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GATION DE

CONGRE du Vendredi-Saint dans leur Eglife. Quelques-uns croïent S. CLAUDE. que c'eft en vertu d'une Bulle qui leur a été accordées; mais entre deux cens cinquante que Ruffi témoigne avoir vûë, il dit n'en avoir trouvé aucune qui en faffe mention : de forte que, felon cet Auteur,il faut plûtôt l'attribuer à une ancienne coûtume qui s'eft confervée fans interruption jufqu'aujourd'hui. Les Seculiers n'y peuvent pas communier que par une permiffion expreffe du Pape, comme il y en a un exemple en la perfonne de Renée de Rieux Baronne de Caftellane, à qui Clement VIII. par un Indult donné à Rome le premier Juin 1591. permit de communier le jour du VendrediSaint dans l'Eglife de cette Abbaïe: ce même Pape la fit auffi participante de toutes les prieres & de toutes les bonnes œuvres des Religieux.

Joan. Bapt. Guefnai, Maffilia facra, & S. Joann. Caff. Illuft. five Chron. Monaft. S. Victoris. Ruffi. Hiftoire de Marfeille, Tom. II. liv. II. Mabillon, Annal. Bened. Robert & Sainte-Marthe, Gallia Chriftiana; comme auffi les Arrêts du Confeil d'Etat qui ont été donnés pour la réforme de cette Abbaïe.

CHAPITRE XVII.

De la Congregation de faint Claude', anciennement de
Condat & de faint Oyan, du Mont-Jura au Comté de
Bourgogne.

N

Ous ne prétendons point par le titre de Chef d'Ordre & de Congregation que nous donnons à la noble & celebre Abbaïe de S. Claude, appuïer le fentiment de ceux qui foûtiennent qu'elle a toûjours fait avec fes Membres qui en dépendent, un Ordre particulier & feparé : nous ne la regardons au contraire que comme un de ces Monasteres que l'on n'appelloit dans l'Ordre de faint BenoîtChefs d'Ordre, que parce qu'ils avoient dans leurs dépendances plufieurs Maifons & Prieurés Conventuels. Cette prérogative lui étoit commune avec les Abbares de Marmoutier, de Fleuri, ou de faint Benoît fur Loire, de faint Benigne de Dijon, de Fuldes,de Lerins, & de faint Victor de Marseile, dont nous avons déja parlé, & avec celles de Sauve-Majour,

GATION DE
S. CLAUDI.

de Cave, de Saffo- Vivo, de Cluze, & quelques autres dont CONGRE nous par erons dans la fuite; & les mêmes raifons qui nous ont porté à ne parler de l'Abbaïe de faint Victor, qu'après avoir rapporté les Reglemens faits au Concile d'Aix-laChapelle l'an 817. nous obligent d'en user de même à l'égard de celle de faint Claude.

Cette Abbaïe, que l'on appelloit anciennement de faint Oyan & de Condat, reconnoît pour Fondateur S. Romain, qui vers l'an 425. fe retira dans les deserts du Mont-Jura en Bourgogne, où il vêcut en Ermite dans un lieu appellé Condat,à caufe de la jonction des rivieres de Bienne & d'Aliere qui fe fait en cet endroit, les anciens Gaulois appellant Condat, ce que nous appellons Conflant. Quelques années après fon frere Lupicin averti par une vifion, alla fe joindre à lui; enfuite deux Ecclefiaftiques, & quantité d'autres perfonnes fe rendirent auprès d'eux, & fe foûmirent à leur conduite. La fterilité de la montagne obligea ces Solitaires de fe retirer dans un lieu voifin plus commode, où la terre leur fournissant plus abondamment leurs befoins, ils y jetterent les fondemens d'un Monaftere, qui ne peut avoir été bâti que vers l'an 430. Le nombre des Solitaires augmentant de jour en jour, ils furent obligés d'en bâtir un fecond, éloigné de celui de Condat de deux milles, dans un lieu appellé Lauconne, & ces deux Communautés étoient indifferemment gouvernées par les deux freres Romain & Lupicin,quoique d'humeur differente: l'un étant très severe & très exact, l'autre au contraire ayant beaucoup de douceur & de facilité. Ils en bâtirent un troifiéme dans ces montagnes pour des filles que l'on appella de Beaume ou de la Roche, le mot de Beaume étant encore un vieux motGaulois,qui fignifie Roche. Leur four, qui avoit auffi fuivi leur exemple, y gouverna une Communauté de cent cinq Religieufes, qui gardoient une continuelle & exacte clôture. On ne les voïoit jamais que pour les porter en fepulture dans le Cimetiere; & quoique ce Monaftere fût bâti fort proche de celui de Lauconne, où la plupart de ces Religieufes avoient leurs parens ou leurs freres, on ne permettoit point aux Religieux de ce Monaftere de parler à leurs parentes. Mais ce lieu étant trop defert pour pouvoir fournir la fubfiftance à ces Religieufes, elles l'abandonnerent peu de tems après ; & comme faint

GATION DE

CONGRE Romain y fut enterré, il a été changé depuis en un Prieuré, S. CLAUDE. qui a confervé fon nom jufqu'à prefent, & qui eft uni à la Dignité de Grand Prieur de l'Abbaïe de faint Claude. Ce Saint bâtit encore un quatriéme Monaftere en Allemagne, dans le païs de Vaux proche Laufane, qui fut auffi appellé de fon nom Roman-Mouftier.

Comme ce Saint en fe retirant dans la folitude du MontJura avoit apporté avec lui les Institutions de Caffien, il y a bien de l'apparence qu'elles fervirent de Regles à ces Solitaires de Condat, & des autres Monafteres dont nous venons de parler; mais principalement dans celui de Condat, où la vie étoit très auftere. On n'y mangeoit point de viande ; on n'y bûvoit point de vin, & fi l'on permettoit le lait & les œufs, ce n'étoit qu'aux malades. Du pain émietté dans de l'eau froide, que l'on prenoit ave une cuilliere, étoit leur mets le plus ordinaire. Leur habillement étoit fort pauvre, ils fe contentoient d'une tunique faite de peaux de diverfes bêtes. Dans l'enceinte du Monaftere ils portoient des foques ou fandales de bois, & prenoient feulement des fouliers,lorfqu'ils étoient obligés de fortir pour le fervice du prochain. Telle étoit la maniere de vivre des Religieux de Condat, que faint Lupicin gouverna feul après la mort de faint Romain, qui arriva l'an 460. ou environ.

Il femble qu'il n'y avoit dans le Monaftere de Condat, que ceux qui defiroient tendre à une plus grande perfection, & imiter en tout les Solitaires de l'Egypte car à leur exemple ils demeuroient dans des cellules feparées les unes des autres ; & il y en avoit plufieurs d'entr'eux qui étoient arrivés à une fi grande fainteté, qu'ils avoient le don des miracles. Mais quoique faint Lupicin fût d'une aufterité furprenante, & que ces Religieux de Condat ne pratiquaffent que les mortifications dont il leur donnoit l'exemple; il ufoit neanmoins de plus grande indulgence envers ceux du Monastere de Lauconne. Ils ne fubfiftoient pas feulement du travail de leurs mains ; car le faint Abbé les nourriffoit de l'argent d'un tréfor que Dieu lui découvrit. Comme ce tréfor étoit caché dans le defert,il ne le tranfporta point dans le Cloître; mais fans en parler à perfonne, il y prenoit chaque année ce qu'il falloit pour l'entretien de fa Communauté, cela ne fufffant pourtant pas pour tous leurs befoins. Saint Lupicin reprefenta

S. CLAUDE

reprefenta à Chilperic Roi de Bourgogne, que fes Religieux CONGRE manquoient quelquefois des chofes neceffaires. Ce PrinceSATION DE lui offrit des terres & des vignes ; mais il le remercia, ne voulant pas les accepter, de crainte que les richesses n'infpiraffent de la vanité à ses Disciples: ce qui fit que le Roi ordonna qu'on lui donnât tous les ans trois cens mesures de bled, & autant de vin pour la nourriture de fes Religieux, & cent pieces d'or pour leur acheter des habits. Ainfi comme la vie étoit moins auftere au Monaftere de Lauconne qu'à celui de Condat, le nombre des Religieux y étoit aussi plus grand; ils étoient cent cinquante lorfque faint Lupicin y mourut, vers l'an 480. Il fut enterré dans ce Monaftere qui a porté depuis fon nom, comme celui de Beaume a pris celui de faint Romain, à caufe qu'il y avoit eu auffi fa fepulture. Saint Injurieux,onziéme Abbé de Condat, fit lever de terre l'an 648. les corps de ces deux Saints, pour les mettre dans l'Eglife de fon Abbaïe. Il crut au moins y avoir fait porter celui de faint Lupicin mais on a reconnu depuis qu'il s'étoit trompé : car fur la fin du dernier fiécle, comme on ôta le maître Autel de l'Eglife de Lauconne pour aggrandir le chœur, en foüillant dans les fondemens, on y trouva des offemens & la tête d'un corps, qui par l'infcription qui y étoit, fut reconnu pour être celui de faint Lupicin, après que l'on eût confulté fur cela l'Archevêque de Befançon, le Pere Mabillon, & d'autres perfonnes fçavantes.

Aprés la mort de faint Lupicin, Minaufe lui fucceda dans le gouvernement de Condat, & l'on mit un autre Abbé à Lauconne: mais comme Minaufe étoit infirme, il demanda pour Coadjuteur faint Oyan, qui donna toute une autre: forme à ce Monaftere. Il y abolit les pratiques des Orientaux. Il fit abbattre toutes les cellules particulieres, & raffembla tous les Religieux dans un même dortoir, n'aïant accordé des cellules & une table particuliere qu'aux malades. Perfonne n'y avoit rien en propre. La lecture & l'oraifon s'y faifoient en commun, il retrancha même beaucoup des premieres aufterités, quoiqu'il fût trés austere lui-même:: car quoique fes Religieux fiffent quelquefois deux repas par jour, il ne mangeoit qu'une fois. Il établit dans fa Communauté l'ufage de faire la lecture au refectoire. Telle fut la maniere de vivre des Religieux de Condat fous leurs preX

Tome F.

pour

S. CLAUDE.

CONGRE- miers Abbés, qui quoiqu'ils n'affectaffent pas entierement GATION DE de fuivre les coûtumes des Orientaux, ne laifferent pas de faire lire à leurs Religieux les Regles de faint Pacôme & de faint Bafile, les Inftitutions de Caffien, & même les coûtumes des Moines de Lerins qui fuivoient, comme nous avons dit, la Regle de faint Macaire. Ces premiers Abbés de Condat eurent des Difciples que l'Eglife honore & dont elle fait la fête, comme faint Pallade, & faint Sabinien, qui vêcurent fous le gouvernement de faint Romain, faint Antidiole & faint Valentin, fous celui de faint Oyan. Ce faint Abbé mourut l'an 510. & aïant été enterré à Condat, ce Monaftere prit fon nom peu de tems aprés que le monaftere de Beaume avoit pris celui de faint Romain & Lauconne celui de faint Lupicin. Condat portoit encore le nom de faint Oyan dans le douziéme fiécle; mais les frequens miracles qui fe font faits, & qui se font encore tous les jours au tombeau de faint Claude, Archevêque de Befançon, puis Religieux & Abbé de cette Abbaïe, où il fut enterré l'an 696. & où fon Corps s'eft confervé jufqu'à prefent fans corruption, lui firent donner dans la fuite le nom de faint Claude, qu'elle porte encore aujourd'hui,

Saint Oyan eut auffi plufieurs fucceffeurs dans le Gouvernement de cette Abbaïe, qui font reconnus pour faints: tels furent faint Antidiole, dont nous avons déja parlé, qui fit bâtir une Eglife fur le tombeau de faint Oyan: faint Olympe qui fit venir à Condat des feculiers, aufquels, fous certaines redevances, il donna des places pour bâtir des maifons, qui ont formé le bourg que l'on y voit à préfent: Saint Sapient qui fit bâtir une Chapelle, qu'il dedia à faint Etienne premier Martyr, pour fervir de Paroiffe aux habitans de Condat : faint Thalaife, faint Dagaumond, faint Auderic, faint Injurieux, faint Ruftique, faint Claude, faint Anfrede, faint Hippolite, & faint Wulfued, comme porte une ancienne Chronique de ce Monaftere, qui fe trouve à la fin du premier volume des Annales Benedictines du Pere Mabillon.

La fainteté de tous ces Abbés, fit que les Papes, les Empereurs, les Rois, les Princes & plufieurs Seigneurs, donnerent à cette Abbaïe des marques de leur pieté & de leur liberalité. Mais fes revenus étant déja fort diminués, lorsque

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