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MENS DU

D'AIX-LA

REGLE- dant plufieurs jours; il devoit fe reposer entierement pour CONCILE l'adminiftration de fes biens fur fes parens, fans s'en inquiéter aucunement; & après l'année de fa probation, il pouvoit en difpofer fuivant l'efprit de la Regle. Il ne devoit prendre l'habit qu'en faisant fon vœu d'obéïffance, qui étoit le feul qu'on faifoit en ce tems-là, dont on trouve encore quelques Formules.

CHAPELLE.

Il étoit permis aux peres & aux meres d'offrir leurs enfans aux Monafteres, & de faire pour eux la demande publique aux pieds des Autels; mais fi ces enfans étoient offerts fi jeunes, qu'ils ne fuffent pas en état de comprendre la grandeur de leur engagement, l'oblation ne devoit point être cenfée valable, à moins qu'elle ne fût ratifiée par celui qui avoit été offert lorfqu'il étoit parvenu à l'âge de difcretion. Il ne devoit point y avoir d'autre Ecole dans le Monaftere que pour ces enfans, qui pour leur grande jeunesse, avoient encore befoin d'éducation & d'inftruction: car pour les Ecoles qui étoient exterieures & publiques, elles étoient uniquement pour les perfonnes du dehors.

Conformément à ces Reglemens, l'Abbé devoit fe contenter de la portion ordinaire des Religieux pour fa nourriture, avoir le même habillement, n'être pas mieux couché que les autres, & travailler comme eux aux offices de la Maifon,pour montrer l'exemple. Il ne pouvoit point manger avec les Hôtes à la porte du Monaftere,, mais feulement dans le Refectoire,& il pouvoit augmenter de quelque chofe les portions à leur confideration. Il femble qu'en cela ces Statuts aïent dérogé à la Regle, qui ordonne que la table de l'Abbé fera toûjours avec les Hôtes & les Etrangers. Le Pere Mabillon n'eft point fur cela du fentiment du Pere Hugues Menard, qui a prétendu que cela devoit s'entendre du Refectoire commun, & dit que fi l'on confere ce Chapitre des Reglemens d'Aix-la-Chapelle avec le quarantedeuxième, où il eft défendu d'introduire un Laïque au Refectoire pour y boire ou manger; on demeurera d'accord que ces Reglemens ont pretendu parler premierement des Moines, peut-être même des Clercs qui pouvoient être introduits au Refectoire, mais non pas des Seculiers. L'Abbé ne devoit point non plus vifiter les metairies fans neceffité,ni y laiffer aucun Religieux pour les garder. S'il y avoit des Pricu

DU

CONCILE

CHAPELLE

rés de la dépendance de fon Monaftere, il devoit y mettre fix REGLE Religieux au moins, ou des Chanoines; c'eft-à-dire, des MENS Ecclefiaftiques qui vêcuffent en commun. On devoit user D'AIX-LAde punition corporelle pour les Religieux qui s'écartoient de leur devoir, & qui ne vouloient pas fe reconnoître ; mais on ne pouvoit les fuftiger nuds à la vue des Freres, comme il avoit été pratiqué long-tems; & ceux qui étoient en pe nitence pour de grandes fautes, devoient avoir un logement feparé, avec une cour où ils puffent travailler à quelque ouvrage qu'on leur impofoit, n'aïant de relâche que les Dimanches,qu'ils devoient emploïer à la priere.

Pour l'habillement, ces Statuts accordoient à chaque Religieux deux chemises de ferge, deux tuniques, deux chapes, deux cucules, deux paires de caleçons, quatre paires de fouliers pour le jour, des pantoufles pour la nuit, deux paires de chauffons, un roc, deux peliffes qui devoient defcendre jufqu'aux talons, deux bandelettes dont ils se servoient dans les voïages, des gants en Eté, des moufles en hyver, auffi bien que des fandales de bois & du favon. Ainfi ces Statuts leur en accorderent beaucoup plus qu'il n'eft porté par la Regle de faint Benoît, où il n'eft point fait mention de chemises, de chapes, de rocs, de peliffes, de bandes, de gants, de moufles, de fandales dé bois, de favon, ni d'aucune autre onction.

Les fandales de bois étoient autrefois en ufage parmi les Moines de France, les Chapes étoient des habillemens qui descendoient jusqu'aux talons, la Cucule dont il eft parlé dans ces Reglemens n'étoit autre que le Scapulaire qui n'avoit point de manches, & qui entouroit le corps jufqu'aux reins: il étoit quelquefois fendu par les côtés : il y en avoit auffi qui ne l'étoient pas, ils ne devoient avoir que deux coudées, ou tout au plus ils devoient defcendre aux genoux: le roc étoit un vêtement de lin pour les Clercs, & de laine pour les Moines, qui entourroit les épaules, & les bandes fervoient à lier les haut de chauffes ou calçons & les bas.

Quant à la nourriture, ils devoient faire deux repas les jours de Fêtes: & aux grandes Solemnités, c'est-à-dire, à Noël & à Pâques, quatre jours durant on pouvoit manger de la volaille; mais elle étoit defendue dans tout le refte de l'année. On ne mangeoit ni fruits ni herbes hors les repas.

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REGLE- On devoit diftribuer dans le Refectoire les Eulogies, parce. c'étoit la coûtume dans les Monafteres que tous les ReCONCILE que D'AIX-LA- ligieux offroient à la Meffe Conventuelle des pains, dont on CHAPELLE. en confacroit une partie pour communier quelques Freres,

& les autres étoient feulement benis, pour être distribués au Refectoire à ceux qui n'avoient pas communié, & qui devoient commencer par manger ce pain avant que de prendre leur repas ce qui fut encore ordonné dans ce Concile d'Aix-la-Chapelle. On permettoit la graiffe dans la nourriture des Freres: la livre de pain portée par la Regle, devoit pefer trente fous, le fou étant de douze deniers : ce qui pouvoit revenir à quatorze onces étant cuit, en ne prenant que la livre commune, & feize à bon poids, conformément à la Regle qui dit: Panis libra una propenfa fufficiat in die ; c'eft ce qui fera expliqué dans la fuite. Au lieu de l'hemine de vin, on donnoit aux Freres le double de biere, aux lieux où le vin étoit rare. Le Vendredi Saint on ne devoit prendre que du pain & de l'eau, & fi le travail y obligeoit, on pouvoit boire après le repas du foir, même en Carême. Ce Reglement, qui ordonnoit qu'on ne mangeroit de la volaille qu'aux Fêtes de Noël & de Pâques,ne fut fait qu'à caufe qu'il y avoit plufieurs Religieux qui croïoient que Regle permettoit d'en manger, aïant feulement parlé de l'abstinence de la viande d'animaux à quatre pieds, & n'aïant point defigné celle de la volaille; & comme il y en avoit même parmi les plus fçavans qui étoient de ce fentiment,ce fut par une elpece de condefcendance que le Concile accorda qu'on en mangeroit dans ces deux Fêtes quatre jours durant, & modera l'indulgence de ceux du MontCaffin, qui le permettoient ces deux Fêtes pendant huit jours: ce qui fait voir, dit le Pere Mabillon, que les Peres de ce Concile n'accorderent cette grace que malgré eux, comme croïant cet ufage contraire à la Regle; & laifferent à l'Abbé & aux Religieux la liberté de s'en abstenir s'ils le vouloient.

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Ce fçavant Religieux fait auffi remarquer, au fujet de la graiffe qui étoit permife dans la nourriture des Freres, que, felon ce qui eft rapporté par l'Auteur anonyme de la Vie de faint Meinwerc, Evêque de Paderborn, & par Orderic Vital, au Liv. 8. de fon Hiftoire, il étoit permis aux Religieux

encore confirmé

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CHAPELLE

de France d'ufer de graiffe au défaut d'huile: ce qui eft REGLE par un autre Auteur anonyme, qui appelle CONCILE cette graiffe de l'huile de lard. Selon ce que dit auffi le D'AIX-LAMoine de faint Gal,qui a écrit la Vie de l'Empereur Charlemagne, on pouvoit en manger en ce tems-là le Vendredi : car il rapporte que logeant chez un certain Evêque un Vendredi, & n'aïant pas voulu manger de la viande ce jour-là, ni d'animal à quatre pieds, ni de volaille, & ce Prélat n'aïant point de poiffon à lui donner, fit fervir un trés bon fromage, avec de la graiffe de viande. L'abus de manger de cette graiffe le Vendredi, duroit encore à Cluni du tems de Pierre le Venerable, qui l'abolit avec beaucoup de prudence & de raison.

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Pour éclaircir ce qui eft dit dans ce Reglement, que livre de pain devoit être de trente fous, & le fou de douze deniers, plufieurs Auteurs (dit le P. Mabillon) fe font fatigués pour donner une interpretation à ces paroles, & ne fe font point accordés dans leurs fentimens. Celui qui paroît avoir le plus approché de la verité, eft Antoine Yepés, qui dit que les Peres du Concile prefcrivirent ainfi le poids de la livre, pour fe conformer à l'usage des François,qui avoient accoûtumé de compter la livre de compte par vingt fous,& le fou par douze deniers ; ce qu'ils pratiquoient auffi à l'égard de la livre de poids: ainfi cet Auteur a cru que la livre de pain devoit pefer une livre & demie avant que d'être cuit, & une livre parifis après la cuiffon: c'eft ce qu'il appelle la livre de poids, dont il eft parlé dans la Regle, Libra panis propenfa. Le Pere Mabillon rapporte enfuite le témoi gnage du P. Lancelot, qui a remarqué que fuivant les Loix Lancelot, de France un denier étoit la vingtiéme partie d'une once, & Differt. fur que douze deniers faifoient un fou: de forte que trois on l'hemine de ces faifoient cinq fols, & douze onces une livre de vingt vin, & la fous,le fou étant de 12. deniers. D'où le P.Mabillon conclut, pain de S. que les Peres du Concile d'Aix-la-Chapelle aïant ordonné Benoît. que la livre de pain avant la cuiffon, feroit de trente fous par douze deniers, il devoit pefer dix-huit onces avant que d'ê tre cuit, quatorze ou feize étant cuit; quatorze fi c'étoit une livre commune ou legere, & feize à bon poids. C'est auffi le fentiment d'Hildemar, l'un des anciens Commentateurs de la Regle, qui dit que la livre doit être de vingt-deux

livre de

REGLE

fous quand le pain n'est être reduit à vingt cuit pas , pour MENS DU fous après la cuiffon. Ce qui s'entend de la livre commune, CONCILE mais non pas de la livre Benedictine, qui eft à bon poids. CHAPELLE. Pour l'hemine de vin, nous avons déja dit en d'autres endroits, que c'étoit un demi-feptier, du poids de huit onces, felon le fentiment du P. Mabillon.

D'AIX-LA

Tels furent les principaux articles des Reglements faits pour l'Ordre de faint Benoît, qui fut approuvé dans le Concile d'Aix-la-Chapelle en préfence de l'Empereur qui envoïa dans tous les Monafteres des vifiteurs pour les faire obferver, & qui établit faint Benoît d'Aniane, comme nous avons dit, Chef & General de tous les Monafteres de France. Ces Statuts ou Reglemens, furent depuis en fi grande veneration, même dans le Mont-Caffin, qu'on les y gardoit prefque auffi exactement que la Regle même.

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Saint Benoît d'Aniane voïant que quelques-uns emploïoient des prieres & des préfens pour tâcher d'obtenir les Abbaïes qui fervoient de retraite aux Moines,& qu'après en être pourvû, ils appliquoient à leur ufage particulier, les revėnus deftinés pour la fubfiftance des Religieux, ce qui avoit caufé la ruine de plufieurs Monafteres, & en avoit fait paffer d'autres dans les mains des Clercs feculiers, il obtint de l'Empereur que l'on ne mettroit que des Abbés reguliers dans tous les Monafteres qui étoient encore en état d'en avoir. Ce Prince accorda auffi au faint Abbé, que les Monasteres qui étoient obligés de faire des préfens à l'Empereur, & d'entretenir des gens de guerre & qui n'avoient fuffifamment de revenus, pour nourrir les Religieux & s'acquitter entierement de ces Charges, s'en acquitteroient feulement felon leur pouvoir, & fans que pour y fatisfaire entierement on fut réduit à rien retrancher de ce qui étoit neceffaire pour la nourriture des Religieux. Ce faint s'étant entremis auprès de l'Empereur pour le foulagement de ces pauvres Communautés, on dreffa dans le même Concile d'Aix-la-Chapelle un état des Monasteres de l'obéïffance de ce Prince pour marquer les devoirs dont ils étoient chargés envers lui, & on en fit trois claffes : les uns devoient des dons & le service de guerre, d'autres des dons feulement, & les derniers ne devoient que des prieres. Ainfi tous les Mo masteres avoient un Protecteur en la personne de faint Be

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