ANCIENNE CONGREGATION DE S. DENIS IN païs Etrangers, comme en Angleterre & en Espagne. Entre les donations qui furent faites à cette Abbaïe sous le gouvernement de l'Abbé Fardulfe fuccesseur de Maginaire, on remarque que le Comte Theudald, qui fut ac- FRANCE, cusé de crime de leze Majesté, après s'être justifié par la voïe du jugement de Dieu devant la Croix, donna une partie de ses biens à ce Monastere & plusieurs familles de ferfs ou d'esclaves. Ces serfs étoient destinés à la culture de la terre,& faisoient l'une des principales richesses de ce tems-là. Dagobert I. dans la 10.année de son regne,qui étoit l'an 631. de Jesus-Christ ordonna que les enfans des serfs de cette Abbaïe , soit qu'ils fussent nés de legitime mariage ou non, appartiendroient au Monastere, sous peine d'amende, ou de punition corporelle contre les contrevenans. Comme ils étoient en grand nombre, ils voulurent se revolter & secoüer le joug de la servitude, sous le gouvernement d'Eu- . des de Deüil, qui obtint un Bref du Pape Adrien IV. adressé aux Evêques de France, pour contraindre par les voïes canoniques, les serfs de cette Abbaïe à rendre les services ausquels ils étoient obligés , & environ cent ans aprés Clement IV. l'an 1266. donna pouvoir aux Abbés de faint Denis , de conferer la Tonsure Clericale aux ferfs de cette Abbaïe , après qu'ils auroient été affranchis, du confentement de la Communauté. ul у avoit aussi dans cette Abbaïe des Pauvres Matriculiers , ainsi appellés parce qu'ils étoient instruits dans la Matricule ou Catalogue de l'Eglise. Ils avoient souvent part aux largesses des bienfaicteurs. Ils faisoient les plus gros ouvrages de la Sacristie , comme de tendre les tapisseries , garder les portes , empêcher le tumulte du peuple , tenir 'Eglise propre, & veiller à la garde des saintes Reliques. La plûpart étoient des personnes qui en reconnoissance de ce qu'ils avoient été guéris par l'assistance des Saints Martyrs , consacroient le reste de leurs jours au service de l’Abbaïe , portant l’habit Monastique, & la Tonsure, comme les Moines, Quoique cette Abbaïe dût selon les apparences servir de modele aux Maisons Religieuses qui étoient de sa Jurisdiction , elle eut cependant besoin elle même d'être reformée sur la fin du septiéme siécle. Lerelâchement s'y étoit intro Tome V. ENFRANCE. faites pour Ancien duit insensiblement, il avoit augmenté de jour en jour , on formés en Chanoines pour vivre avec plus de licence. Hil- . cela dans le Concile. Hilduin songeant toûjours pour affermir la Regle Monastique qu'il avoit ré- CONGRI- FRANCE. y être emploié pour vêtir les Religieux ; celui des autres , ou ANCIENNE pour asister les malades , ou pour la nourriture de la Communauté , ou pour les réparations , ou pour les dépenses ex- S. DENISEN traordinaires, tant de l'Eglise , que du Monastere. Il y en . avoit que l'Abbé cedoit entierement aux Religieux , d'autres sur lesquelles il donnoit simplement à prendre en especes, certaine quantité de bled , de vin, de fruits , de legumes , de miel,de volaille,de poisson & autres semblables choses. Le Pere Mabillon rapporte dans ses Diplomatiques la Charte de ce partage par laquelle il paroît que l'Abbé Hilduin ordonna que l'on donneroit tous les ans aux Religieux tant pour eux que pour les Hôtes qui mangeoient au Réfectoire , deux mille cent muids de bled froment , neuf cens muids de seigle pour ses domestiques , deux mille cinq cens muids de vin pour les Religieux , outre la biere pour les ferviteurs, trois cens muids de legumes , trente cinq muids de graisse , trente cinq Sesterces de beure , de la volaille , du bois , & autres choses dont il est inutile de faire ici le détail. 11 y eut un autre partagé qui fut fait par l'Abbé Louis en 862. & confirmé par le Roi Charles le Chauve. Il paroît par ce partage que l'Abbé étoit obligé de fournir creize cens muids de seigle pour les serviteurs , & que pour en demeurer quitte , aussi bien que des trois cens muids de legumes, de vingt muids de graisse sur les trente cinq qu'il donnoit , de deux cens muids de sel, outre un muidq uel'on recevoit aux salines , de cinquante muids de savon & autres denrées, de cent masses de fer pour les faulx , de cent autres masses de fer pour les fourches , & autres choses qui étoient neceffaires pour les Ouvriers , il avoit abandonné aux Religieux quelques Terres & Seigneuries , mais qu'il étoit toûjours obligé de fournir deux mille cens muids de bled froment ; pour faire leur pair , & qu'il consentoit que pour leur boisfon, ils joüiroient , comme ils faisoient depuis long-tems , de certaines vignes , à condition que si elles rendoient moins de deux mille cinq cens muids , l'Abbé seroit tenu de fuppléer au reste. Mais il ne faut pas croire que le muid de vin fût aufli grand en ce tems-là qu'il l'est aujourd'hui , non plus Mabillon, que le muid de bled ; car par les Statuts qu'Adhalard Abbé Annal. Be de Corbie fit pour son Monastere l'an 822. il paroît que muid de vin n'étoit que de seize septiers & chaque septier de coisa? le nedict.t.Il. pag. 4666 N S. ANCIEN: fix tasses , par consequent l'hemine qui contenoit demi sepi GREGA tier étoit de trois tasses. A l'égard du muid de bled,l'on n'en TUNDE devoit faire que trente pains : ces Statuts ne marquent point France. combien chaque pain peloit ; mais par la Lectre que Theo demare Abbé du Mont-Cassin écrivit à l'Empereur Charlemagne, lorsqu'il lui envoïa l'hemine & le poids du pain, il est constant quechaque pain pesoit quatre livres , & servoit à quatre Religieux : d'où il s'ensuit que le muid de bled ne devoit pas peler plus de six vingts livres, & qu’ainsi il étoit bien moins qu'un septier de Paris, qui en pese deux cens quarante. Ces partages font connoître, qu'après cette réforme , les Religieux de saint Denis gardoient l'abstinence de la chair prescrite par la Regle de saint Benoît;toutefois avec les adoucissemens que le Concile d'Aix-la Chapelle y avoit apportés , puisqu'ils usoient d'huile de graisse dans leurs mets ordinaies au défaut d'huile d'olive, & qu'ils pouvoient manger de la volaille à certaines Fêtes de l'année. Quelques années avant ce partage l’Abbé Loüis aïant été pris par les Normans,les Religieux donnerent pour fạ rançon fix cens quatre-vingt livres d'or , & trois mille deux cens cinquante livres d'argent,qui reviennent à plus de six cens mille livres de notre monnoïe, sans compter plusieurs vassaux & leurs enfans qu’on fut aussi obligé de leur livrer. Ces Barbares s'emparerent pour la premiere fois de cette Abbaïe l'an 865. & comme il n'y avoit rien qui s'opposât à eux, ils la dépoüillerent entierement de tous les dons précieux que nos Rois y avoient faits , aïant été pendant trois semaines , maîtres de ce Monastere , d'où les Religieux en se retirant avoient emporté heureusement avec eux les saintes Reliques. Charles le Chauve aïant pris l'an 867. l'administration de cette Abbaïe, après la mort de l'Abbé Louis, qui étoit son Chancelier & fon parent, fit gloire de porter le nom & la qualité d'Abbé de S.Denis, & fit faire autour du Monastere, une enceinte de bois & de pierres en maniere de fortification pour empêcher que les Normans ne vinssent la piller une seconde fois ; mais les Religieux ne crurent pas ces fortifications assez fortes pour leur resister ; puisque dans le tems que ces infideles alliegeoient Paris l'an 887. ces Religieux se refugierent à Reims avec les Corps de leurs saints Pa ز CONGRE FRAMCE. trons, & plusieurs autres Reliques. L'an 912. le Monastere ANCIENNE de saint Denis se voïoit encore à la veille d'être en proïe GATION DE aux Normans , fi le Roi Charles le Simple n'eût pris le parti DENISEN de s'accommoder avec Rollon leur Duc , qui fe fit baptiser à Rouen,comme nous avons déja dit ailleurs. Robert Comte de Paris,qui étoit pour lors Abbé de saint Denis & qui fut Roi de France dans la suite , le rint sur les fonds de Baptême & lui donna son nom. Avant le Comte Robert, le Roi Eudes en avoit aussi été Abbé, Hugues le Grand fils de Robert le fut après lui , & enfin Hugues Capet, qui par un motif de conscience rendit à ce Monastere ses Abbés Reguliers , étant persuadé que la cause du relâchement des Religieux ne venoit que de ce qu'ils n'avoient que des Laïques pour Abbés. Ce Prince après avoir remis en Regle cette Abbaïe , jugea necessaire d'y rétablir le bon ordre. Il en fic parler à faint Mayeul qu'il croïoit plus capable que personne d'une telle entreprise. Ce Saint avoit quitté la Charge d'Abbé de Cluny & vivoir fort retiré , ne pensant plus qu'à {e préparer à la mort ; il crut néanmoins devoir faire un effort pour satisfaire son Prince , c'est pourquoi il se mit en chemin; mais étant tombé malade à Souvigny, il y mourut. Ainsi ce fue l'Abbé Odilon qui lui avoit succedé dans le Gouvernement de l'Ordre de Cluny,qui fut chargé de cette Commislion qui , quoique difficile , futexecutée avec tout le succès que l'on pouvoit attendre de fon zele. L'ancienne Discipline y étoitencore fort relâchée, lorsque Suger en étant Abbé, entreprit l'an 1123. de réformer les abus qui s'y étoient glissés , & ausquels il n'avoit pas peu contribué lui-même. Car n'étant que simple Religieux de faint Denis, il avoit gagné les bonnes graces du Roi Louis VI. & s'étoit abandonné à sa propre fortune, se laissant in .à troduire bien avant dans les affaires du siécle. Il suivoit ce Prince par tout, même à l'armée,& vivoit plutôt en Courtisan qu'en Religieux. Après qu'il eût été fait Abbé,il continua de vivre comme auparavant, & même avec plus de pompe & de magnificence ; l'on a même cru que saint Bere nard l'a voulu marquer , lorsqu'il se plaine dans son Apologie, d'un Abbé qui avoit pour l'ordinaire soixante chevaux à sa suite. Ce Saint l'en reprit avec une liberté Chrétienne , & Suger touché de les remontrances , renonça à la |