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NE CON

TION DE

aprés que la ville de faint Denis, qu'ils affiégeoient leur eut ANCIEN été renduë par capitulation. Les Calviniftes n'eurent pas GREGAplus de refpect pour ce Monaftere. Car en 1562. étant entrés S.DENISEN dans la même ville de faint Denis, où ils profanerent plu- FRANCE. fieurs Eglifes, ils endommagerent la plupart de fes bâtimens, prirent prefque tous les ornemens d'Eglife, dépouillerent les Chaffes des Saints, de l'or, de l'argent, & des pierreries dont elles étoient couvertes, emporterent & difperferent les Livres de fa riche Bibliotheque, qui étoit remplie de quantité d'anciens Manufcrits, & ils n'en feroient pas refté là, fi le Prince de Condé, l'un de leurs chefs, qui aimoit cette Abbaïe, parce qu'il y avoit été élevé, n'eût arrefté leur fureur, en faifant punir une douzaine des principaux auteurs de cet attentât. Mais ce ne fut pas là la derniere de fes difgraces; car (fans parler de celle qu'elle reçut de la Ligue en 1590. par l'infolence des Soldats, qui non contens d'y avoir commis plufieurs indignités, déroberent jufqu'au plomb de l'Eglife, le Duc de Nemours qui manquoit d'argent pour defendre Paris, refolut d'en faire aux dépens du Tréfor de cette Abbaïe, qui étoit gardé chez les Religieux de Sainte Croix de la Bretonnerie, en tira par un Arrêt du Confeil d'Etat, rendu le 28. Mai 1590. un Rubis eftimé vingt-mille écus, & un Crucifix d'or pefant plus de dix-neuf marcs que l'Abbé Suger y avoit mis. Iln'y eût pas jufqu'au Prévôt des Marchands, conjointement avec les Echevins de Paris, qui voulant en enlever toute l'argenterie, firent rompre les ferrures, & emporterent fix lampes d'argent, dont la plus groffe qui venoit d'Efpagne, pefoit plus de quatre-vingttreize marcs, quatre figures d'Anges, & un benitier d'argent, le tout pefant deux cens quinze marcs. Mais prefentement cette fameufe Abbaïe s'eft remife de toutes ces pertes, avec tant d'avantage,qu'il feroit difficile de les croire,fi l'Hiftoire ne nous en affuroit.

Voiez Doublet & le P. Felibien, Hiftoire de cette Abbaïe. Sainte-Marthe, Gall. Chrift. Mabillon, Annal. Benedict. &c.

CONGREGATION DE LERIN S.

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De la Congregation de Lerins, où il eft parlé des Religieufes de faint Honorat de Tarafcon, & de celles de Marmunfter ou MoiZevaux,

L

fon

'ABBAIE de Lerins l'une des plus celebres & des plus anciennes de France, qui a été un Seminaire de faints Prélats & d'Abbés, qui ont gouverné la plupart des Eglifes & des Monafteres de ce Roïaume, ne reçut la Regle de faint Benoît que dans le feptiéme fiécle: encore y fut-elle obfervée d'abord conjointement avec celle de faint Colomban. Cette fameuse Abbaïe, autrefois chef de Congregation fut fondée, non pas l'an 375. comme quelques-uns l'ont avancés mais l'an 410. par faint Honorat qui fut dans la fuite Evêque d'Arles. On ignore le lieu de la naiffance de ce faint Fondateur; on croît qu'il étoit d'une famille noble, & qu'il avoit même eu l'honneur du Confulat. Quoique fon pere s'oppofât à fa converfion, il reçut le Baptême auffi bien que frere Venant, qui fe joignit à lui: & ayant refolu tous deux de ne vivre que pour Dieu, ils embrafferent la profeffion Monaftique fous la conduite de faint Capraife qui étoit Ermite dans une Ifle proche Marseille. Îls allerent enfuite dans l'Achaïe mais Venant étant mort à Moudon, faint Honorat revint en Provence, où étant attiré par Leonce Evêque de Frejus, il s'établit dans fon Diocêfe, & choifit pour fa retraite l'Ifle de Lerins qui étoit déferte, & où perfonne n'abordoit à caufe de la quantité de ferpens dont elle étoit remplie. Mais Honorat aïant chaffé ces animaux y bâtit un Monaftere qui fut bien-tôt habité par un grand nombre de Religieux de toutes fortes de Nations. Il étoit d'abord compofé de Cœnobites & d'Anachorettes, femblable à une Laure où l'on voïoit une infinité de cellules feparées les unes des autres, L'Ifle de Lero qu'on appelle prefentement fainte Marguerite, qui touche prefque à celle de Lerins, étoit auffi habitée par de faints Solitaires qui ne faifoient avec ceux de Lerins qu'une même Congregation, gardant les mêmes obfervances. Il ne faut point (dit le Pere Mabillon) recourir aux inftitutions de Caffien

GATION DE

& dire qu'elles fervoient de Regle à ces Solitaires, puif- CONGREqu'elles n'étoient pas encore écrites. Il eft vrai qu'on ne peut LERINS. parler que par conjecture; mais il eft plus probable qu'ils obfervoient la Regle de faint Macaire.

Saint Honorat aïant été élevé fur le Siêge Epifcopal d'Arles, Maxime lui fucceda dans le Gouvernement de Lerins, & Faufte à Maxime, qui furent tous deux Evêques de Riez. Faufte étant encore Abbé, eut un differend avec Theodore, Evêque de Frejus, au fujet de la Jurifdiction que ce Prélat prétendoit avoit fur cette Abbaïe, qui étoit encore pour lors du Diocéfe de Fréjus, & qui n'a été que dans la fuite de celui de Graffe. Saint Honorat, en jettant les fondemens de ce Monaftere, étoit convenu avec l'Evêque Leonce, que les Clercs, & ceux qui approchoient des Autels, ne feroient ordonnés que par l'Evêque, ou par celui à qui il en auroit donné la permiffion, & que fui feul donneroit le faint Chrême; mais que tout le Corps des autres Moines Laïques feroit fous la dépendance de l'Abbé qu'ils auroient élu. Theodore cependant prétendoit avoir une Jurifdiction abfoluë fur tout le Monaftere. Pour remedier au fcandale que ce differend caufoit, Ravennius Evêque d'Arles, convoqua un Concile de treize Evêques,dans lequel il fut refolu que Theodore feroit prié de recevoir la fatisfaction de Faufte, qu'il oublieroit le paffé, qu'il lui rendroit son amitié, qu'il continueroit à lui donner les fecours qu'il avoit promis, & qu'il ne pourroit s'attribuer fur ce Monaftere que ce que Leon fon prédeceffeur s'étoit attribué; c'est-à-dire, que les Clercs & les Miniftres de l'Autel ne feroient ordonnés que par lui, ou par celui auquel il en auroit donné commiffion que lui feul donneroit le faint Chrême, & confirmeroit les Neophites, s'il y en avoit: que. les Clercs étrangers ou paffans ne feroient point admis fans fon confentement, ni à la Communion ni au Miniftere: mais que la multitude des Laïques ( c'est-à-dire, le refte des Moines) feroit fous la conduite de l'Abbé, fans que l'Evêque s'y attribuât aucun droit, ni qu'il pût en ordonner aucun pour Clerc, fi ce n'étoit à la priere de l'Abbé.

C'est au fujet de ce Concile, qui fe tint l'an 450. felon quelques-uns, ou,felon d'autres, l'an 455. & qui, felon M. Fleury, ne peut pas avoir été tenu plus tard que l'an 461..

GATION DE

CONGRE. que le Pere Mabillon fait remarquer,que pour lors les Clercs LERINS. n'étoient pas ainfi appellés, à caufe de leur tonfure; mais à caufe des Offices Ecclefiaftiques qu'ils exerçoient; comme de Chantre, de Sacriftain, d'Oeconome, de Notaire, ou de Défenfeur; & qu'ils étoient appellés Miniftres de l'Autel, lorfqu'ils avoient reçu les Ordres Majeurs ou Mineurs : qu'à l'égard des fimples Moines,'qui n'avoient ni Ordres ni Offices, ils étoient appellés Laïques ; & que pour les diftinguer des Seculiers, on les appelloit quelquefois, Laici Majoris propofiti. Il ajoûte que ce Concile d'Arles parlant de ces Moines, les avoit appellés une multitude de Laïques ; parce que leur nombre étoit beaucoup plus grand à Lerins que celui des Clercs ; mais que dans la fuite le nombre des Clercs engagés dans les Ordres Majeurs, furpaffa celui des fimples Moines; comme il paroît par la Lettre que S. Gregoire le Grand écrivit à l'Abbé Etienne, où il le congratule de ce que les Prêtres, les Diacres, & toute la Communauté, vivoient dans une grande union. Saint Fructueux, Evêque de Prague, diftingue dans le dernier Chapitre de fa Regle, les Moines de fon Monaftere d'avec les Laïques ; mais ces fortes de Laïques n'étoient pas des Seculiers, ils étoient de veritables Moines, tels que ceux que l'on nomme prefentement Convers: ainfi ( conclud ce fçavant Homme) lorfque le Concile d'Arles parle de cette multitude de Laïques qui étoient à Lerins, il n'entendoit pas parler de Seculiers; mais de Moines qui n'étoient pas Clercs, puifque c'étoit à eux que l'élection de l'Abbé appartenoit. Quant aux Neophites, (dont il eft auffi parlé dans ce Concile,) qui étoient à Lerins, il faut remarquer qu'autrefois les Catechumenes étoient inftruits dans les Monafteres avant que de recevoir le Batême.

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Après que Faufte eut été fait Evêque de Riez, Nazare fut Abbé de Lerins. Ce fut lui qui fit bâtir pour des Filles-le Monaftere d'Arluë l'an 472. Les autres Abbés qui fuccederent à Nazare, eurent foin de maintenir l'Obfervance Reguliere; mais il y a bien de l'apparence qu'elle s'affoiblic dans la fuite fur la fin du fixiéme fiécle, du tems même de l'Abbé Etienne, que faint Gregoire avoit felicité par une Lettre de la grande union qui étoit dans fon Monaftere, puisque par une autre Lettre de ce Pape, écrite à Conon,

fucceffeur d'Etienne, il l'exhorte de corriger les mœurs de CONGRE fes Religieux.

Le relâchement augmenta dans la fuite & produifit une grande divifion entre les Religieux, qui ne pouvant s'accorder fur l'élection d'un Abbé, demanderent l'an 661. Aigulfe Moine de faint Benoît fur Loire qui y avoit apporté du MontCaffin le Corps de faint Benoît, & l'élurent pour Abbé. Aigulfe aïant accepté cette dignité, travailla auffi tôt à rétablir dans ce Monaftere la paix & l'Obfervance. Les exhortations jointes au bon exemple qu'il donna, furent fi efficaces, que les efprits fe réunirent enfin, & ceux qui étoient fortis du Monaftere y revinrent & reprirent les Obfervances Regulieres. Il s'en trouva néanmoins deux, Arcade & Colomb, qui conçurent une fi grande averfion contre le faint Abbé, & contre ceux qui fuivoient fes maximes, qu'ils chercherent les moïens de leur ôter la vie. Quelques-uns s'étant apperçus de leur mauvaise volonté, voulurent échaper à leur fureur, en fe retirant dans l'Eglife de faint Jean; mais les autres ne voulurent point abandonner leur Abbé, qui représenta aux rebelles l'énormité de leur crime,dont ils fe repentirent &demanderent pardon. Mais un an après craignant que le bruit de leur confpiration, n'allât jufqu'aux oreilles du Roi, & qu'il ne les fift punir, Arcade fortit du Monaftere pour aller chercher de la protection au dehors, & Colomb refta pour cabaler au dedans. Arcade voulut enfuite rentrer, feignant de fe repentir, mais Aigulfe lui fit fermer la porte. Ce méchant homme eut pour lors recours à un Seigneur voisin nommé Mommol, & lui perfuada d'aller à Lerins, l'afsurant qu'il y trouveroit de grands tréfors. Il y vint, conduit par cet Arcade, qui prit l'Abbé, le chargea de coups bâton, & le mit en prifon avec les Religieux qui lui étoient les plus foûmis. Le lendemain Arcade les alla voir, & feignant qu'il n'étoit point l'Auteur de cette violence, leur fit apporter à manger. Mais quoique dans les liens, ils ne crurent pas pouvoir trangreffer la Regle ; & comme c'étoit un jour de jeûne, & qu'il n'étoit encore que l'heure de Tierce, ils differerent à manger jufqu'à None.

de

Après que Mommol eut emporté ce qu'il put du Monaftere, Arcade fit fortir les prifonniers au bout de dix jours & les mit fur un vaiffeau. Colomb les voulut accompagner

GATION DE

LERINS.

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