Page images
PDF
EPUB

SES BIR-
NARDINES.

Il y a eu un très grand nombre de Saintes & de Bienheu- RELIGIENreufes de cet Ordre: le nombre en feroit encore plus grand fi nous voulions accorder à fes Hiftoriens toutes celles qu'ils lui attribuent; mais ils doivent en retrancher quelques-unes:comme la Bienheureufe Julienne du Mont-Cornillon, à qui on eft redevable de l'Inftitution de la Fête du faint Sacrement, que l'on commença à célébrer à Liége l'an 1246. à fa follicitation, & qui devint enfuite publique dans toute l'Eglife par l'autorité du Pape Urbain IV. Henschenius qui a donné la vie de cette Sainte dans la continuation de Bollandus,y a joint une Differtation pour prouver qu'elle n'a jamais été de l'Ordre de Cîteaux, mais bien de celui de faint Auguftin : & pour preuve, il rapporte des Reglemens faits par Robert Evêque de Liége pour l'Hôpital des Lepreux du Mont Cornillon dans le tems que la Bienheureufe Julienne en étoit Prieure, (cetHôpital étant gouverné par des Religieux & Religieufes pour avoir foin des perfonnes de leur fexe, ) & dans ces Reglemens, la Formule de la profeffion que faifoientces Religieux & Religieufes,y eft énoncée,par laquelle il paroît que c'étoit fous la Regle de faint Auguftin, fecundum Regulam divi. Auguftini, outre que les Religieufes de cet Hôpital ont toûjours été habillées de noir. Mais quand elles auroient été habillées comme les Religieufes de Câteaux,on n'en devroit pas tirer une confequence que fainte Julienne eût été de cet Ordre,puifqu'il y a nombre de Monafteres de l'Ordre de faint Auguftin où les Religieufes ont une robbe blanche avec un fcapulaire noir, comy en a deux à Cambrai, un à Menin, un à Anvers, à Aflenford & en d'autres endroits. Ainfi on peut retrancher du Calendrier des Saintes de l'Ordre de Cîteaux par la même raifon, les Bienheureuses Ozile, Sapience, Eve & autres qui ont été Religieufes au Mont-Cornillon, auffi-bien que fainte Elifabeth de Schonaug celebre par fes révélations & par les écrits, & de laquelle l'Ordre de Cîteaux fe fait aufli honneur, quoiqu'elle appartienne à l'Ordre de faint Benoît.

me il

Angel. Manriq. Annal. Ord. Cifter. Chrifoftom. Henriqués Menolog. Ciftert. & Lilia Ciftertii. La maniere de tenir le Chapitre General de l'Ordre de Citeaux. Guillaume de faint Thierri,Vie de S. Bernard, dans le II. Tome de l'édition des upres de ce Pere par le P. Dom Mabillon, & la Préface de cet

Bbb iij

BERNAR- Auteur au 1. Tome. Le Nain, Hijt. de l'Ordre de Citeaux dans DINS D'ES- la vie de fainte Humbeline. part. 2. Philippe Bonanni, Catal. Ord. Relig. Le Maître. Vie de faint Bernard, & Baillet, Vies des SS. 20. & 21. Août.

PAGNE.

[blocks in formation]

Des Moines de Citeaux, de la Congregation, dite de l'Obfervance en Espagne, avec la Vie de Martin de Vargas leur Reformateur.

A Difcipline Reguliere étant beaucoup relâchée dans l'Ordre de Cîteaux au commencement du quinziéme fiécle, Dieu fufcita Martin de Vargas ou Bargas pour la rétablir en Espagne, & faire revivre le premier efprit des Fondateurs de cet Ordre. Il nâquit dans le bourg de Xerés de la Frontera,de la Province d'Andaloufie. Après avoir fait un progrès merveilleux dans toutes les sciences divines & humaines, il fe fit d'abord Religieux parmi les Ermites de faint Jerôme d'Italie (felon l'opinion d'Ange Manrique Auteur des Annales de Cîteaux) où il s'acquit une fi grande estime auprès du Pape Martin V. qu'il le choifit pour fon Confeffeur & pour fon Prédicateur. Mais foit que fon humilité ne lui permît pas d'exercer ces Emplois, ou pour quelque autre raifon, il quitta l'Italie & vint en Efpagne, où pour vivre plus retiré & plus inconnu,il fixa fa demeure dans le Roïaume d'Aragon, où avec la permiffion qu'il obtint du fouverain Pontife, il prit l'habit de l'Ordre de Cîteaux dans l'Abbïe de Piedra au Diocéfe de Tarragone.

Le même Ange Manrique n'ofe pas affurer qu'il foit paffé parmi eux dans le deffein d'embraffer une vie plus auftere, puifque l'Obfervance Réguliere étoit entierement bannie des Couvens d'Efpagne: mais il y a bien de l'apparence qu'il y fut conduit par l'efprit de Dieu pour y rétablir cette même Obfervance. Ce qui l'anima à entreprendre la réforme de cet Ordre, fut que dans le même Couvent de Piedra, il trouva dix ou douze Religieux qui ge miffoient continuellement des déreglemens qui y regnoient. Il leur communiqua fon deffein,qu'ils approuverent,& aïant pris un Compagnon, qui fut le Pere Michel de Quença, iš

DINS D'ES PAGNE

alla à Rome pour obtenir les permillions neceffaires pour BERNARexecuter leurs bons deffeins. Lorfqu'il y fut arrivé, il demeura quelque tems caché dans le Monaftere de fainte Cecile, ne s'occupant qu'à la priere, pour demander à Dieu l'heureux fuccès de fon entreprife: enfin rempli de confiance en Dieu, il fortit de fa retraite, & fut fe jetter aux pieds du Pape Martin V. qui lui fit un accuëil favorable : & lorfqu'il eut entendu le deffein de Martin de Vargas, non feulement il l'approuva,mais même il l'encouragea à poursuivre une fi pieufe entreprise, & lui donna des Lettres datées du 24. Octobre 1425.par lefquelles il lui donnoit tout pouvoir pour executer fon deffein, lui accordant tout ce qu'il demandoit pour cet effet, dont le principal étoit l'établiffement de deux Monafteres ou Ermitages (comme Vargas les appelloit) dans les Roïaumes de Caftille & de Leon, où la Regle de faint Benoît & les Conftitutions de Câteaux feroient obfervées à la lettre que les Superieurs de ces Monafteres ne feroient point perpetuels, mais pour un tems; que ces mêmes Monafteres feroient exemts de la Jurifdiction du Chapitre General & même des Abbés de Cîteaux, aussibien que de celle de l'Abbé de Piedra: qu'ils obéïroient feulement au Superieur, qui prendroit le titre de Réformateur, & feroit élu par les Religieux de ces deux Monasteres, & choifi entr'eux ; que dans les difficultés qui furviendroient ils auroient recours à l'Abbé de Poblete, Pere immédiat du Monaftere de Piedra, & que les Religieux des autres Monafteres de l'Ordre pourroient paffer dans ceux de cette Réforme fans en avoir obtenu la permiffion de leurs Superieurs.

Le Pape commit cette affaire au Cardinal de Seville Abbé de Salas, & fur le rapport qu'il en fit à sa Sainteté par un Acte du 7. Juin 1426. ce Pape accorda une nouvelle permiffion pour ériger ces Monafteres. Le Pere de Vargas muni de ces permiflions, retourna en Espagne. Son retour confola beaucoup les Compagnons qu'il avoit laiffés à Piedra, fort chagrins d'une fi longue abfence, & fort en peine de fçavoir s'il pourroit réüffir dans fon entreprise 3 mais lorsqu'ils apprirent de lui-même l'heureux fuccès qu'il avoit eu dans tout ce qu'il avoit demandé au Pape, ils en conçurent une fainte joïe, & ne penserent plus qu'aux

PAGNE

BERNAR- moïens de mettre en execution leur pieux deffein, en quit-
DINS D'ES- tant le Monastere de Piedra le plûtôt qu'il leur feroit poffi-
ble:ce qui ne tarda guere:car peu de tems après l'arrivée de
Martin de Vargas, ils en fortirent tous pour aller jetter
en Castille les fondemens de la Réforme dans le lieu qu'ils
trouveroient le plus convenable à leur deffein. Ils trouve-
rent en paffant à Tolede Ildefonse Martinez, Chanoine &
Tréforier de cette Eglife, qui leur donna l'hospitalité, &
qui aïant appris le fujet de leur voïage, voulut les y ac-
compagner, leur promit de leur donner ce dont ils auroient
befoin pour acheter le fond qu'ils trouveroient propre pour
leur établissement, & de leur fournir encore fuffilamment
pour bâtir un Couvent. Comme ils cherchoient ensemble
quelque endroit folitaire fur le rivage du Tage, ils trouve-
rent un lieu qui leur parut affez retiré, qu'on appelloit
Venghalia, autrefois la Vega de fan Roman, & qui n'étoit
pas éloigné de Tolede. Alfonfe Martinez aïant demandé au
Pere de Vargas ce qu'il lui fembloit de ce lieu, il lui répon-
dit par ces paroles du Pfalmifte: Hac requies mea in faculum
faculi, hic habitabo quoniam elegi eam. Ainfi cette Terre
fut achetée des deniers d'Alfonfe Martinez, & Martin de
Vargas & fes Compagnons y bâtirent de petites cellules avec
des branches d'arbres.

Ils firent bien paroître quel étoit leur defintereffement
dans ces commencemens: car Dom Alvarés de Luna leur
aïant voulu bâtir une fuperbe Eglife,qu'il vouloit destiner
pour le lieu de fa fepulture, ils le remercierent ; & ce Sei-
gneur fur leur refus fit bâtir une Chapelle dans l'Eglife
Cathedrale, qui eft regardée comme un des plus beaux
édifices d'Espagne, & qui fait connoître par la magnifi-
cence quels étoient les biens & la qualité de fon Fondateur.
Ces faints Religieux aimerent mieux fe contenter d'une
pauvre Eglife & d'un Monaftere qui reffentît la pauvreté
dont ils faifoient profeffion. Ils ne mangeoient le plus fou-
vent que
des herbes. Ils étoient vêtus des étoffes les plus
viles, & gardoient un filence prefque continuel. Ils n'ont
encore dans cette Congregation qu'un jour de la femaine
où après le dîné il leur foit permis de parler & d'aller fe
promener ensemble: ce qui leur eft très étroitement défendu
dans les tems de l'Avent & du Carême. Leurs jeûnes font

très

1

[ocr errors]

BER NAK

PAGNE.

très fréquens, auffi-bien que leurs autres mortifications. Leur clôture est très rigoureuse: car en trois ans ils ne DINS D'ES peuvent fortir qu'une fois hors du Monaftere : & quand ils font dedans, il ne leur eft permis de fortir de leurs chambres que pour aller à l'Office, au travail des mains,& aux autres exercices: & les Superieurs changent fouvent les Religieux d'une Maison à une autre, afin que détachés de toutes chofes, & convaincus par eux-mêmes qu'il n'y a point de demeure fixe & permanente en ce monde, ils s'attachent uniquement à acquerir celle qui eft promise parti culierement à ceux qui auront tout abandonné pour JesusChrift.

Martin de Vargas donna le nom de Mont de Sion, à ce nouveau Monaftere, & il en fut élû Prieur avec la qualité de Réformareur que les Generaux de cette Congregation ont confervée jufqu'à préfent. L'an 1430. comme le relâchement étoit grand dans l'Abbaïe de Val-de-Buena, elle fut foûmife par l'autorité du Roi & de l'Evêque de Placenza au Monaftere de Mont de Sion: on difperfa dans d'autres les Religieux qui ne voulurent pas embraffer la nouvelle Ob fervance ; & Martin de Vargas prit poffeffion de cette Abbaïe, l'aïant choifie pour le deuxième des Ermitages qu'on. lui avoit permis d'ériger: il fupprima la qualité d'Abbé,dont les Superieurs de ce Monaftere avoient joui jufqu'alors, & il en fut fait Prieur:il fubftitua en fa place au Mont de Sion Martin de Longrogno,& envoïa à Rome l'an 1432. deux de fes Religieux pour obtenir du Pape Eugene IV. la confirmation de la construction du Monaftere de Mont de Sion & de l'union qui y avoit été faite de celui de Val-de-Buena. Deux ans après il obtint du même Pontife la permiffion d'ériz ger encore fix autres Ermitages, en confervant toûjours à Abbé de Poblete le droit qui lui avoit été accordé, de teré miner les differens qui furviendroient dans cette Congregatión. Le Pape ordonna de plus qu'après la mort de Martin de Vargas, les Religieux de Mont-de-Sion, de Val-deBuena & des autres Monafteres, qui dans la fuite viendroient fe joindre à ces deux Monafteres pour faire avec eux une même Congregation, éliroient un Réformateur auquel ils feroient foûmis.

Le même Eugene IV. révoqua l'an 1437. le privilege ac

Tome. Y.

« PreviousContinue »