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Ordre de cauferent dans la suite une si grande cherté & une si grande Ciral. disette de toutes les choses necessaires à la vie, qu'elles con

traignirent plusieurs Religieux à manger de la viande, qu'ils trouvoient plus commodément que d'autres choses. D'autres plus scrupuleux, s'en abstenoient : mais ils refusoient les Charges de Celerier, de Procureur, & les autres Offices qui les pouvoient obliger à sortir du Monastere, à cause que par tout où ils alloient , soit aux champs, soit à la ville, . ils ne trouvoient que des viandes communes qui leur étoient défenduës. Ainsi les biens & les revenus des Monasteres fe perdoient faute d'y avoir l'attention necessaire : cependant les necessités augmentoient, & le défaut de nourriture rendoit plusieurs Religieux malades , & ceux qui restoient en santé étoient fị foibles , que ni les uns ni les autres ne pouvoient observer leur Regle ni leurs Statuts.

Le Chapitre General s'étant assemblé, & aïant reconnu l'imposibilité qu'il y avoit de faire observer la regularité dans un tems si miserable , pria I'mbert de Cîreaux de faire le voïage de Rome avec Dom Jean de Cirei Abbé de Maizieres, pour demander auPape qu'il eût la bonté de remédier à tous ces maux,en leur accordant quelque difpenfe de cette grande abstinence à laquelle leur Regle & leurs Constitutions les obligeoient. Ces deux Abbés allerent à Rome en 1475: ( Sixte IV. gouvernoit pour lors l'Eglise ) y étant arrivés ils eurent audience du Pape. Imbert lui representa la misere & la désolation des Monasteres , les difficultés d'avoir des viandes conformes à leur perpetuelle abstinence, & les défordres

que

cela causoit , puisque malgré le bon exemple des plus zelés , & nonobstant les oppofitions & remontrances des Superieurs, plusieurs Religieux fe donnoient la liberté de manger de la viande , fans fe nerere beaucoup en peine des penitences portées par la Bulle de Benoît XII. contre ceux qui leroient assez temeraires pour en manger. Le Pape Sixte sur les remontrances de cet Abbé, reïtera les défenses & les peines portées par la Bulle de Benoîc , contre ceux qui présumeroient de manger de la viande sans dispense & permission; mais faisant reflexion sur ces difficultés , & que le droit naturel l'emporte sur toutes sortes de loix,d’authorité Apostolique, il donna par une Bulle plein pouvoir au Chapitre General & aux Abbés de Cîteaux de

ز

Novice de

de Cisteaus en habit ordinaire dans la maison

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Cìreaux

dispenser selon leur conscience,de l'abstinence de viande, ORDENA en cas de necessité, coûtes & quantes fois que besoin seroit,les personnes Religieuses de cet Ordre qui demanderoient cette dispense. La seule necesfité avoit contraint cet Abbé de demander cette dispense , & il ne la demanda que pour autant de tems que dureroit la nécessité, esperant qu'on pourroit reprendre la premiere Observance lorsqu'il y auroit lieu de le faire. Il ne fut pas plûtôt retourné de Rome avec cette Bulle, qu'il fut importuné de plusieurs particuliers & même par des Communautés entieres,qui demandoient la dispense de l'abstinence , sous le pretexte de la necessité. Peu de tems aprés il fit un second voïage à Rome où il mourut. Dom Jean de Cirey qui lui succeda , pour se délivrer des importunités qu'il recevoit de tous côtés au sujet de la dispense, fit assembler le Chapitre General en 1481. où la Bulledu Pape Sixte IV.aïant écé examinée, on renvoïa à la copscience, jugement & discretion des Abbés particuliers , Visiteurs & autres Superieurs , le pouvoir accordé par cette Bulle, de dispenser sans fcrupule de l'abstinence de la viande les Religieux quand ils en auroient besoin.

Mais le Chapitre General qui avoit commis les Abbés particuliers pour accorder cette dispense, reconnut bien-tôt qu'elle n'étoit qu'une source de broüillerjes qui causeroient beaucoup de scandale & qui pourroient aller à la ruine de l'Ordre : car quelques Abbés trop indulgens accordoient trop facilement cette dispense ; d'autres trop rigoureux la refusoient absolument ; & cependant traitoient mal leurs Communautés ; ce qui excitoit beaucoup de murmures. Dans un même Convent , les uns mangeoient de la viande, les autres du poisson , des eufs, & des legumés : & cette diversité engendra parmi eux des haines , des divisions , des partialités & des ligues. C'est pourquoi afin d'ôter la source d'un si grand mal, contraire à la charité & à l'union fraternelle , aprés le rapport qui en fut fait selon les formalités ordinaires aux Président,& Deffiniteurs Generaux de ce même Chapitre , aprés une meure deliberation, ils ordonnerent par un Decret de l'an 1485. que dans tous les Monasteres de l'Ordre de l'un & l'autre sexe, l'on garderoit à l'avenir l'uniformité, tant dans le vivre que dans les habits, & que pour le vivre, on serviroit de la viande trois fois la se

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ORDRE DE maine pour la refection, sçavoir le Dimanche , le Mardi & le

Jeudi ; & qu'à cet effet on bâtiroit en chaque Monastere un lieu séparé du Refectoire ordinaire.

S'il n'y avoit eu que ce déréglement dans cet Ordre, il y auroit eu lieu d'esperer qu'après cette Ordonnance, le scana dale auroit fini , la paix & l'union y auroient regné, & qu’ainsi à l'exemple de leurs premiers peres ils feroient devenus la bonne odeur de Jesus-Christ : mais il y avoir des Monasteres , où les Religieux vivoient d'une maniere filicencieufe , que l'on pouvoit leur attribuer ces paroles du Psalmiste , qu'ils s'étoient mêlés avec le monde, dont ils avoient

pris toutes les manieres , qu'ils idolâtroient leurs mêmes paslions, & qu'ils en étoient devenus le scandale , enforte que les Souverains, dans les Etats desquels ils étoient fitués, ne pouvant souffrir de tels déréglemens, solliciterent le Pape Innocent VIII. de les supprimer : d'autres fe contenterent de demander à ce Pontife qu'il les fît reformer. C'est ce qui obligca ce Pape l'an 1487.d'ordonner aux Superieurs qu'aprés la tenuë du Chapitre General , ils eussent à visiter exaètement tous les Monasteres de cer Ordre & à les réformer: mais ce Pape ne fut pas obéï. Le mal augmentant tous les jours, Charles VIII. Roi de France fic de nouvelles instances auprés du Pape , pour l'obliger à emploïer de plus puissans moïens que les ordinaires,pour reformer cet Ordre, & à ne pas s'en rapporter aux Chapitres Generaux & aux visires ordinaires des premiers Abbés. Le moïen qu'on trouva pour lors , fut de convoquer une Affemblée extraordinaire des Abbés de l'Ordre à Paris. Elle se tint au College des Bernardins l'an 1493. & on y dressa des Articles de reforme, qui portent entre autres choses , que les Abbés quitteroient la vanité & la pompe séculiere avec laquelle ils . marchoient, les superfluités & les excès de leur train & de leurs habits , & qu'ils ne pourroient plus posseder deux Abbaïes de l'Ordre sans la permission du Chapitre General: Qu'on ne donneroit plus à chaque particulier fon pain , son vin & fa pitance ; mais que tous mangeroient en commun dans le refe&vire : que chaque Abbé, quinze jours aprés fon retour en fon Monastere , sous les peines portées contre les proprietaires , ôteroit à tous ses Religieux, ce qu'ils poffcdoient en propre , soit en bestiaux ou en vigores, en terres,

jardins

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