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GATION DE

faint Claude en fut fait Abbé: il pensa aux moïens de la faire CONGRE rentrer dans la joüissance de ses biens, & étant venu pour cet S CLAUDE effet à Paris trouver le Roi Clovis III. ce Prince reftitua à ceMonaftere cinquante muids de froment, autant d'orge, & cinquante livres d'argent en monnoïe, qu'il reconnut lui devoir. Saint Claude aïantremis son Abbaïe en la poffeffion de ses droits, il en repara les bâtimens, orna les Eglifes & les fournit de vases sacrés.

Les Rois de France continuant de favoriser cette Abbaïe, Pepin lui donna quelques terres, & lui accorda le droit de faire battre monnoïe: ce qui fut confirmé par l'Empereur Charlemagne son fils, qui à la priere de faint Hippolite qui en étoit pour lors Abbé, renouvella tous les privileges de cette Abbaïe. Ce Prince lui soûmit aussi le Prieuré de Beaume ou de faint Romain. Quelques-uns pretendent que ce fut aussi lui qui la maintint dans la possession de celui de Lauconne, ou de S. Lupicin, que Gedeon Archevêque de Befançon vouloit soustraire: mais le P. Mabillon prouve que ce ne fut pas Charlemagne;mais Charles le Chauve qui termina ce differend l'an 862. L'Empereur Frideric Barberousse confirma Archives de auffi à l'Abbaïe de S. Claude le droit de faire battre monnoïe la Chambre des Comptes par ses Lettres de l'an 1184. où il fait ledenombrement des de Dol LetEglifes, Chapelles & Prieurés dépendans de ce Monaftere, tres.n. 138. dans les Diocéses de Lion, de Vienne & de Besançon, qui font en grand nombre. Philippe Duc de Bourgogne dans un Mandement donné à Lille le 9. Mars 1436. fait mention Ibid.n.140 de toutes les graces, franchises & libertés qui avoient été accordées par les Comtes de Bourgogne à cette Abbaïe, & qui n'appartenoient qu'aux Souverains, comme de faire battre monnoïe, de donner des saufs-conduits, des remissions & des graces en crimes capitaux, de legitimer les batards, d'annoblir & autres choses semblables.

Quoiqu'on ne puiffe pas précisément déterminer le tems que la Regle de faint Benoît fut reçuë dans cette Abbaïe, if y a neanmoins bien de l'apparence que ce fut plûtôt sous le regne de Charlemagne dans le huitiéme fiécle, ou au commencement du neuviéme, que dans le dixiéme, quoiqu'en disent les Religieux de cette Abbaïe, qui se font opposés aux nouveaux Statuts faits pour ce Monaftere par M. le Cardinal d'Estrées, en qualité de Commissaire & de Visiteur

CONGRE- Apoftolique, dans l'une de leurs Requêtes presentées au SCANDE Roi en l'Instance qui a été pendante au Conseil de sa Majeftés

GATION

par

puisque dans l'Affemblée d'Aix-la-Chapelle,convoquée
les ordres de Charlemagne l'an 802. on convint que les
Clercs vivroient felon les Canons, & que les Moines auroient
la Regle de faint Benoît pour modele: que par le premier
des Capitulaires du même Prince, faits aussi à Aix-la-Cha-
pelle l'an 804. qui sont plûtôt des questions que l'on pro-
pose, que des obligations qu'on impose, on demande s'il
peut y avoir des Moines, autres que ceux qui suivent la
Regle de faint Benoît : que dans les Conciles d'Arles, de
Châlon fur Saone, de Tours, de Reims & de Mayence,
tenus encore par les ordres de Charlemagne en 813. on y lut
les Canons pour les Clercs,& la regle de saint Benoît pour les
Moines, & qu'il fut ordonné aux Abbés de faire vivre leurs
Religieux, ou felon les Canons, ou sous la regle de saint
Benoît. Mais comme à la verité plusieurs Monafteres ne sui-
virent pas ces reglemens, & que peut être l'Abbaïe de
saint Claude fut de ce nombre, on ne peut au moins dif-
convenir qu'elle n'ait reçu ou la regle de saint Benoît, ou
que l'on n'y ait vêcu, selon les regles prescrites par les Ca-
nons, après l'Assemblée d'Aix-la-Chapelle, tenuë par les
ordres de Loüis le Debonnaire l'an 817. dont nous avons
rapporté les reglemens pour les Moines au Chapitre XV.
d'autant plus que l'Abbaïe de saint Claude, se trouve dans
l'état des Monafteres de l'obéïssance de l'Empereur qui fut
dressé dans le même-tems & qui marquoit les devoirs dont
ils étoient chargés envers ce Prince, l'Abbaïe de saint
Claude se trouvant dans la premiere classe, comme devant
faire des presens à l'Empereur & entretenir de la milice.
De croire que les Religieux de cette Abbaïe eussent vêcu
felon les Canons, c'est-à-dire qu'ils eussent été Chanoines
pour lors, & qu'ils n'eussent embrassé la regle de saint Be-
noît que vers le dixiéme siècle, l'exemple seroit fingulier :
car bien loin de voir des Chanoines embrasser la regle de
saint Benoît, l'Histoire Monastique ne nous fournit au con-
traire que trop d'exemples de Monafteres de l'Ordre de
saint Benoît, dont les Religieux trouvant le joug de la regle
de ce Sainttrop dure, l'ont quittée pour se faire Chanoines,
& d'autres qui trouvant encore la vie des Chanoines Re-

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GATION

guliers trop fevere, se sont entierement secularisés pour se CONGREmieux conformer aux mœurs du fiécle & vivre à leur volon- S. CLAUDE. té. Ainsi il y a beaucoup d'apparence que la regle de saint Benoît étoit reçuë dans l'Abbaïe de faint Claude au commencement du neuviéme fiécle, si elle n'y étoit pas même dès le huitiéme.

Cette Abbaïe bien loin d'avoir été Chef d'un Ordre particulier, comme il y en a qui le prétendent, étoit unie dès le treiziéme siècle avec les Monafteres de l'Ordre de faint Benoît de la Province de Lion, ce qui se fit après la tenuë du IV. Concile general de Latran sous le Pape Innocent III. où il fut ordonné que dans chaque Province, on tiendroit tous les trois ans un Chapitre general de tous les Abbés & des Prieurs des Monasteres qui n'avoient point d'Abbés,& qui n'avoient pas accoûtumé de tenir de pareilsChapitres ; & que dans les premiers Chapitres ils y appelleroient quatre Religieux de l'Ordre de Cîteaux, pour leur apprendre comme il s'y falloit comporter. L'Abbé de saint Claude présidoit à ces Chapitres : car par une Bulle du Pape Innocent IV. de l'an 1252. adressée aux Abbés de saint Benigne de Dijon, & de faint Oyan ou faint Claude, Presidens du Chapitre general de la Province de Lion, qui s'étoient plaints au Pape de ce qu'on ne leur tenoit pas compte des frais considerables qu'ils faisoient pour assembler ces Chapitres generaux, le Pape leur donna pouvoir de contraindre par censures Ecclesiastiques ceux qui étoient obligés de s'y trouver, de les rembourser de leurs frais.

Benoît XII. aïant donné dans la suite des Reglemens sur la discipline qui devoit être observée dans ces Chapitres generaux, par sa Bulle appellée Benedictine, de l'an 1336. ordonna que ceux, ausquels il oblige le Superieur de l'Abbaïe de saint Claude d'assister, seroient composés des Superieurs des Monasteres de l'Ordre de saint Benoît, des Provinces Ecclesiastiques de Lion, de Besançon & de Tarantaise. Ce Pape y distingue trois fortes de Chapitres qu'il veut être tenus dans l'Ordre de saint Benoît, les Provinciaux, les Generaux & ceux des Maisons particulieres. Les Provinciaux étoient les plus folemnels & qui avoient plus d'autorité, puisque les Chapitres generaux leur étoient fubordonnés, & ceux-ci ne devoient être composés que de

CONGRE l'Abbé d'un principal Monaftere, auquel d'autres Abbaïes SATION DE & Prieurés étoient soûmis ; & ceux des Maisons particulieS. CLAUDE. res n'étoient que pour y entretenir la regularité & devoient

se tenir tous les jours. Ainsi les Chapitres generaux tenus dans une Abbaïe particuliere, de laquelle dépendoient plusieurs Monafteres, ne conftituoient pas pour cela un Ordre particulier, qui fût une branche de celui de faint Benoît, tel que ceux de Cluni, de Cîteaux, de Camaldulles, de Vallombreuse, & les autres dont nous parlerons dans la suite: au contraire, ces Maisons n'étoient regardées que comme composant tout l'Ordre de saint Benoît, compris sous le nom d'Ordre des Moines Noirs.

Ce n'est pas que la plupart de ces Monasteres, quoique foûmis à la regle de faint Benoît, & composant tout l'Ordre des Moines Noirs, n'eussent des usages & des pratiques differentes les uns des autres, de même que les differentes Congregations de l'Ordre des Freres Prêcheurs ou de faint Dominique, qui quoiqu'également assujetties à la regle de faint Augustin, & obligées d'affifter aux Chapitres generaux de leur Ordre; ne laissent pas d'avoir entr'elles des usages & des pratiques differentes les unes des autres, & forment neanmoins toutes ensemble l'Ordre de saint Dominique. Il en est de même des differentes Congregations de P'Ordre des Ermites de saint Augustin, & de plusieurs autres Ordres particuliers.

Pendant que ces Chapitres Provinciaux de l'Ordre de faint Benoît, ordonnés par le Pape Benoît XII. se sont exactement afssemblés, l'Observance Reguliere s'est maintenuë dans les Monasteres; mais ceux qui se difpenferent d'y assister, tomberent insensiblement dans le relâchement, & l'Abbaïe de S. Claude fut apparemment de ce nombre. Dès l'an 1271. le Chapitre de Lyon, composé peu d'années auparavant de soixante & quatorze Chanoines, dont l'un étoit fils d'Empereur, neuf fils de Rois, quatorze fils de Ducs, trente fils de Comtes, & vingt fils de Barons, avoit accordé à l'Abbé de saintClaude & à ses successeurs, le droit de Chanoines Honoraires de leur Eglife; ce qui fait croire que cette Abbaïe ne recevoit déja que des personnes de la premiere Noblesse: c'est aussi, selon les apparences, ce qui contribua davantage au relâchement. Car bien loin que

GATION DE

S. CLAUDE.

les Religieux de saint Claude imitassent Carloman, Duc & CONGRE-
Prince des François, & Rachis Roi des Lombards, qui en
se faisant Religieux au Mont-Cassin, s'emploïoient aux plus
vils minifteres, & même à cultiver la terre & la vigne, &
tant d'autres Rois & Princes qui se sont faits plus d'honneur
de l'habit Monachal, que de leurs Sceptres & de leurs Cou.
ronnes: bien loin aussi de suivre l'exemple de Simon, Comte
de Valois & de Mante, Seigneur de Vitri & de Bar-fur-
Aube, qui peu de tems après qu'il eut pris l'habit à saint
Claude, demanda permission à l'Abbé Odon de se retirer
dans une folitude, où il ne vivoit que du travail de ses
mains; plusieurs au contraire crurent que ce seroit faire
tort à leur noblesse, s'ils en abandonnoient les exercices. Plus
occupés de la chasse que de l'Observance de leur Regle, ils
entretenoient dans l'enceinte du Monaftere nombre de che-
vaux, de chiens & d'oiseaux. Ils ne gardoient ni clôture ni
stabilité; ils prenoient des habits seculiers, les jours mêmes
des Fêtes de saint Claude, lorsque le concours du peuple
étoit plus grand en ce lieu ; & rebelles à leurs Superieurs,
ils renoncerent à l'obéïssance qu'ils leur devoient : ce qui fit
que Philippe le Bon Duc de Bourgogne, informé de ces
défordres, en donna avis au Pape Nicolas V. qui, pour y
remedier, nomma l'an 1447. les Abbés d'Autun, de faint
Benigne de Dijon, & de Beaume, pour visiter cette Abbaïe.
Ces Commissaires crurent par l'état où ils trouverent ce
Monaftere, & par les transgressions que commettoient les
Religieux contre la Regle qu'ils avoient voüée, qu'il étoit
necessaire de leur donner de nouveaux Statuts, qui furent
publiés l'année suivante, lesquels portent entr'autres chofes,
que l'on tiendroit tous les ans au Dimanche Cantate ; c'est-
à-dire, le quatriéme après Pâques, un Chapitre General,
selon la forme contenue dans la Bulle du Pape Benoît XII.
auquel assisteroient tous les Prieurs des Maisons dépendan-
tes de cette Abbaïe; que le nombre des Religieux feroit de
trente-fix; qu'ils dormiroient tous dans un Dortoir com-
mun, excepté les Officiers du Monaftere
& ceux qui
avoient la garde du Corps de saint Claude, qui, à raison
de leurs Offices, pouvoient dormir dans leurs chambres,
& les malades dans l'Infirmerie; qu'ils mangeroient aussi
ensemble dans le Refectoire, qu'ils ne pourroient fortir

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