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D'HIRSAU.
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Congre- donner uneentiere liberté à son Monastere, afin qu'étant in

dépendant des puissances seculieres , on y pût observer avec plus de facilité la discipline reguliere & Monastique. Et afin que cette indépendance fût plus stable,il la fit confirmer par le Pape & l'Empereur. L'Eglise que ceComte avoit commencée depuis dix ans,érant achevée, elle fut consacrée l'an 1071. par l'Évêque de Spire à la follicitation de ce Seigneur. Les richesses de ce Monastere augmenterent avec le nombre des Religieux,& da temsde saint Guillaume, il n'y en eut jamais moins de cent cinquante , quoiqu'il fût fouvent obligé d'en envoïer pour fonder ou pour réformer d'autres Monalteress car le nombre étoit aust-tôt rempli par d'autres qui prenoient l'habic à Hirsauge pour être ses disciples , entre lesquels il y eut plusieurs Comtes , Marquis , Barons & autres grands Seigneurs.

Ces Religieux s'occupoient jour & nuit à chanter les loüanges de Dieu,à prier, à mediter , & à l'étude des saintes Ecritures.Ceux qui n'étoient pas propres pour la contemplation des choses celestes, travailloient des mains afin d'éviter l'oisiveté. Ce saint Abbé étant persuadé que la lecture de la sainte Ecriture est la nourriture de l'ame, établit douze , habiles Ecrivains pour transcrire les saintes Ecritures & les Ouvrages des saints Peres. Ilyen avoit aussi d'autres en plus grand nombre', qui étoient occupés à transcrire d'autres Ouvrages , & il y avoit un Religieux habile en toutes sortes de sciences , qui avoit l'inlpection sur les uns & les autres, qui présidoit à leurs ouvrages,& corrigeoit les fautes qu'il y trouvoit

. Mais quoique ces Religieux aïent transcrit y un nombre infini de volumes , il en est neanmois resté peu dans ce Monastere, à cause que faint Guillaume en refor

mant ou fondant d'autres Monasteres , y envoïoit beaucoup de ces livres. Outre les cent cinquante Religieux qui étoient dans ce Monastere, sous la conduite de ce saint Abbé, il y avoit auslides Freres Barbus ou Convers qui étoient destinés pourle travail & pourvoïoient aux besoins de ceux qui ne s'occupoient qu'à la contemplation. Il y avoit entr'eux d'habiles Ouvriers en toutes sortes d’arts & de profeffions , comme Architectes, Massons , Charpentiers , Menuisiers, Sculpteurs, Forgerons , Tailleurs , Corruïeurs , Cordopiers, & plusieurs autres. Saint Guillaume fut le premier

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qui établit ces sortes de Convers en Allemagne. Ils lui fu- Congoz. rent d'une grande utilité : car ce furent eux seuls qui firent »'HIRSAUS tous les bâtimens du nouveau Monastere d’Hirsauge & des GE, autres qu'il fonda. Il fit des Reglemens particuliers pour eux & proportionnés à leur occupation. Toutes les nuits ils se trouvoient à l'Eglise pour chanter Marines ; mais elles étoient courtes à cause de la fatigue qu'ils avoienteue pendant le jour. Il étoit libre ensuite à ces Convers de retourner dormir, mais plusieurs des plus fervens restoient à l'Eglise jusqu'à ce que les Religieux du Chaur eufsent achevé leurs Marines. Le lendemain de grand matin , ils entendoient la Messe , & alloient ensuite au Chapitre pour y dire leurs coulpes. Tous les Dimanches il y en avoit qui communioient, ensorte que la moitié communioient un Dimanche , & l'autre moitié le Dimanche suivant ; mais aux Fêtes solemnelles ils communioient tous , & fi quelques - uns alloient en Campagne, & qu'ils ne dussent pas revenir le Dimanche suivant, ils communioient le jour qu'ils partoient. Il établit aussi des Oblats à l'exemple de ceux de Cluni ; ils étoient differens des freres Convers , en ce que ceux ci étoient Religieux & en portoient l'habit , que

les Oblats étoient vêtus en Seculiers : il fit aussi des Reglemens pour eux.

Ce saint Abbé n'omettant rien pour maintenir l'Observance Reguliere, voulur faire recevoir dans son Monastere les Coûtumes de Cluni : c'est pourquoi Ulric qui étoit Profés de Cluni , aïant été envoie en Allemagne par saint Hugues , & étant revenu voir faint Guillaume qui étoit fon ami ; ce Saint profitant d'une occasion fi. favorable , le pria de vouloir mettre par écrir ces Coûtumes : ee qu'il fit volontiers. Il y a à la tête de cet ouvrage', qui est divisé - en trois Livres;une Epitre Dedicacoire adressée à saint Guil-. laume;où Ulric se plaint d'abord d'un abus, qu'il dit être la principale cause de la ruine des Monasteres,qui est de recevoir les enfans,dont les peres &les meres qui en avoientgrandi nombre, cherchoient à se défaire en les offrant aux MonaAeres , avant même qu'ils eussent l'usage de raison, principalement s'ils en avoient quelques-uns de manchots, de boiteux, ou qui eussent quelque autre incommodité': la raison qu'il apporte pour prouver que c'est un abus , est Tome 1

Vu

&

a

D'HIRSAU.
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CONGRE. que les Maisons remplies de ces invalides , ne peuvent gar

der aucune regularité, & que l'observance n'elt exacte que
dans celle où le plus grand nombre de Religieux est de
ceux qui y sont entrés en âge meur, de leur propre mou-
vement, & exemts de ces sortes d'infirmités ou défauts de
nature.

Mais comme saint Guillaume trouvoit des difficultés dans
ces Coûtumes de Cluni qui ne pouvoient être bien expli-
quées par écrit , il jugea à propos d'envoïer à Cluni des Re-
ligieux qui les vissent pratiquer , ou pour mieux dire, qui
les pratiquassent eux-mêmes. Il en envoïa premierement
deux, & ensuite deux autres, afin qu'ils en pussent être par-
faitement instruits, & qu'étant plusieurs ils puslent mieux
les retenir & lui en faire un fidele rapport. A leur retour il
fit assembler les Anciens, & aprés avoir examiné avec eux
les coûtumes de Cluni, & entendu les Religieux qu'il y
avoit envoïés, il en retrancha ce qui ne convenoit point aux
pratiques du païs, au climat & à la situation des lieux , &
garda celles qui lui convenoient, sur lesquelles il en dressa
d'autres qu'il divisa en deux livres , qu'il appella les Coûtu-
mes d'Hirsauge.

Le zele de faint Guillaume ne se reộferma pas dans le seul Monastered'Hirsauge. Il en fonda & réforma plusieurs autres, dont les plus conliderables sont Richembarch, saint Georges dans la Forêt Noire, saint Martin dans la Baviere , Erphord dans la Thuringe, Zuvifalten dans la Suaube, Wilheim & Laven dans la Carinthie , qui furent fondés ; Schafuse, Petershausem & Camperg, qui furent rétablis ; Altof au Diocese de Strasbourg, Isnen au Diocese de Constance , & Hasung dans la Thuringe, qui furent reformés. Tritheme, dans les Chroniques de l'Abbaïe d'Hirsauge, nomme vingt trois Monasteres que ce Saint fonda de nouveau , & soixante & neuf qu'il reforma , dans lesquels il fit observer les Coûtumes d’Hirsauge. Il fit ausli societé avec plusieurs Monasteres de differens Ordres , comme l'Eglise Cathedrale de Cantorberi , desservie par les Benedictins , les Abbases de Cluni, de Marmoutier, de saint Benigne de Dijon, de saint Victor de Marseille , de saint Maximin, & de saint Mathias à Treves, de saint Pantaleon à Cologne,de saint Emeran de Ratisbonne, & avec les Chanoines Regu

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liers de Marbac & de Franchental, &c. Enfin aprés avoir CONGREété Abbé d'Hirsauge pendant vingt-deux ans & s'être ac- v'Hirsalquis le titre de Restaurateur de la discipline Monastique en Allemagne , il mourut le 9. Juillet 1091. Les plus illustres de ses disciples , furent faint Thiemon, Archevêque de Salzbourg, Gebehard Evêque de Constance, & Legat da faint Siege, saint Theoger Evêque de Metz,& Gebehard Evêque de Spire. Ce dernier fut d'abord son successeur dans le

gouvernement d'Hirsauge, avant que de monter fur le Siege Episcopal de Spire. Il y maintint l'Observance Reguliere que saint Guillaume y avoit établie, aussi bien que dans les autres Monasteres de sa dépendance : ce que firent aussi les Abbés Brunon, Volmar , & Hartwige. Mais sous le gouvernement de Manegolde dix-septiéme Abbé d'Hirsauge, qui fut élu l'an 1157. il y eut quelque division entre lui &

у fes Religieux. Ceux-ci se plaignoient de ce qu'il ufoit envers eux d'une trop grande authorité, qu'il méprisoit leurs conseils

pour suivre ceux de ses Domestiques, qu'il soûtenoit dans tout ce qu'ils faisoient au préjudice même du Monastere, approuvant jusqu'aux insolences excessives qu'ils commettoient tous les jours contre la Communauté, ou contre les particuliers , & qu'au lieu d'y mettre ordre , il maltraitoit encore les Religieux , que ces mêmes domestiques avoient insultés. Leurs plaintes n'étoient pas sans fondement: car un jour que cet Abbé étoit absent, un de ses domestiques aïant fait quelque chofe qui étoit contraire au bien du Monastere, un Religieux l’en reprit ; mais le domestique reçut cette correction avec tant d'insolence & de mépris,que fe jettant sur ce Religieux, il lui donna quelques coups & le jetta à ses pieds, ce qui fit que le Prieur fir mettre en prison cer homme qui y resta jusqu'au retour de l'Abbé, qui au lieu de corriger un tel excès lui donna la liberté , & fit mettre en la place le Religieux qui avoit été frappé : ce qui irrita davantage les Religieux contre leur Abbé. Un procedé fi indigne & fi injuste auroit eu sans doute de facheufes suites ; mais par l'entremise de saint Hildegarde, ils fe réünirent & vêcurent dans la suite en bonne intelligence. Cette divifion qui avoit alteré la charité, avoit aussi donné quelque entrée au relâchement; mais par les foins de

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CONGRE-l'Abbé, qui malgré cet amour dereglé qu'il avoit pour les D'HIQSAU. Domestiques, étoit fort zelé pour les Observances Regu

lieres , les Religieux reprirent leur premiere ferveur , & s'attacherent plus que jamais à la pratique de leur Regle. Rupert & Conrad qui lui succederent de suite

y maintin

у rent aussi la Regularité : mais Henri leur successeur,qui fuq élu l'an 1188. après la mort de Conrad, se mit plus en peine du temporel que du spirituel : ensorte que pendant huit an

: nées qu'il fut -Abbé ; l'Observance Reguliere fut presque bannie de ce Monastere. Il reconnut à la fin la faute qu'il avoit faite, & voulant en faire penitence, il se demit de son Abbaie en 1196. se contentant du Prieuré de Roth, que les Religieux d'Hirsauge lui laisserent pour son entretien , du consentement de l'Abbé Marquard, qui fut son successeur.

Celui-ci étoit assez porté pour la Regularité ; mais il ne put executer le dessein qu'il avoit de la rétablir dans son Monastere, en étant empêché par les affaires qu'il eut à loûtenir contre le Comte Adelbert ,qui en écoic Advoüé,& qui au lieu d'en être le Protecteur , s'érigea en Tyran , & voulut lui ôter tous les Privileges.& Immunités dont il joüilloit. Il usa de violence envers les Religieux en plusieurs rencontres : & comme il tenoit le parti de Philippes de Suaube, qui avoit été élu pour Empereur par quelques-uns de son parti , & que les Religieux ne vouloient point reconnoître,à cause des censures que le Pape Innocent II I. avoit fulminées contre lui , il les chassa tous du Monastere, & les reduisit dans une di grande necessité, qu'ils avoient à peine du pain & de l'eau.

Il y eut dans la suite quelques Abbés qui tâcherent d'apporter quelque réforme dans ce Monastere ; mais ce fut inutilement. Il y eur d'autres Abbés & en plus grand nombre, qui par le mauvais exemple qu'ils donnoient eux-mê- . mes aux Religieux, les entretenoient dans le relâchement : ensorte que les Coûtumes de faint Guillaume , si connuës sous le nom de Coûtumes d'Hirsauge, & qui avoient servi de regle à tant d'autres Monasteres , y étoient entierement abolies & même inconnuës, lorsque Wolfram, trente-huitiéme Abbé introduisit dans ce Monastere d'Hirsauge la Réforme, qui avoit commencé dans celui de Melek au tems du Concile; & l'an 1457. ce même Abbé voïant que cette Congre

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