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CHANOI

NES REGUL.
DE S. SAU-

VEUR DE

BOULOGNE.

ment par le nombre des Chanoines, mais auffi des Monasteres.

Entre ceux qu'elle a obtenus, les premiers furent ceux de faint Sauveur de Boulogne & de fainte Marie au Rhein unis enfemble, qui lui furent cedés par François Ghifleri dernier Prieur de ces Monafteres, avec le confentement de Martin V. Ce Ghifleri eftoit le dernier Religieux qui eftoit resté de l'ancienne Congregation de fainte Marie au Rhein ; elle avoit efté fondée vers l'an 1136. & avoit pris fon nom d'un Monaftere fitué à cinq milles de Boulogne, qui devint Chef de huit ou dix autres en Italie: mais l'an 1359. Galeas Duc de Milan, aïant affiegé Boulogne, il fut entierement deftruit, & uni enfuite à celui de faint Sauveur que ces Chanoines poffe doient déja dans la Ville, la Congregation aïant toûjours retenu fon nom de fainte Marie au Rhein, qui aïant encore perdu les autres Monafteres qu'elle avoit, fe voïoit en 1418. reduite à ceux de faint Sauveur & de fainte Marie au Rhein unis ensemble fous un mesme Prieur, qui eftoit ce Ghisleri & le feul Religieux, comme nous venons de dire, qui restoit de cette Congregation.

Il voulut reftablir la Difcipline Reguliere dans fon Monastere, par le moïen de quelques Chanoines qui vefcuffent conformément aux faints Canons ; & aïant entendu parler des Ambroisiens (c'eft ainfi qu'on appelloit ceux qui avoient esté eftablis proche Eugubio dans l'Eglife de faint Ambroise, ) il en fit venir dans fon Monaftere, & fupplia Martin V. de faire l'union de ces Monafteres avec celui de faint Ambroife; ce que le Pape accorda par fes Lettres du mois de Juin 1418, adreffées à Nicolas Albergat pour lors Evefque de Boulogne, lui donnant commiffion d'introduire dans ces Monafteres de faint Sauveur & de fainte Marie au Rhein les Chanoines de faint Ambroise, quoiqu'ils ne portaffent pas le mefme habit, & qu'ils n'euffent pas les mefmes obfervances, leur permettant de vivre felon les Conftitutions qui leur avoient esté accordées & confirmées par le faint Siege, donnant pouvoir neanmoins à l'Evefque de Boulogne, d'ordonner & de difpofer ce qu'il jugeroit à propos touchant les changemens qu'il conviendroit faire, tant à l'égard de l'habit que des obfervances, après que ces Chanoines auroient efté reçus dans ces Monafteres, dont il pouvoit faire l'union & introduire telle Reforme qu'il trouveroit neceffaire,

parer

REGUL.

VEUR DE
BOULOGNE-

Cette union ne fe fit pas fi-toft, car Ghifleri fe repentit CHANOS. de ce qu'il avoit fait, foit qu'il efperaft pouvoir lui-mefme re- DE S. SADla Difcipline Reguliere en recevant des Novices qu'il auroit élevés dans la pieté ; ou bien que ce fuft à caufe que les Chanoines Ambroisiens ne vouloient pas quitter leurs habits pour fe conformer à celui que les Chanoines de ces Monasteres avoient toûjours porté, où il n'en vouloit pas introduire d'autres qui portaffent un habit different: car celui des Ambroifiens confiftoit, comme nous avons dit, en une Soutane, un Scapulaire & une Chape de couleur tannée, de mefine que les Freres Convers des Chartreux, felon que leur avoit ordonné Gregoire XII. & les Rheiniens au contraire portoient une Tunique de ferge blanche avec un Rochet de toile par deffus, & des Aumuces blanches quand ils eftoient dans la Maifon; & lorfqu'ils fortoient ils avoient une Chape noire.

L'affaire fut neanmoins terminée par la prudence & l'autorité de l'Evefque de Boulogne, qui pour les mettre d'accord, ordonna que les Ambroisiens feroient reçus dans ces Monasteres, à quelques conditions dont il y en eut deux principales : la premiere, que pour eftre plus conformes avec les Chanoines Rheiniens, ils ofteroient leurs Tuniques, Scapulaires & Chapes grifes, & porteroient une Tunique de ferge blanche avec un Scapulaire de mefme fur un Rochet de toile, & porteroient auffi une Chape noire lorfqu'ils fortiroient, ce qu'ils ont obfervé jufqu'à prefent ; finon, qu'au lieu de la Chape noire, ils portent un Manteau Clerical, auffi-bien que ceux de Latran & plufieurs autres Chanoines Reguliers, qui pref que tous portent des Manteaux hors du Monaftere: l'autre condition fut, que Ghifleri, fá vie durant, feroit Prieur & auroit l'administration libre de ces Monafteres.

Sous ces conditions les Chanoines Ambroifiens prirent poffeffion de ces Monafteres de faint Sauveur & de fainte Marie au Rhein, aïant eftabli un Vicaire ou Superieur, dont l'autorité ne s'eftendoit que pour l'Obfervance Reguliere, ce qui dura jufqu'à la mort de Ghifleri qui arriva l'an 1430. Pour lors l'union fut faite entierement de ces Monafteres; & afin qu'elle fuft plus affermie, ils en demanderent la confir mation à Martin V. ce furent les premiers Monafteres qu'ils obtinrent après celui de faint Ambroife, & à caufe de la dignité & de l'antiquité de celui de faint Sauveur, ils l'eftablirent

NFS REGU

BE BOULO

GNE.

CHANOL Chef de leur Congregation & de leur Ordre, qui en a reteLIERS DE S. nu le nom jufqu'à prefent, comme il paroift par plufieurs SAUVEUR Bulles, particulierement par une de Clement VIII. de l'an 1595. qui confirme les Privileges de douze Congregations de Chanoines Reguliers. Le Pape Martin V. leur accorda encore en 1430. le Monaftere de faint Donat de Scopeto proche Florence, d'où le vulgaire les a auffi appellés Scopetins. Ils avoient efté auffi d'abord appellés de la Foreft du Lac, à caufe de ce Couvent d'Iliceto qu'ils furent obligés d'abandonner, proche lequel il y avoit un Lac au milieu d'un Bois.

Leur premier Chapitre General fe tint l'an 1419. dans le Monaftere de faint Ambroise proche d'Eugubio, & le Pere Eftienne Inftituteur de cette Congregation y fut élu premier General. Il exerça cette Charge pendant quinze années, aïant toûjours efté confirmé dans cet emploi jufqu'à sa mort qui arriva le trente Octobre 1432. après trois jours de maladie. Son corps fut enterré dans l'Eglife du Monastere de faint Sauveur à Boulogne. Prefentement ils tiennent le Chapitre General tous les trois ans, & le General qui a fini fa Superiorité doit vaquer pendant fix ans.

Ces Chanoines Reguliers ont environ quarante-trois Monafteres, dont il y a trois celebres Abbaïes à Rome, fçavoir faint Laurent extra muros, fainte Agnés auffi extra muros, & faint Pierre aux Liens, quia efté pendant un tems fous la protection du Roy de France. Quant à leurs Obfervances, ils ne mangent de la viande que le Dimanche, le Mardi & le Jeudi feulement à difner, & par Dispense au fouper. Ils peuvent neanmoins manger du potage à la viande le foir. Outre les jeûnes de l'Eglife, ils jeûnent tous les Vendredis depuis la Fefte de Pafques jufqu'à la Fefte de l'Exaltation de fainte Croix. Ces jours-là, depuis Pafques jufqu'à la Pentecofte, on leur donne une falade à la Collation & quelques fruits, & depuis la Pentecofte jufqu'à la Fefte de la fainte Croix ils n'ont que du pain, Depuis cette Fefte jufqu'à l'Advent, & depuis Noël jufqu'au Mercredi des Cendres, ils jeûnent le Mercredi, le Vendredi & le Samedi, & à la Collation ils n'ont que du pain, excepté le Samedi qu'ils peuvent manger de la falade & du fromage. Ils jeûnent encore pendant l'Advent, les veilles de la fefte du faint Sacrement, de faint Auguftin, de la Nativité de la Vierge, & de la Dedicace de l'Eglife

CHANOI NES REGU

BOULOGNE

l'Eglife du Sauveur, & le Vendredi Saint ils jeûnent au pain & à l'eau ; tous les jours ils font l'Oraifon après Complies LIERS DE S. pendant une heure ou trois quarts d'heure, après laquelle SAUVEUR DE ils peuvent dire leur coulpe au Superieur, outre le Vendredi qu'on tient le Chapitre pour ce fujet. Voici la Formule de leurs Voeux: Ego Domnus N. facio Profeffionem & promitte Obedientiam Deo & B. Maria & B. Auguftino & tibi Domno N. Priori Monafterii SS. NN. vice Domni Prioris Generalis Canonicorum Regularium Congregationis S. Salvatoris Ordinis S. Auguftini & fuccefforum ejus, fecundum Regulam B. Auguftini & Inftitutiones Canonicorum ejufdem Ordinis, quod ero obediens tibi, tuifque fuccefforibus ufque ad mortem. Ils n'ont que des chemises de laine. Nous avons ci-devant parlé de leur habillement, nous ne repeterons point ce que nous avons dit. Les Freres Convers font habillés comme les Preftres, excepté que leur rochet eft lié d'une ceinture de cuir. Ils ont auffi des Freres Commis qui font habillés de gris: Ils ont pour armes le Sauveur du monde tenant un livre ouvert où font écrites ces lettres, A, & .

Voiez Jofeph Mozzagrunus, Narratio rerum geftarum Canonic, Regal.Joan Bapt. Signius, de Ordine & ftatu Canon. Reg. S. Salvatoris. Penot, Hift. tripart. Canonicorum Regul. lib. z. cap. 48. Silvest. Maurolic. Mare Oceano di tut. gli Relig. Paul Morigia, Origine de toutes les Religions. Hermant, établissement des Ordres Religieux Chapitre 53. Tambur, de Jur. Abbat. difput. 24. queft. 4: num. 30. & les Conftitutions de cet ordre,

Tome 11.

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Des Chanoines Reguliers de la Congregation de France vulgairement appellée de fainte Genevieve; avec la vie du Reverend Pere Charles Faure Instituteur de cette Congregation.

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Ous eftant propofé de donner dans cette Hiftoire des Ordres Religieux un abregé des Vies de leurs principaux Fondateurs & Reformateurs, il eft jufte que nous parlions du Reverend Pere Charles Faure à qui la France eft redevable de lui avoir procuré la Congregation des Chanoines Reguliers, qu'on appelle de France & plus communement de fainte Genevieve, qui fait l'un des plus beaux ornemens de l'état Regulier dans ce Roïaume.

Il nâquit l'an 1594. à quatre lieuës de Paris, dans le Village de Luciennes, ou fes Parens avoient une Maison de campagne. Son Pere fe nommoit Jean Faure Seigneur de Marfinval, Commiffaire ordinaire des Guerres ; & fa Mere Magdelaine le Boffu. Il fut nommé Charles fur les fonds de Baptême, & dès fa plus tendre jeunesse il montra beaucoup d'inclination pour la vertu, & une grande averfion pour le vice; car à peine avoit-il cinq ans qu'aïant fçu que fa nourrice avoit efté reprise de quelques defordres, il ne voulut plus fouffrir fes careffès, & fuïoit mefme fa prefence.

Il aimoit paffionnément toutes les choses qui regardent le culte des Autels, & il eftoit fi porté à faire l'aumofne, que fouvent il fe levoit exprès de grand matin pour prendre les fruits qui eftoient fous les arbres, afin de les cacher & de les donner enfuite aux pauvres. Son humeur eftoit extrêmement douce, fon cœur tendre & genereux; & quoi qu'il fust vif & plain de feu, il eftoit néanmoins judicieux & moderé, patient & perfeverant dans le travail ; enfin il fembloit que que Dieu avoit mis en lui tous les caracteres qui font propres à former les grands hommes.

Son pere l'envoïa à l'âge de dix ans à Bourges pour y faire fes études au College des Reverends Peres Jefuites ; mais l'air

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