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long-tems, il ne pouvoit s'y refoudre, & le laiffoit jouir pai- RELIGIEUX fiblement de fon droit. Mais Angelique Françoise Deftam- DE LATRApes de Vallençai aïant été nommée par le Roi à cette Abbaïe, preffa fi fort l'Abbé de la Trape de ne pas résister davantage aux Ordres des Chapitres Generaux, & de fe rendre aux intentions des Abbés de Câteaux & de Clairvaux qu'il fe chargea enfin de la direction de l'Abbaïe des Clairets & y fit la vifite pour la premiere fois l'an 1690. Il en fit une feconde en 1691. & dans les exhortations qu'il fit aux Religieufes, il les difpofa de telle forte à la réforme qu'elles embrafferent celle de l'Etroite Obfervance en 1692. ce qui lui donna lieu de faire une troisiéme visite dans ce Monaftere, afin de mettre la derniere main à ce qu'il avoir commencé dans les deux premieres. Ses penitences & fes aufterités le réduifirent enfin dans un état qui l'obligea de fe relâcher de fon exactitude. Il n'affiftoit plus au travail,& fe trouvoit rarement au Chapitre. Ses exhortations ne furent plus fi fréquentes, & apprehendant que le relâchement.ne fe glifsât infenfiblement,ou que du moins la ferveur que que fon exemple avoit toûjours foûtenuë ne s'affoiblît, il se démit de son Abbaïe entre les mains du Roi qui lui donna le choix d'un fucceffeur. L'Abbé pria fa Majesté de lui accorder Don Zozime, Prieur de la Trape: ce Religieux fut agreé du Roi: mais il mourut avant que de recevoir fes Bulles. Dom François Armand fut celui qui fut propofé pour remplir fa place. Le Roi l'accepta & le nomma à cette Abbaïe, dont il reçut les Bulles, & il fut beni au mois d'Octobre 1696. Mais Dom Armand le Bouthillier ne fut pas long-tems à s'en repentir : car ce nouvel Abbé aïant pris une conduite toute oppofée. à la fienne, on vit les Moines de la Trape partagés en deux factions : les uns tenoient pour lui, & les autres pour le nouvel Abbé, qui fe faifant fcrupule de cette divifion dont il étoit l'auteur fe démit de fon Abbaïe. A peine cut-il fait cette démiffion qu'il s'en repentit, & fit tout fon poffible pour la ravoir : mais toutes fes pourfuites furent inutiles ; & le Roi nomma Dom Jacques de la Tour, qui prit poffeffion de cette Abbaïe en 1699. & jufqu'à préfent il l'a gouvernée felon l'efprit du Reformateur, qui mourut l'année fuivante 1700. le 20. Octobre, étant âgé de 75. ans.

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Il ne nous refte plus qu'à parler des Obfervances de ces

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RELIGIEUX faints Religieux. En été ils fe couchent à huit heures, & en DE LATRA hiver à fept. Ils fe levent la nuit à deux heures pour aller à Matines qui durent ordinairement jufqu'à quatre & demie, parce qu'outre le grand Office, ils difent auffi celui de la Vierge, & entre les deux ils font une meditation de demiheure. Les jours où l'Eglife ne folemnise la Fête d'aucun Saint, ils recitent encore l'Office des Morts. Au fortir de Matines, fi c'eft en été, ils peuvent s'aller repofer dans leurs cellules jusqu'à Prime, & l'hiver ils vont dans une chambre commune proche du chauffoir, où chacun lit en particulier. Les Prêtres prennent d'ordinaire ce tems-là pour dire leurs Messes. A cinq heures & demie ils difent Prime, & vont enfuite au Chapitre où ils font environ demi-heure, excepté certains jours qu'ils y demeurent plus long-tems à entendre les exhortations de l'Abbé ou du Prieur. Sur les fept heures ils vont travailler pour lors chacun quitte fa coule, & retrouffant l'habit de deffous, ils fe mettent les uns à labourer la terre, les autres à cribler, d'autres à porter des pierres,chacun recevant la tâche qui lui eft affignée, ne leur étant pas libre de choisir ce qui convient le plus à leur inclination. L'Abbé lui-même eft au travail & s'emploïe fouvent à ce qu'il y a de plus abject. Quand le tems ne permet pas de fortir, ils nettoïent l'Eglife, balaïent les Cloitres, écurent la vaiffelle, font des leffives, épluchent des legumes, & quelquefois ils font deux ou trois affis contre terre les uns auprés des autres à ratiffer des racines fans parler jamais enfemble. Il y a auffi des lieux destinés à travailler à couvert où plufieurs Religieux s'occupent, les uns à écrire des livres d'Eglife, les autres à en relier, quelques-uns à des ouvrages de menuiferie, d'autres à tourner, & à d'autres differens travaux, n'y aïant gueres de chofes néceffaires à la Maison & à leur ufage qu'ils ne faffent eux-mêmes. Quand ils ont travaillé une heure & demie, ils vont à l'Office qui commence à huit heures & demie: on dit Tierce, enfuite la Meffe qui eft fuivie de Sexte, aprés quoi ils se retirent dans leurs chambres, où ils s'appliquent à quelque lecture. Cela fait ils vont chanter None, fi ce n'eft aux jours de jeûnes que l'Office eft retardé, & qu'on ne dit None qu'un peu avant midi. Delà ils fe rendent au Refectoire, qui eft fort grand : il y a un long rang de tables de chaque

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Religieux de la Trape

Sans coule comme ils sont au travail

RELIGIE

DE LATEA.

côté. Celle de l'Abbé eft en face au milieu des autres, & RELIO!-8"X contient les places de fix ou fept perfonnes. 11 fe met à un Pt. bout, aïant à sa main gauche le Prieur, & à fa droite les étrangers, lorsqu'il y en a qui mangent au Réfectoire : ce qui arrive rarement. Ces tables font nuës & fans napes, mais fort propres. Chaque Religieux a fa ferviette, fa taffe de faïence, fon couteau fa cuillere & fa fourchette de buis, qui demeurent toûjours dans la même place. Ils ont devant eux du pain plus qu'ils n'en peuvent manger, un pot d'eau, un autre pot d'environ chopine de Paris, un peu plus qu'à moitié plein de cidre, parceque l'on garde pour la collation ce qu'il en faut pour achever de le remplir; leur pain est fort bis & gras, à cause qu'on ne faffe point la farine, & qu'elle eft feulement paffée par le crible, ce qui fait que la plus grande partie du fon y demeure. On leur fert un pota ge, quelquefois aux herbes, d'autres fois aux pois, ou aux lentilles, & ainfi differemment d'herbes & de legumes; mais toûjours fans beurre & fans huile, avec deux petites portions aux jours de jeûnes, fçavoir un petit plat de lentilles & un autre d'épinars ou de feves, ou de boüillie, ou de gruau, ou des carotes, ou quelqu'autre racine felon la faifon. Leurs fauces ordinaires font faites avec du fel & de l'eau épaiffie avec un peu de gruau & quelquefois un peu de lait. Au deffert on leur donne deux pommes ou deux poires cuites ou cruës. Aprés le repas, ils rendent graces à Dieu, & vont achever leurs prieres à l'Eglife, au fortir de laquelle ils fe retirent dans leurs cellules où ils peuvent s'appliquer à la lecture & à la contemplation. A une heure ou environ, ils retournent au travail, reprenant celui qu'ils ont quitté le matin, ou en commençant un autre. Ce fecond travail dure encore une heure & demie ou deux heures quelquefois. La retraite étant fonnée, chacun quitte fes fabots, remet fes outils dans un lieu deftiné à cela, reprend fa coule, & fe retire à fa chambre, où il lit & medite jufqu'à Vêpres qu'on dit à quatre heures. A cinq heures on va au Réfectoire où chaque Religieux trouve pour fa collation un morceau de pain de quatre onces, le reste de sa chopine de cidre avec deux poires ou deux pommes ou quelques noix aux jeûnes de la Regle; mais aux jeûnes d'Eglife, ils n'ont que deux onces de pain & une fois à boire. Les jours qu'ils ne

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