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S. FRUC

TUEUX.

dans les fiens, comme il paroit par la Regle commune qu'il REGLE DE a écrite, & par une autre Regle particuliere pour les Moines qui vivoient dans une obfervance très étroite. Par la Regle commune il est défendu à qui que ce foit de bâtir à fa volonté un Monastere fans en avoir auparavant confulté la Congrégation, & fans en avoir la permiffion de l'Evêque, qui devoit approuver la Regle & la maniere de vivre que l'on devoit pratiquer dans ce Monaftere. Si des perfonnes mariées fe préfentoient avec leurs enfans pour embraffer la profeffion Monaftique, les hommes & les garçons étoient envoïés dans des Monafteres d'hommes, & les femmes & les filles dans des maisons de leur fexe, où ils devoient obéïr jufqu'à leur mort à l'Abbé ou à l'Abbeffe qui en étoient Superieurs. On avoit grand foin des enfans: on les y recevoit à l'âge de fept ans. On usoit auffi de beaucoup d'humanité envers les vieillards: & les uns & les autres étoient exemts des travaux penibles. Comme les Moines & les Sœurs ne pouvoient pas demeurer ensemble dans un même Monaftere, ils avoient auffi leurs Oratoires feparés. On élifoit entre les Moines des vieillards d'une vertu éprouvée pour avoir foin des fœurs, & le foin des procès étoit commis à des Laïques, qui ne devoient jamais prêter aucun ferment. Ils faifoient tous un pact en forme de profeffion folemnelle, par lequel ils s'engageoient à Dieu & à leur Abbé ou à leur Abbeffe,& promettoient de vivre felon les preceptes des Apôtres & conformément à la Regle des Peres s'ils faifoient le contraire, ils confentoient d'être punis felon la qualité de la faute, & même d'être dépouillés de leurs habits Religieux & chaffés du Monaftere s'ils y perfiftoient avec opiniâtreté. Quiconque avoit été excommunié pour quelque faute, étoit renfermé dans une chambre obscure, où on ne lui donnoit que du pain & de l'eau. Il n'eft fait aucune mention dans cette Regle commune des jeûnes & de la qualité des alimens, finon qu'elle ordonne que ceux & celles qui auroient commis de grands pechés dans le monde feroient privés de viande, de biere & de vin. L'autre Regle qui étoit pour les Moines en particulier avoit beaucoup de rapport à celle de faint Benoît. Ils devoient s'abftenir de viande. Les volatilles n'étoient permifes qu'aux malades & aux voïageurs : l'on ne fervoit à la Communauté que des legumes & des herbages & rarement

Tome V.

:

E

TUEUX.

REGLEDE du poiffon de riviere ou de mer: l'usage même du vin & de SERUC l'huile étoit interdit pendant le tems du Carême. La lecture & le travail fe fuccedoient l'un à l'autre, comme il eft ordonné dans la Regle de faint Benoît:le jeûne étoit pareillement préfcrit depuis le 14. Septembre jufqu'à Pâques, & .dans le Monaftere de Complute ou de faint Jufte & de faint Pasteur, on y jeûnoit un Carême avant la Fête de ces Saints Martyrs qui fe celebre le 6. d'Août, lequel Carême commençoit le 17. Juin.

REGLĖ DU

Il y a dans le Code des Regles, une Regle du Maître, MAÎTRE. dont l'Auteur eft inconnu : mais il eft certain qu'elle a été écrite dans le feptiéme fiécle ; & qu'elle a été tirée en partie de celle de faint Benoît, quoique l'Auteur s'écarte de fa Difcipline en divers points importans. Il y a de l'apparence que cette Regle du Maître a été dreffée en France; parce que l'on y remarque des expreffions & des termes finguliers qui étoient alors en usage parmi les François. L'Auteur d'ailleurs fait affez connoître qu'il n'étoit pas d'Italie ; puis qu'en parlant des Moines vagabonds qui paffoient leur vie à courir d'un païs en un autre, il obferve qu'il y en avoit parmi eux qui feignoient de venir d'Italie. L'on ne fçait point fi elle a été obfervée dans aucun Monaftere de France: mais il y a bien de l'apparence que dans quelque Monaftere où elle ait été reçuë, on n'y aura pas mis en pratique ce qui eft ordonnê au Chapitre XIII. que fi un Religieux excommunié perfifte dans fon obftination, & ne donne pas fatisfaction à l'Abbé, le troifiéme jour à l'heure de None, il soit enfermé, & reçoive tant de coups de foüet, qu'il puiffe expirer fous les coups. L'ordre qu'il prefcrit pour l'Office Divin eft different de celui de faint Benoît. Il y a auffi de la diverfité dans les jeûnes; car hors le Carême le Maître ne veut point que les Religieux jeûnent le Jeudi; & la raison de cette Difcipline, eft que JESUS-CHRIST étant monté ce jour-là au Ĉiel, il n'en faut pas faire un jour de tristesse & de penitence. Les Dimanches du Carême on dînoit;mais on ne foupoit point: de forte que l'on ne faifoit qu'un repas ce jour-là, non plus qu'aux jours de jeûne; toute la difference confistoit, en ce qu'au lieu de manger le foir, on REGLE mangeoit à midi.

D'UN CER TAINPERE.

La Regle d'un certain Pere eft pour le moins auffi ancien

D'UN CER

ne que celle du Maître, & exigeoit une grande perfection REGLE de ceux pour qui elle fut dreffée; l'on ne fçait dans quel pais TAINPIRE. elle étoit en ufage, n'y aïant rien dans cette Regle qui le puiffe faire connoître. Elle défend aux Religieux l'ufage de la viande & du vin. L'indulgence dont elle ufe envers les Freres qui demeuroient dans les montagnes fteriles, & où on ne trouvoit point de pain, est seulement de leur permettre de boire du lait mêlé d'eau. Si quelque Religieux étoit défobéïffant & qu'il murmurât, s'il difoit des menfonges, s'il juroit, ou feulement s'il étoit fujet à tenir des difcours oififs & inutiles, on le mettoit en prifon, & s'il ne fe corrigeoit pas, on le chaffoit du Monaftere. Il y a de l'apparence que ce Monaftere d'Hommes, pour qui cette Regle fut dreffée, étoit double, ou proche d'un autre de Filles: car la Regle porte qu'on verrà rarement les Sœurs, & défend de leur parler fouvent. Elle ordonne neanmoins qu'on les affistera par des aumônes ou par des prefens, qu'on leur fera tenir par des perfonnes fures & de vertu éprouvée. C'est ce qui pourroit donner lieu de croire qu'une autre Regle qui le trouve auffi dans le Code des Regles, & qui a pour titre, la Regle d'un certain Pere, laquelle a été dreffée pour des Filles, pouvoit auffi avoir eu pour Auteur celui de la premiere, & qu'il auroit dreffé des Loix Monaftiques pour les deux fexes, qui demeuroient féparément dans ce Monaftere double: mais ces deux Regles n'ont gueres de rapport ensemble:cet te derniere étoit très auftere; les Religieufes jeûnoient tous les jours depuis la Pentecôte jufqu'au Carême de l'année suivante, excepté les grandes Fêtes, ou lorfqu'elles étoient obligées de travailler plus qu'à l'ordinaire. Le jour de leur jeûne regulier, elles ne mangeoient que vers les deux ou trois heures après midi, & le Carême le foir. Elles ne mangeoient d'ordinaire que des legumes, & ne bûvoient que de la biere. On leur donnoit un peu de vin aux Fêtes, ou lorsque l'Abbeffe leur en accordoit à cause de leur grand travail ou de l'arrivée de quelque hôte. Dans le VII. Chapitre de cette Regle, il eft défendu à l'Abbeffe, à la Prieure, ou à celle qui aura été commife par l'Abbeffe, de reveler les confeffions des Sœurs, dont les pechés, foit legers ou griefs, ne doivent être manifeftés qu'à Dieu feul ; & il eft défendu à aucune Religieufe de recevoir les confeffions, ou d'enjoin

TAIN PARE

REGLES dre une penitence fans ordre de l'Abbeffe. Mais ces fortes D'UN CER: de confeffions n'étoient pas des confeffions facramentelles ; & la Regle de ces Religieufes ne prétendoit fans doute les obliger qu'à découvrir à leur Superieure leur interieur, ou à la perfonne qu'elle commettoit pour cela, felon ce qui fe pratique encore prefentement dans quelques Ordres. En effet, quoique Jonas,dans la Vie de fainte Fare, Abbeffe de Faremoutier, dife dife que les Religieufes de ce Monaftere étoient auffi obligées de confeffer à l'Abbeffe les pechés, même les plus griefs, qu'elles avoient commis dans le monde, & qu'il ne faffe pas mention du Prêtre ; neanmoins le miniftere du Prêtre n'étoit pas pour cela exclus, comme reMabillon, marque le Pere Mabillon; puifque faint Colomban, dont Annal. Be-l'Inftitut étoit obfervé dans ce Monaftere de fainte Fare, pag. 357. après avoir marqué dans le Chapitre premier de fon Peni

nedict. T.I.

tentiel, que l'on fe confefferoit & que l'on découvriroit fa confcience avant que de fe mettre à table, & avant que de fe coucher, ordonne dans le Chapitre XXIX. que l'on declarera fes fautes à un Prêtre. Il s'eft neanmoins trouvé des Abbeffes tant en Orient qu'en Occident, qui ont eu affez de temerité pour croire qu'elles pouvoient entendre Dalfam Ju- les confeffions de leurs Religieufes. Balfamon rapporte vis Gracolat. l'exemple de quelques Abbeffes parmi les Grecs qui deinterr. 34. manderent au Patriarche d'Antioche la permiffion d'en

tendre les confessions des Religieufes qui leur étoient foûmifes: ce que ce Prelat ne voulut pas accorder,avec raifon, difant que ce pouvoir ne devoit être donné qu'aux Prêtres. Nous parlerons dans la fuite de cette Hiftoire d'une Abbeffe du Monaftere de la Huelgas, de l'Ordre de Cîteaux en Efpagne, qui prétendant avoir le même pouvoir que les Abbés de l'Ordre, & que tout ce qui leur étoit permis, lui étoitauffi permis, beniffoit les Novices, expliquoit l'Evangile, montoit en Chaire pour prêcher, & entendoit les confeffions de fes Religieufes.

Il y a eu auffi une Regle fous le nom de faint Eugippe, Abbé de faint Severin de Naples, dont on n'a plus de connoiffance. Il s'en trouve encore une dans le Code des Regles des faints Abbés Paul & Etienne , que quelquesuns ont cru avoir été Solitaires d'Egypte. Holftenius a donné celle de faint Aëlrede, Abbé de Rival en Ecoffe,

qui contient de inftructions qu'il donne à fa fœur, qui s'é- REGLES DE

TES PER

toit retirée dans un Monastere: mais ce Saint vivoit encore DIFFEREN dans le XIII. fiécle. Hæftenius fait encore mention de SONNES. quelques anciennes Regles, dont on n'a plus de connoiffance.

Enfin il y a eu encore en France la Regle des Grignans, qui eft auffi prefentement inconnuë. Elle étoit obfervée par une Congregation de Moines,qui étoient au nombre de qua tre cens dans differens Monafteres, dont le principal étoit celui de Grigny, qui avoit donné fon nom à la Congregation, & étoit bâti hors des murs de Vienne en Dauphine, sur le bord du Rhône.

Voie Hæftenius, Difquifit. Monaft. Bulteau, Hiftoire de l'ordre de faint Benoît. D. Jean Mabillon, Annal. Benedict. Tom. I. Luc Holftenius, Cod. Regul. & le P. Le Mege, Pref. fur la Regle de faint Benoît.

CHAPITRE V.

De l'ancienne Congregation du Mont-Caffin, appellée auffi

de la Grotte & de faint Benoît.

MONT

UOIQUE dès les premieres années de l'établiffement CONGRE de l'Ordre de faint Benoît, il femble qu'il ait été di- GATION DU vifé en plufieurs Congrégations, elles ne formoient pas nean- CASSIN. moins de corps diftincts & feparés. La premiere qui ait,pour ainfi-dire, formé un Ordre nouveau forti de la tige de celui de faint Benoît, eft celle de Cluny, qui ne fut fondée que l'an 910. La plus ancienne de ces Congrégations eft celle du Mont-Caffin,ainfi appellée du nom de ce celebre Monastere, Chef de tout l'Ordre de faint Benoît. On lui a donné auffi le nom de la fainte Grotte, à cause du Monaftere qui a été bâti où étoit la Grotte ou Caverne, qui fervit de premiere demeure à faint Benoît, lorfqu'il fe retira à Subiago: quelques-uns ont auffi donné à cette Congrégation le nom de faint Benoît, Patriarche de cet Ordre. Il ne fe paffa rien de confiderable fous le gouvernement de l'Abbé Constantin, qui fucceda à faint Benoît. Simplicius qui prit la place de Conftantin,contribua beaucoup à la propagation de cet Ordre, aïant publié la Regle du faint Fondateur,qui n'étoit

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