable. Car le Cardinal Rufticio, Protecteur de l'Ordre de Cîteaux, faifant rebâtir l'Eglife de fainte Sufanne,qui étoit fon titre, fans autre deffein que de fatisfaire à l'obligation que fa pieté lui avoit infpirée; Dom Jacques qui vifitoit fouvent ce Prélat, comme Protecteur de l'Ordre, lui perfuada de joindre à cette Eglife un Monastere de faintes Vierges, & lui parla

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de ces filles qui vivoient en Communauté fous la protection RELIGIEU de faint Bernard, & qui faute d'argent ne pouvoient être Religieufes. Le Cardinal ravi de trouver une fi belle occafion de fignaler fa pieté envers Dieu, & fa charité envers le prochain, écouta avec plaifir la propofition que lui fit Dom Jacques, & fit bâtir un Monaftere, où il mit ces faintes filles, aufquelles il donna pour Superieure une Religieuse tirée du Monaftere de fainte Cecile, & les mit sous la direction des Feüillans, qui leur firent embraffer l'étroite Observance de Cîteaux: ainfi on peut dire que les Religieufes de fainte Susanne de Rome, qui fubfiftent encore aujourd'hui, ont été les premieres Feuillantines, quoiqu'elles n'en aïent pas porté le nom : cet honneur étant refervé pour les autres qui étoient à Sauvens. Dom Jean de la Barriere les avoit toûjours entretenu dans leur deffein, jufqu'à ce qu'enfin aïant reçu l'an 1586. la premiere Bulle du Pape Sixte V. qui érigeoit la nouvelle Congregation des Feüillans, & leur permettoit de bâtir des Monafteres de l'un & de l'autre fexe, il travailla pour établir celui des Feüillantines,& après avoir obtenu les permiffions neceffaires, & reglé toutes chofes pour les mettre à Montefquiou de Volveftre, Diocéfe de Rieux, il en laiffa l'execution à un de fes Religieux, aïant été obligé par ordre du Roi Henri III. d'aller à Paris.

Tout étant difpofé & en état de recevoir cette nouvelle Colonie,elles fe rendirent à Feüillans au nombre de quinze, d'où elles partirent le 23. Mai 1588. fous la conduite de Dom François Rabaudi leur Superieur, pour aller premierement à Rieux, afin d'y recevoir la benediction de l'Evêque Jean du Bourg, & enfuite à Montefquiou, où ce Prélat fe tranfporta pour leur donner le voile de Religion, dont la cérémonie fe fit le 19. Juin de la même année, & l'année fuivante elles firent leurs vœux folemnels. Dom Jean de la Barriere aïant destiné pour leur Superieure Marguerite de Polastron de la Hilliere, âgée de 58. ans, veuve d'Anne d'Y zalquier de Clermont de Dieupantale, Seigneur de Margeftand, cette Dame ne voulut pas recevoir l'habit la premiere par humilité, voulant que ce fût fa fille Jacqueline de Dieupantale,à caufe de fa virginité : elle accepta neanmoins la Superiorité.

La ferveur de ces faintes Religieufes devint l'admiration de tout le Roïaume. Comme il y avoit alors peu de Mona

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RELIGIEU fteres de filles où l'Obfervance Reguliere fût gardée exacteSES FEUIL- ment; on respectoit d'autant plus le Monaftere de Montes→ quiou, qu'on y voïoit des pratiques de vertu & de mortifi cation qui paroiffoient prefque inimitables. En effet,ce genre de vie pratiqué par les Feüillans & les Feüillantines,fe trouva fi au deffus des forces humaines, que Clement VIII. aïant appris, comme nous l'avons dit dans le Chapitre précedent, que quatorze Religieux étoient morts dans une femaine, ordonna au Chapitre Général de l'an 1595.de moderer ces grandes aufterités: ce qui fut fait de la maniere. que nous l'avons rapporté au même endroit.

Le nombre des Religieufes Feüillantines augmentant de jour en jour, leur Maifon fe trouva trop petite, & la ville de Montefquiou n'étant pas affez confiderable pour renfermer une fi nombreuse Communauté, on refolut de transfe rer ces Religieufes à Toulouse. Le Cardinal de Joyeuse, Archevêque de cette ville, aïant obtenu une Bulle du Pape pour la fuppreffion d'une Maifon Religieufe, où le dérégle ment s'étoit gliffé, voulut donner cette Maison aux Feuil lantines;mais ces faintes filles ne voulant nuire à perfonne,ni s'établir fur les ruines d'aucune autre Communauté,refuserent les offres de ce Prélat, & trouverent moïen de s'établir dans un autre lieu, dont elles prirent poffeffion le 12. Mai 1599. après avoir quitté avec beaucoup de peine Montelquiou, dont les habitans fâchés de perdre de fi faintes filles prirent les armes pour s'oppofer à leur fortie.

Etant arrivées à Toulouse, on commença les bâtimens d'un Monaftere & d'une Eglife, par les liberalités de plufieurs Dames qui s'y retirerent, & principalement par celles d'Antoinette d'Orleans, fille de Marie de Bourbon, & d'Eleonore d'Orleans Duc de Longueville, qui fe trouvant veuve de Charles de Gondi, Marquis de Belle-Ifle, & n'aïant pû être admise au nombre des Religieufes de l'Ave Maria à Paris, qui ne recevoient point de veuves, alla à Toulouse, où elle fut reçue par les Feüillantines, dont elle prit l'habit l'an 1599. n'étant âgée que de 26. ans. Quoiqu'elle fût obligée fept ans après de paffer dans l'Ordre de Fontevraud par ordre du Pape, pour y être Coadjutrice de l'Abbeffe Eleonore fa tante, elle ne quitta pas pour cela le fouvenir de fa premiere profeffion : car elle fonda un

Monaftere

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