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PULSANO.

ces Filles étoit à Goglieto, qui étoit double, comme nous RDRE DE avons dit. La Superieure y avoit la qualité d'Abbeffe, & pouvoit porter la croffe,auffi-bien que l'Abbé du Monastere des Hommes, qui fe fervoit d'ornemens Pontificaux. Ce Monaftere avoit plus de vingt mille ducats de revenu, dont l'Hôpital de l'Annonciade à Naples a diffipé une grande partie, auffi-bien que les Abbés Commendataires: il n'y a plus préfentement que douze Religieux. Ce Monaftere porte préfentement le nom de faint Guillaume,à cause que ce faint Fondateur y a été enterré. Cet Ordre a donné quelques Prélats à l'Eglife, & quelques Ecrivains.

Silveftr. Maurol. Mare Ocean. di tut.gl. Relig. lib. 2. Tho ́mas à Costo, Iftoria del Sagrariff. luogo di Monte Vergine. Giacomo Jordano, Chronic. di Monte-Vergine. Felix Renda, & Jacom. Jordano, Vit. S. Guillel. Bullar. Rom. Baillet, Vies des SS. & Memoires envoiés par les Religieux de cet Ordre du Couvent de fainte Agathe à Rome en 1709.

CHAPITRE XVII.

De l'Ordre de Pulfano, avec la Vie de faint Jean de
Matera, Fondateur de cet Ordre.

L

'ORDRE de Pulfano feroit peut être entierement resté

peut-être

dans l'oubli, fi le Pere Papebrock n'en avoit renouvellé la memoire dans la Vie de faint Jean de Matera fon Fondateur, qu'il a inferée au vingtiéme Juin dans la continuation des Actes des Saints de Bollandus, faifant en même tems connoître que ce Saint n'a pas été Difciple de faint Guillaume de Verceil, Fondateur de l'Ordre du Mont- Vierge, comme tous les Hiftoriens de cette Congregation l'ont publié, pour lui faire honneur,mais qu'il a été lui-même Fondateur d'un Ordre particulier, qui n'a rien cu de commun avec celui du Mont-Vierge: entre les preuves que le Pere Papebroch en apporte, il cite un Martyrologe de l'an 1486. qu'il a vû dans quelques Bibliotheques, ou faint Jean de Matera eft qualifié de Fondateur de l'Ordre de Pulfano Item S. Joannis Abbatis & Eremita Sipontine Diœcefis, in A&. SS. Apulia partibus, primi Abbatis & Fundatoris Ordinis Pulfanenfis, magna fanctitatis viri. D'où il conclut que l'Ordre

:

Tom. IV,

www.

PULSANO

ORDRE DE de Pulfano, qui y eft fpecialement nommé, est un Ordre particulier; de même qu'on a qualifié d'Ordres particu liers les Congregations de Cluni, de Camaldule, de Vallombreufe, & quelques autres, qui font regardées comme autant de branches de l'Ordre de faint Benoît : Pulfanenfem Ordinem (dit-il ) vides nominari, ficuti nominatur Cluniacenfis, Camaldulenfis, Vallombrofanus, aliique vitis Benedičtine palmites.

Ibid.

Si le Pere Papebroch n'apportoit point d'autres raifons pour prouver que cet Ordre de Pulfano (en la Poüille) étoit un ordre particulier & indépendant des autres : celleci ne fuffiroit pas pour nous en convaincre; puifqu'il y a eu d'autres Abbaïes de l'Ordre de faint Benoît qui ont été regardées comme autant de Chefs d'Ordre, quoique, ni ces Abbaïes, ni les Monafteres de leurs dépendances ne fiffent qu'un corps avec celui de faint Benoît, de qui elles dépendoient. Telles ont été les Abbaïes de Marmoutiers, de la Chaise Dieu, de Tiron, de Cave, & plufieurs autres qui n'ont jamais été Chefs d'Ordre: ce qui n'empêchoit pas que lorfque l'on parloit des Monafteres de leurs dépendances, l'on ne dît qu'ils étoient de l'Ordre de Marmoutier, de la Chaife-Dieu, de Tiron & de Cave. Il n'en a pas été de même de l'Abbaïe de Cluni, & des Monafteres de fa dépendance, qui ont formé un Corps diftinct & féparé, qu'on a toûjours regardé comme un Ordre particulier, qui a été une branche de celui de faint Benoît, comme auffi de ceux de Camaldules, de Vallombreuse, du Mont- Vierge,& plufieurs autres, qu'on doit regarder comme des Ordres particuliers, par rapport à la diverfité des Obfervances, & de l'habillement, quoique les uns & les autres fuivent la Regle de faint Benoît.

Ce qui prouve conftamment que faint Jean de Matera n'a point été Difciple de faint Guillaume, & que fon Abbaïe de Pulfano n'étoit point de l'Ordre du Mont Vierge, c'est que dans la vie de ce Saint compofée par un Auteur contemporain, à la follicitation même de faint Guillaume qui le furvêquit, il y eft parlé de la Regle de faint Benoît, qu'il faifoit obferver dans fon Monaftere comme on le conjecture par l'Histoire suivante. L'Auteur y parle d'un Religieux qui par ordre du Prieur du Monaftere de faint Jacques, qui

PULSANO,

avoit été auffi fondé par faint Jean de Matera, étant def- ORDRE DE cendu dans un lieu foûterrain pour y prendre du bled pour le befoin des Freres, tomba dans une efpece d'évanouiffement ou d'extafe qui dura affez long-tems, pendant lequel il lui fembla qu'un Ange le prit par la main, & que d'un autre côté le Démon faifoit fes efforts pour l'arracher des mains de l'Ange en difant qu'il lui appartenoit; & qu'après plufieurs conteftations entr'eux il fut enfin conduit au Tribunal de Dieu,où épou venté de fa gloire & du nombre infini de Saints qui l'accompagnoient, dans la crainte que le Jugement ne lui fût pas favorable, il appella à fon fecours faint Jean de Matera, qui aïant comparu & pris le parti de fon Religieux pour achever de confondre le Démon qui lui fottenoit qu'il n'avoit jamais été des fiens, puifqu'il étoit actuellement fous l'obéïffance d'un Prieur ; le Saint appella faint Benoît à temoin, le conjurant qu'il eût à dire, s'il n'étoit pas vrai que dans fa Regle, il avoit ordonné aux Religieux d'obéïr aux Prieurs & aux Doïens de même qu'à l'Abbé, à cause que l'Abbé ne peut pas tout faire dans le Monastere: Surgat divus Benedictus & teftimonium mihi reddat,qui Pater omnium dignofcitur effe Monachorum, fi non præcepit ipfe in fua Regula, ut præpofitis & decanis omnes Monachi ut Patri obediant, quia non omnia que in Monafterio aguntur, per Abbatem fieri poffunt. Et parce que cet efprit infernal, perfiftoit à dire qu'il n'étoit pas fon Religieux, puifqu'il n'avoit point de scapulaire ni aucune marque d'habit Religieux : Et quomodo tuus eft Monachus cum fcapulare non fit indutus, & Monachi habitum fuper fe nullum habeat ? le Saint s'adreffant encore à faint Benoît, le prit derechef à témoin s'il n'avoit pas accordé aux Religieux pour le travail au lieu de fcapulaire une autre forte d'habit: Et B.Joannes iterum portenta manu ad B. Benedictum, ait, & teftimonium ferat fi ipfe non conceffit Monachis ad opera manuum, ut Fratres pro fcapulare Schema haberent. Cette vifion à la verité eft rapportée avec des circonftances peu capables d'attirer la créance des lecteurs ; mais aïant été écrite par un Auteur contemporain de faint Jean de Matera dont il avoit été même Difciple, elle fait connoître que ce Saint avoit établi dans le Monaftere de Pulfano & ceux de fa dépendance un Inftitut different de celui que faint Guillaume de Verceil avoit établi au Mont Vierge,

Tome V1.

S

PULSANO.

ORDRE DE puifque la Regle de S. Benoît étcit obfervée dans les Monaiteres de l'Ordre de Pulfano du vivant même de S. Guillaume, & que ce ne fut qu'après fa mort qu'elle fut reçuë dans fon Ordre par les foins de Robert, troifiéme Genéral, comme nous avons dit dans le Chapitre précedent, outre que faint Guillaume ne laissa rien par écrit à fes Religieux, au lieu que faint Jean de Matera avoit au contraire donné à fes Religieux des Conftitutions avec la Regle de faint Benoît. C'est pourquoi dans la Profe qui fe dit à la Meffe le jour de la Fête de faint Jean de Matera,il y eft loüé comme étant l'Auteur d'une nouvelle Regle.

Sed aternus ac immenfus, Rex infuperabilis,
Terram, cœlum,ima, celfa, uti ineffabilis,
Qui Abbatis Pulfanenfis implevit præcordia,
Vivo fonte quo potaret fubditorum agmina,
Quibus novam mufto plenus promulgaret Regulam.

L'on pourra peut-être objecter fur ce que nous avons dit ci-deffus que ce Religieux n'avoit point de fcapulaire, que faint Benoît ordonne dans fa Regle que les Religieux aïent un fcapulaire pour le travail, & non pas un autre habit au lieu du fcapulaire, comme nous venons de le voir dans le dernier témoignage que faint Jean de Matera exige de lui:ce qui eft une contradiction fuffifante pour faire douter que la Regle de S. Benoît fût obfervée dans le Monaftere de Pulfano. Mais ce n'eft pas une confequence: car il faut remarquer que dans l'Ordre de faint Benoît on a fouvent pris la cucule pour le fcapulaire, & le fcapulaire pour la cuculle: c'eft ce qui étoit déja en pratique dès le huitiéme fiécle, auquel tems vivoit l'Abbé Smaragde qui dans fon Commentaire fur la Regle de faint Benoît, dit que l'on appelloit Cappe ou Chape, ce que faint Benoît appelloit Cuculle, & qu'ils nommoient Cuculle ce que faint Benoît a appellé le fcapulaire In cap. 55. pour le travail : Cucullam dicit ille ( S. Benedictus) quod nos Reg. fancti modo Cappam dicimus: quod vero ille dicit fcapulare propter opera hoc nos modo dicimus Cucullam. Ce que nous venons de dire fuffira pour prouver l'existence de l'Ordre de Pulfano, il eft tems de parler de fon Fondateur.

Bened.

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Saint Jean nâquit à Matera ville de la Poüille, de parens illuftres,que l'amour de la folitude lui fit abandonner

pour

PULSANO.

fe retirer dans une ifle qui eft vis-à-vis Tarente, où après ORDRE DE s'être dépouillé de ses habits précieux, & avoir pris les plus vils qu'il put trouver il demeura quelque tems inconnu : ce fut inutilement, que fes parens le chercherent, ils ne le reconnurent point fous ces méchans habits. Jean fe voïant délivré des pourfuites que l'on faifoit pour le chercher, fe préfenta à la porte d'un Monaftere qui étoit dans cette ifle, où il fut reçu pour garder les troupeaux. Il joignit à cette humilité une fi grande mortification, que les Religieux de cette Abbaïe, voïant que ce jeune homme condamnoit par fon abstinence la vie fenfuelle qu'ils menoient, & ne pouvant 'l'obliger à manger de leurs mets délicieux qu'ils lui préfentoient quelquefois, & qu'il méprifoit leurs feftins; foit par dépit,foit pour éprouver s'il le faifoit par une efprit de mortification,ils lui refuferent ce qu'ils avoient accoûtumé de lui donner pour fa fubfistance, même jufqu'à du pain.

Il quitta cette ifle, & s'étant mis fur une petite barque qui fe trouva fur le bord de la mer, il arriva en Calabre, où il redoubla fes jeûnes & fes abftinences, ne mangeant que de deux jours l'un : & quelquefois il reftoit trois ou quatre jours fans manger. De là il paffa en Sicile,où il demeura l'efpace de deux ans dans un affreux défert fans parler à perfonne, fe contentant pour fa nourriture de figues fauvages & d'herbes ameres, qu'il trouva dans cette folitude, y pratiquant des aufterités incroïables. Il eut dans ce lieu de rudes combats à foûtenir contre les Démons qui lui apparoiffoient fous la forme de divers animaux : mais ils fe trouverent toûjours vaincus, & furent contraints de le laiffer en paix.

Dieu qui vouloit fe fervir de lui pour la converfion de plufieurs pecheurs, lui infpira de fortir de ce défert: il obéïc à la voix du Seigneur,& alla à Genofa dans la Poüille, où le tumulte de la guerre avoit fait retirer fes parens. Il demeura pendant deux ans près de leur maison, & même quelque tems dans leur propre maison, fans qu'ils le reconnuffent. Pendant cinq ans il ne mangea que des figues fauvages & des graines de myrte. Il garda pendant deux ans & demi un profond filence fans parler à perfonne ; & après ce tems là rempli de l'efprit de Dieu, il alla dans les places publiques pour prêcher contre les deréglemens du fiécle. On ne vit

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