comprendre l'étenduë prodigieuse de cetOrdre & le nombre ORIGINE de ses Monafteres. DES RELI- L'on prétend même que le Pape Jean XXII. qui fut élu BENEDICl'an 1316. & mourut l'an 1334. trouva après une recherche TINES. exacte qu'il fit faire, que depuis la naissance de cet Ordre, il en étoit forti vingt-quatre Papes, près de deux cens Cardinaux, sept mille Archevêques, quinze mille Evêques, quinze mille Abbés infignes, dont la confirmation appartient au saint Siége, plus de quarante mille Saints & Bienheureux, dont il y en a cinq mille cinq cens qui ont été Moines du Mont-Caffin & qui y font enterrés. Voiez Antonio Yepes, Chronica General de la Orden de S. Benito. Gabriel Bucelin, Annal. Benedict. & Menolog. Benedictinum. Bulteau, Hist de l'ord. de Saint Benoît. Arnold Wion, Lignum Vita. Joann. Mabillon, Pref. act. SS. facul. I. IV. & V. Le même, Annal. Benedict. Tom. I. & Veter. analect. Tom. 3. Hæstenius Disquifit. Monast. I De l'Origine des Religieuses Benedictines. L n'est pas aisé de fixer au juste l'époque de l'origine des Religieuses Benedictines: les Historiens les plus exacts ne font nullement d'accord sur le tems qu'elles ont commencé ; les uns voulant qu'il y ait eu des Monasteres reglés & formés du vivant même de saint Benoît ; les autres beaucoup de tems après. Il est vrai que saint Gregoire le Grand nous rapporte dans la vie de ce grand Patriarche, deux faits affez curieux & affez particuliers, qui pourroient faire croire qu'il y avoit de son tems des Monasteres de Religieuses, sur lefquels il avoit une entiere autorité. Le premier est une reprimande très severe qu'il fit à un de ses Religieux, qui avoit reçu sans sa permission quelque mouchoir pour fon usage, de quelques Religieuses qui demeuroient dans un bourg à quelque distance du Mont-Caffin, que le faint Abbé avoit confié à sa direction & à sa conduite. La seconde est de deux Religieuses de noble famille,comme parle saint Gregoire, dont un homme de pieté vint faire Tome V. ORIGINE NES. de grandes plaintes à saint Benoît pour le peu de reconnoifDES RELI- sance qu'elles avoient des biens qu'il leur avoit faits, & pour BENEDICTI leur indifcretion & leur mauvaise maniere d'agir. Sur ces plaintes, Saint Benoît envoïa dire de sa part à ces Religieuses ces propres paroles: Retenez vôtre langues carsi vous ne vous corrigez, je vous excommunie. En effet, ces Religieuses étant mortes quelque tems après, & aïant été enterrées dans l'Eglise, sans avoir profité des bons avis du saint Abbé, & fans s'être corrigées de leur indifcretion & de leurs mauvaises manieres;comme l'on y celebroit la Messe & que le Diacre, suivant l'usage, dit à haute voix, Si quelqu'un ne communie pas, qu'il se retire; leur Nourrice qui avoit coûtume de présenter pour elles une offrandeau Seigneur, étonné de ce qu'à la voix du Diacre, elle les voïoit fortir de leurs tombeaux, & aller hors l'Eglife; & se souvenant de ce que saint Be noît leur avoit fait dire pendant qu'elles étoient en vie; elle lui fit sçavoir ce fâcheux évenement, qui aïant excité la compaffion du faint Abbé, il donna à ceux qui l'étoient venu trouver, une offrande, & leur dit : Allez, & faites préSenter pour ces Religieuses cette offrande au Seigneur, & elles ne seront plus excommuniées. En effet, cette offrande aïant été ainsi présentée pour elles, lorsque le Diacre vint dire à haute voix à l'ordinaire : Que ceux qui ne communient point, fortent de l'Eglife: elle ne les vit plus fortir comme auparavant ; & connut clairement, que puisqu'elles ne se retiroient plus, elles participoient spirituellement aux faints Mysteres, & avoient reçu de Dieu par l'entremise de son Serviteur le pardon de leur désobéïffance, & la grace de la Communion des Saints. Cependant il est difficile de sçavoir si ces Religieuses, dont parle faint Gregoire, vivoient dans des Monasteres, ou dans leurs maisons particulieres car dans ces tems-là, on en voïoit quelques-unes enfermées dans des Monafteres, mais quine gardoient pas une si exacte clôture, qu'il ne leur fût permis d'en fortir quelquefois pour des causes raisonnables, ou pour quelque utilité; d'autres qui demeuroient dans leurs maisons particulieres, dont elles pouvoient sortir quand bon leur fembloit; d'autres enfin qui étoient recluses & qui ne pouvoient fortir du lieu de leur réclusion, puisque la porte en étoit murée. Les Historiens de l'Ordre de faint Benoît ont été fort GIEUSES BE NES. partagés sur ce sujet : les uns n'ont point fait difficulté d'a- ORIGINE vancer que les premieres, dont a parlé saint Gregoire, demeuroient dans un Monastere que le Saint avoit fait bâtir dans NEDICTI ce Bourg, qui n'étoit pas éloigné du Mont-Caffin, quec'étoit dans ce lieu que fainte Scholastique avoit fait profeffion de la Vie Religieuse, & que même elle avoit gouverné cette Communauté: mais le Pere Mabillon toûjours exact, n'ofe pas l'assurer: il trouve seulement que la conjecture est assez probable: pour Yepes, il dit positivement que fainte Scholastique fonda ce Monastere l'an 532. & qu'elle y vêcut selon les regles qui lui furent prescrites par saint Benoît. Il ajoûte que ce lieu s'appelloit Piombarole, éloigné du MontCassin de quatre milles. Quant à ces Religieuses qui furent excommuniées par saint Benoît, il y en a qui ont cru qu'elles étoient du nombre de celles qui demeuroient dans leurs maisons particulieres & ne vivoient point en Communauté: mais ils ne peuvent se perfuader qu'elles n'aïent pas été soûmises à faintBenoît, qui n'auroit pû les excommunier s'il n'avoit eu quelque jurisdiction sur elles:c'est neanmoins ce que le P.Mabillon n'ose encore assurer, laissant à un chacun la liberté d'en penser ce qu'il voudra. Pour ce qui est dePiombarole, ce sçavant Benedictin a trouvé un ancien Manufcrit de plus de 800. ans, dans lequel il est fait mention de deux Monasteres dont l'un avoit été bâti pour des hommes sous l'invocation de la sainte Vierge, & l'autre pour des filles sous le nom de sainte Petronille; mais il ne subsistent plus, ce lieu n'étant presentement qu'une métairie qui appartient à l'Abbaïe du Mont-Caffin. Le tems de la fondation de ces Monasteres n'est point marqué dans ce Manuscrit, & c'est sans aucune preuve qu'Yepes a dit que le Monastere de Piombarole avoit été fondé par sainte Scholastique l'an 532. quoiqu'il soit vrai de dire, suivant l'ancienne tradition de l'Ordre, que c'étoit à Piombarole que cette Sainte demeuroit,ce qui ne prouve pourtant pas qu'elle y ait fondé un Monaftere, ceux dont nous avons parlé pouvant avoir été bâtis après sa mort. On ne peut donc rien dire de certain touchant la veritable origine des Religieuses Benedictines: il y a même sujet de croire que ce n'est qu'après la mort de saint Benoît que quel ORIGINE ques Monasteres de filles voulurent suivre sa Regle; puifDES RELI que s'il y avoit eu des filles qui l'eussent suivi de fon vivant, NEDICTI NBS il en auroit fait mention dans sa Regle qui n'a été faite que pour des hommes. Le Pere Mabillon reconnoît bien que sainte Scholastique a été Religieuse; puisqu'elle est appellée Sanctimonialis par S. Gregoire:il la regarde même comme là mere & la conductrice des Religieuses Benedictines ;mais en même-tems il avouë qu'il n'est pas certain si elle a eu d'abord des Disciples & des Compagnes qui aïent suivi son Institur. Le plus ancien Monaftere de filles que nous aïons en France, qui suive présentement la Regle de saint Benoît, est celui de sainte Croix de Poitiers, que fainte Radegonde, femme de Childebert I. Roi de France, fit bâtir l'an 544. mais il est certain que la Regle de saint Cesaire y fut d'abord observée. Sainte Clotilde veuve de Clovis I. aussi Roi de France, fit bâtir peu de tems après celui de Chelles près Paris, mais il y a bien de l'apparence que laRegle de S. Benoît n'y fut pas reçuë, puisque ce Monastere aïant été ruiné, & Ste Batilde femme du Roi Clovis II. l'aïant fait reparer, elle y fit venir des Religieuses du Monastere de Joüarre où l'on gardoit la Regle de faint Colomban, auffi bien que dans la plupart des Monasteres qui furent fondés dans le septième siécle, comme dans ceux de Remiremont & de Faremoutier qui ont reçu depuis celle de saint Benoît. Il est vrai que le IV. Concile d'Orleans tenu l'an 549. ordonne, que les filles qui auront été offertes par leurs parens dans leur bas âge,ou qui viendront volontairement dans les Monasteres où elles doivent être enfermées, demeureront pendant une année en habit seculier, après laquelle elles recevront l'habit de Religion ; & que dans les Monafteres où l'on ne garde pas la clôture, elles demeureront trois ans en habit seculier, devant être plus éprouvées à caufe qu'elles devoient être plus exposées; ce qui semble en quelque façon conforme à la Regle de saint Benoît où il est parlé de l'oblation des enfans & de l'épreuve des Novices; mais comme il est aussi parlé de l'oblation des enfans dans la Regle de saint Basile & dans plusieurs autres ; le Pere Mabillon n'a pas voulu tirer de là une conféquence, qu'il y eût dès ce tems-là des Monafteres de Religieuses Benedictines, dont il ne met l'origine que vers l'an 620.auquel tems il croit |