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ORDRE DE Vallombreuse & de faint François, où l'on remarque la VALLOM- grande conformité qu'il y avoit entr'eux.

BREUSE.

Les biens de Vallombreuse augmentant de jour en jour par les donations qu'on y faifoit, faint Jean Gualbert reçut des Laïques & Freres Convers pour avoir foin du temporel. Ils menoient la même vie que les Moines, & ne differoient d'eux que par l'habillement, qui étoit plus court, & par un bonnet de peaux d'agneaux, dont ils fe couvroient la tête, Ils ne gardoient pas un filence auffi exact que ceux qui étoient destinés pour le Choeur, étant un exercice incompatible avec les travaux du dehors, aufquels ils étoient occupés. C'est le premier exemple que l'on trouve des Freres Laïcs ou Convers, diftingués par leur état des Religieux du Chœur, qui étoient dès-fors Clercs pour la plupart,ou propres à le devenir, comme remarque M. l'Abbé Fleury.

Plufieurs perfonnes Nobles lui offrirent des places pour bâtir de nouveaux Monafteres, & plufieurs le prierent d'en reformer d'autres. Entre les nouveaux qu'il fonda, le premier fut celui de faint Salvi ; ainfi appellé, à cause d'une Chapelle dédiée à ce faint Evêque d'Amiens, qui fe trouvoit dans le lieu qui lui fut donné l'an 1044: Mais il en fonda d'autres dans les Apennins, l'un à Mofcheto, l'autre à Razzuolo, un troifiéme à Monte-Scalari. Ceux qu'il reforma, & où il mit de fes Religieux, furent les Abbaïes de Paffignagno près de Sienne, de fainte Reparate, proche Florence, de faint Fidele de Strumi au Diocéfe d'Arezzo, & de Fontaine-Thaone au Diocéfe de Piftoïe. On lui donna encore fainte Marie de Coneo, faint Pierre de Mont-Verde, & faint Sauveur de Vaiano.

Les Monafteres qu'il fondoit étoient felon la pauvreté:il n'y avoit rien de fuperflu. Un jour étant allé vifiter celui de Mofcheto que M. l'Abbé Fleury appelle Mufcetan, il en trouva les bâtimens trop grands & trop beaux ; & aïant appellé Rodolphe qui en étoit Abbé, il lui dit d'un vifage ferein, Vous avez bâti des Palais à vôtre gré,& vous avez em•ploïé des fommes qui auroient fervi à foulager un grand nombre de pauvres. Puis fe tournant vers un petit ruiffeau qui couloit auprés, il dit : Dieu tout-puissant venge-moi promptement par ce ruiffeau de cet énorme edifice. Il s'en alla, Kauffi-tôt le ruiffeau commença à s'enfler, & tombant de

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Frere Convers de

Vallombreuse

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VALLOM.
BREUSE.

la montagne avec impetuofité, il entraina des arbres & des ORDRE DE roches fi groffes qu'elles ruinerent le bâtiment de fond en comble. L'Abbé épouvanté d'un cas fi extraordinaire, & fongeant à rebâtir fon Monaftere, vouloit le changer de place ; mais faint Jean Gualbert l'en empêcha, & l'affura que ce ruiffeau ne leur feroit plusde mal. Une autre fois aïant appris que dans un de fes Monafteres on avoit reçu un homme qui y avoit donné tout fon bien au préjudice de fes heritiers, il y alla auffi-tôt, & demanda à l'Abbé l'acte de la donation; l'aïant pris il le mit en pieces, en priant Dieu & l'A. pôtre faint Pierre de le venger de ce Monaftere. A peine fe fut-il retiré que le feu prit au Monaftere, & en brûla la plus grande partie. Ce faint homme animé d'une fainte colere ne daigna pas même fe retourner pour le regarder.

pas

Dieu qui n'abandonne jamais les fiens, & qui par un effet de fa Providence pourvoïoit abondamment aux befoins de fes Religieux, permit un jour qu'ils manquaffent de vivre. Notre Saint fit tuer un mouton pour leur diftribuer avec trois pains qui reftoient, mais ne voulant point toucher à la viande,ils fe contenterent chacun d'un petit morceau de pain. Cette moderation fut fi agréable à Dieu qu'il ne voulut la laiffer fans recompenfe : car le lendemain on leur amena. des ânes chargés de bled & de farine, fuivant la prédiction, du faint Abbé. Une autre fois il fit tuer un boeuf en pareille. occafion, aimant mieux donner de la chair à fes Religieux de les laiffer mourir de faim; mais comme ils étoient refolus plûtôt de fouffrir la fin que de trangrefferleur Regle, Dieu par un nouveau prodige pourvût encore à leur befoin. Un semblable miracle arriva encore, lorfqu'il reçut le Pape Leon IX. avec fa fuite dans fon Monaftere de Paffignagno: car aïant demandé à l'œconôme s'il avoit du poiffon, & lui aïant répondu que non, il envoïa les Freres Convers pour pêcher dans un Lac qui étoit proche le Monaftere: & quoique tous les Religieux l'affuraffent qu'on n'avoit jamais veu de poiffon dans ce Lac, il ordonna neanmoins à deux Freres Convers d'y aller. Ceux-ci aïant obéi, ils y trouverent deux gros brochets, qu'il prefenta au Pape.

que

L'exemple de Jean Gualbert & fes exhortations converirent plufieurs Clercs, qui laiffant leur vie effeminée & scandaleufe, commcucerent à s'affembler prés des Eglifes

Tome Y

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BREUSE.

ORDRE DE à embraffer une vie toute fpirituelle & à vivre en commun. VALLOM Il fit auffi bâtir plufieurs Hôpitaux & réparer plufieurs Eglifes. Ce Saint fe déclara l'ennemi de la fimonie qui étoit fort en regne de fon tems parmi les Evêques. Pierre Evêque de Florence étoit accufé d'avoir donné trois mille livres pour avoir fon Evêché. Les Religieux de fon Diocéle aïant à leur tête faint Jean Gualbert, ne voulurent plus reconnoître Pierre pour leur Evêque, & firent foulever une partie du peuple & du Clergé contre lui, ils foûtenoient que l'Evêque étant Simoniaque, & par conféquent Heretique, il n'étoit pas permis de recevoir les Sacremens de fa main, ni de ceux qu'il avoit ordonnés. Saint Pierre Damien étant à Florence tenta, mais inutilement, d'appaifer ce differend, il n'approuvoit pas le fentiment des Religieux, & foûtenoit qu'on ne devoit pas fe feparer de l'Evêque, tant qu'il n'étoit pas juridiquement condamné.

Celui qui avoit le plus d'autorité fur ces Religieux & fur faint Jean Gualbert, étoit un reclus nommé Theuzon, qui paffa cinquante ans enfermé près le Monaftere de fainte Marie à Florence, d'où il donnoit des avis à ceux qui l'alloient confulter. Il avoit beaucoup de zele contre la Simonie, & ce fut par fon confeil que Jean Gualbert alla crier dans la place publique, que l'Evêque étoit manifeftement Simoniaque, ne craignant point d'expofer fa vie pour l'utilité de l'Eglife. L'Evêque voïant une grande partie de fon Clergé & de fon peuple animé contre lui, crut les intimider en faifant tuer les Religieux qui étoient auteurs de la fédition. Il envoïa pour cet effet de nuit une multitude de gens à pied & à cheval, avec ordre de brûler le Monastere de faint Salvi, & de faire main baffe fur les Religieux L'Evêque croïoit que l'on y trouveroit faint Jean Gualbert, mais il en étoit forti la veille. Les gens de l'Evêque entrerent dans l'Eglife comme les Religieux celebroient les Nocturnes, ils fe jetterent fur eux l'épée à la main, en blesferent plufieurs, renverferent les Autels, pillerent ce qu'ils trouverent, & mirent le feu au Monaftere. Cette violence rendit l'Evêque plus odieux & groffit beaucoup le parti des Religieux. Dès le lendemain plufieurs perfonnes de l'un & l'autre fexe vinrent à faint Salvi, apportant chacun felon fon pouvoir, ce qui étoit neceffaire aux Religieux. Ils

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