CLUNI. ORDRE DE Teuton Abbé de faint Maur des Foffés & quelques autres. C'est à ce Saint que l'Eglise est redevable de l'institution dela Commemoraifon generale des morts. Le decret qui en fut fait à Cluni porte que comme dans toutes les Eglises on celebre la Fête detous les Saints le premier jour de Novembre, de même on celebreroit folemnellement dans le Monaftere la Commemoraison de tous les fideles Trépassés qui ont été depuis le commencement jusqu'à la fin, en cette maniere. Ce jour-là après le Chapitre, le Doïen & les Celleriers feront l'Aumône de pain & de vin à tous venans & l'Aumônier recevra tout le reste du dîné des Freres. Le même jour après Vèpres on fonnera toutes les cloches, & on chantera les Vêpres des morts, la Messe sera folemnelle, deux Freres chanteront le trait De profundis, & on nourrira douze pauvres. Ce decret devoit s'observer tant à Cluni que dans tous les Monafteres de sa dépendance. Cette pratique passa bien-tôt à d'autres Eglises & devint commune à toute l'Eglise Catholique. Ce fut de son tems que Casimir fils de Miceflas Roi de Pologne aïant été exclu de la Couronne après la mort de fon pere qui arriva en 1034. & se voïant contraint de fortir du Roïaume, vint en France, & après avoir fait ses études à Paris, fe retira à Cluni où il se fit Religieux & fut ordonné Diacre. Mais les Grands de Pologne voïant dans la suite, que les troubles qui furent excités en ce Roïaume, ne pouvoient s'appaiser qu'en rétablissant le Prince Casimir sur le Trône de son pere, le proclamerent Roi en 1041. & envoïerent des Ambassadeurs à Cluni, qui le saluerent en cette qualité, & le demanderent à saint Odillon. Mais sur le refus qu'en fit le saint Abbé, ils eurent recours au Pape Benoît IX. qui aïant égard aux maux dont la Pologne étoit affligée, leur accorda ce Prince. Ainsi son vœu de chasteté aïant été dissous, quoique Religieux & Diacre, il retourna en Pologne, où il fut reconnu Roi, & se maria, sans neanmoins pour cela oublier sa profession Religieuse, dont le souvenir lui faifoit embrasser les exercices de la plus folide pieté, & lui donnoit de l'amour pour la beauté & l'ornement de la maison du Seigneur: c'est ce qui le porta à faire bâtir plusieurs Monasteres, où il mit des Religieux de Cluni. Mais afin que les Polonois n'oubliassent pas la grace qu'ils avoient reçuë du souverain Pontife, ils furent contrains de païer tous les ans au saint Siége un écu, & de couper leurs ORDREDE cheveux en forme de couronne. Ce fut l'an 1041. que Ca- CLUNI. simir prit le Gouvernement du Roïaume, qu'il laissa en mourant l'an 1058. à Boleslas II. fon fils. La Chronique de Cluni, qui est peu exacte, raconte à peu près ce fait de la même maniere; mais elle confond les noms, en disant que ce fut Boleflas, fils de Brasimire, qui se fit Religieux à Cluni, d'où il fut tiré pour monter sur le Trône de Pologne, & que cela arriva sous l'Abbé Hugues II. qui fut élu l'an 1122. & sous le Pontificat de Benoît VIII. ce qui est une autre erreur, puisque ce Pape étoit mort dès l'an 1024. Saint Odillon après avoir gouverné l'Ordre pendant cinquante fix ans, comme il se disposoit à la visite de ses Monasteres, aïant commencé par celui de Souvigni, il y mourut l'an 1049. & y fut enterré, aussi-bien que faint Mayeul, dont il avoit imité l'humilité en refusant l'Episcopat: car saint Mayeul avoit refusé l'Archevêché de Besançon, & même la Papauté, qui lui fut offerte par l'Empereur Othon, & faint Odillon refusa aussi l'Archevêché de Lyon. Le Pape Jean XIX. lui avoit même envoïé le Pallium, & l'anneau, qui demeurerent à Cluni. Il réforma le Monaftere de saint Denis en France, & eut le Gouvernement de ceux de saint Jean d'Angeli, de faint Flour, & de Thiern. Ceux de Talui & de faint Victor de Geneve, furent soûmis de son tems à l'Ordre de Cluni, dont le Monastere de Farfe en Italie, embrassa aussi les Coûtumes & les Observances. Saint Hugues fucceda à faint Odillon. Il n'avoit que quinze ans lorsqu'il prit l'habit à Cluni: quelques années après saint Odillon voïant son merite extraordinaire, le fit Prieur ; & tout jeune qu'il étoit, il l'envoïa en Allemagne, pour reconcilier avec l'Empereur Henri, les Religieux de Poyerne, qui avoient encouru la disgrace de ce Prince. Il trouva à son retour à Cluni les Religieux dans l'affliction, à cause de la mort de leur Abbé; & lorsqu'on fut assemblé pour lui donner un successeur, Adalman, le plus ancien de la Communauté, nomma Hugues. Tous suivirent son avis; malgré sa resistance il fut élu, n'étant âgé que de vingt-cinq ans, & fut foixante ans Abbé de Cluni. L'Ordre augmenta beaucoup fous fon Gouvernement. A peine en eut-il pris poffeffion, qu'un particulier aïant fait bâtir le Monastere de CLUNI. ORDRE DE Movras, pour lors du le Diocése d'Agen, & maintenant de celui de Condom, le donna à faint Hugues, pour y établir l'Observance de Cluni. Ce faint Abbé maintint avec beaucoup de vigueur les Privileges de fon Abbaïe,contre Drogon ou Dreux Evêque deMâcon, qui y avoit voulu donner quelque atteinte.Hugues en porta ses plaintes au PapeAlexandre I I. qui pour pacifier leur differend, envoïa Legat en France le Cardinal Pierre Damien, qui fit assembler le Concile de Châlons l'an 1063. dans lequel on lut le Privilege accordé à cette Abbaïe par Guillaume Duc d'Aquitaine. Les Evêques qui assistoient au Concile, aïant reconnu que ce Privilege étoit bon, l'Evêque de Mâcon fut obligé de s'y soûmettre, avoüant qu'il n'en avoit eu aucune connoiffance; le Concile lui imposa un jeûne de fept jours au pain & à l'eau, & confirma les Privileges de Cluni, qui furent aussi confirmés par le Pape. Le Cardinal Pierre Damien aïant demeuré quelque tems à Cluni, & n'étant pas édifié des richesses de ce Monaftere, & des differens mets que l'on servoit à table aux Religieux, exhorta l'Abbé Hugues de retrancher au moins deux fois la semaine la graiffe qu'ils mettoient dans les mets; mais ce faint Abbé l'aïant aussi prié de vouloir seulement pendant huit jours supporter avec eux tout le poids du travail, & qu'il jugeroit après cela s'il étoit necessaire de retrancher quelque chose de la nourriture, Pierre Damien avoüa qu'il lui étoit impossible de faire cette épreuve, & qu'il ne falloit point augmenter un si rude travail par une nouvelle austerité. Ce fut saint Hugues qui fit bâtir l'an 1056. le Prieuré de la Charité-fur-Loire, qui est devenu si fameux dans la suite, & qui tient un des premiers rangs entre les Monafteres de la dépendance de Cluni, aussi-bien que celui de saint Martin des Champs à Paris, qui appartenoit anciennement à des Chanoines Seculiers, ausquels Philippe I. Roi de France Pôta, pour le donner aux Religieux de Cluni l'an 1078. Saint Hugues fit auffi bâtir l'an 1061. le Monastere de Marcigni, pour des filles, ausquelles il prescrivit des Reglemens pleins de sageffe, & leur donna un Religieux pour les diriger. Elles gardoient une clôture fi exacte, que dans un embrasement qui arriva dans leur Monaftere, Hugues Archevêque de |