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plus que vingt jours, il voulut finir fes leçons, afin que fa re-
traite fe fift avec moins d'éclat. Ce tems eftant arrivé, Vere-
cundus qui eftoit auffi fon ami, lui prêta fa maifon de cam-
pagne, où il fut accompagné de fa mere, de Navigius fon
frere, de Trigete & de Licentien fes Difciples, de Laftinien &
de Ruftique fes coufins, d'Adeodat fon fils, & de fon ami
Alippe. Ces deux derniers reçurent avec lui le Baptême par
les mains de faint Ambroife, lorfque le tems de le conferer fut
venu. Il retourna à cet effet à Milan pour se faire inferire fur
le catalogue de ceux qui le demandoient, & aprés qu'il l'eût
reçu, il renonça tout-à-fait aux vaines efperances qu'il avoit
eues de s'avancer dans le monde. Femme, enfans, richeffes,
dignités & honneurs; tout cela n'occupa plus fon efsprit, il
ne s'appliqua uniquement qu'à fervir Dieu; & afin de le faire
plus tranquillement, & que rien ne l'en detournât, il forma une
petite focieté de quelques-uns de fes amis & de fes compatrio-
tes, avec lefquels il vêcut. Monique eut foin d'eux comme
s'ils euffent efté tous fes enfans, & avoit d'ailleurs pour eux
autant d'égard & de foùmiffion, que fi chacun d'eux eût esté
fon Ils avoient tous le même deffein de mener une vie
pere.
parfaite, & ils n'eftoient en peine que du lieu où ils fixeroient
leur demeure. Ils refolurent de retourner en Afrique,& furent
au port
chercher
d'Oftie pour y
embarquement. Ce fut en
cet endroit que Monique mourut, & aprés que fon fils lui eût
fermé les yeux & donné la fepulture à fon corps, ils partirent
pour l'Afrique.

Auguftin ne fut pas plûtôt arrivé à Thagaste, qu'il vendit
tout le bien qui lui pouvoit revenir de la fucceffion de fes
pere & mere, il en diftribua le prix aux pauvres ; & s'eftant
retiré avec fes compagnons dans un lieu folitaire prés de cette
ville, il y demeura pendant trois ans dans des veilles & des
oraifons continuelles, menant avec eux une vie femblable à
celle des Moines de l'Egypte. Ce fut là fon premier Monastere;
car il
y a bien de l'apparence qu'il n'a pas paffé trois ans dans
ce lieu, & qu'il y ait pratiqué tous les exercices de la vie Mo-
naftique, fans qu'il y eut un Monaftere.

Quelques affaires l'appellerent à Hippone, où Valere qui en eftoit Evêque, prêchant un jour; & aïant parlé de la neceffité qu'il y avoit d'ordonner quelques Frêtres, le peuple qui connoiffoit le merite d'Augustin & sa capacité, fe falfit

VIE DE S. AUGUSTIN.

AUGUSTIN.

VIE DE S. de lui & le prefenta à l'Evêque, qui l'ordonna malgré fes larmes & fes refiftances. La premiere chofe qu'il fit lorfqu'il fe vit Prêtre, fut de demander un lieu pour y bâtir un Monaftere semblable à celui de Thagafte; ce que Valere lui accorda, lui donnant un jardin qui tenoit à fon Eglife. De ces deux Monafteres d'Hippone & de Thagafte, il en fortit plufieurs de fes Difciples qui peuplerent l'Afrique de Monasteres : c'est pourquoi ce Saint Docteur a efté regardé comme l'Inftituteur des Moines & des Monafteres d'Afrique, puifqu'en effet c'eft lui qui y a établi l'Ordre Monaftique.

Sa reputation augmentant de jour en jour, Valere qui avoit peur qu'on ne le ravît à fon Eglife pour le faire Evêque, & voulant le conferver pour fon Diocele, écrivit à Aurele Evêque de Carthage, pour le prier de le lui donner pour Coadjuteur. Aurele y confentit avec joïe; mais Auguftin y refifta fortement. Il fe foûmit neanmoins à ce qu'on exigeoit de lui, & fut facré Evêque d'Hippone l'an 395.

Depuis fa promotion à la Prêtrife, il avoit toûjours demeuré avec les Religieux dans le Monaftere qu'il avoit bâti au lieu que lui avoit accordé l'Evêque Valere; mais fi-tôt qu'il fe vit revêtu de la dignité Epifcopale, il crut que l'obligation où il eftoit de recevoir ceux qui le venoient vifiter, pourroit troubler la tranquillité du Cloître, & donner atteinte à l'observance reguliere; c'eft pourquoi il fit de fa maison Epifcopale une Communauté de Clercs; c'est-à-dire de Prêtres, de Diacres & de Sou-diacres, qui deffervoient fon Eglife; aufquels il fit obferver la vie commune que les premiers Chreftiens avoient pratiquée. Perfonne ne pouvoit rien avoir en propre, tout y eftoit en commun. C'eftoit la loi, à laquelle tous ceux qui y entroient, fçavoient qu'ils eftoient obligés; il n'ordonnoit même aucun Clerc, qui ne s'engageât à demeurer avec lui à cette condition. De forte que fi quelqu'un quittoit cette maniere de vie, il lui oftoit la Clericature, & le degradoit comme un deferteur de la fainte Societé qu'il avoit embraffée, & de la profeffion qu'il avoit voüée.

&

Ainfi tous fes Ecclefiaftiques eftoient pauvres avec lui, & attendoient la mifericorde de Dieu par la charité de l'Eglife par les offrandes des Fideles, qu'on leur diftribuoit à chacun felon leurs befoins. Ceux qui avoient quelque chofe, eftoient obligés ou de le diftribuer aux pauvres, ou de le

mettre

AUGUSTIN,

mettre en commun, ou de s'en defaire de quelqu'autre ma- VIE DE S. niere que ce fut. Mais ceux qui n'avoient rien apporté, n'étoient point diftingués de ceux qui avoient apporté quelque

chose.

Quand ils eftoient malades ou convalefcens, & qu'ils avoient befoin de manger avant l'heure du dîner, S. Augustin souffroit qu'on leur envoïât ce qu'ils demandoient; mais pour le dîner & le fouper, il vouloit qu'ils le priffent dans la Communauté & de la Communauté. Il mangeoit toûjours avec eux. La dépenfe de la table & des habits eftoit commune. Il ne vouloit rien avoir, ni rien recevoir qu'en commun ; & quand on lui donnoit quelque chofe qui ne pouvoit fervir qu'à lui, il le vendoit afin que le prix fût misen commun.

L'entrée de cette maifon ne fut jamais permise à aucune femme'; non pas même à fa fœur,qui eftoit veuve & Superieure d'un grand nombre de Vierges; & fi fon devoir Paftoral l'obligeoit quelquefois de recevoir des visites, ou d'en rendre à des femmes, il eftoit toûjours accompagné par quelques-uns de fes Clercs. Ses Efcrits font affés connoiftre quel eftoit fon zele & fa vigilance Paftorale, fon humilité, fon amour pour Dieu, pour les pauvres, & pour les interests de fon Eglife. Il mourut le 28. Aoult de l'an 430. & s'il ne fit point de teftament ( comme dit Poffidius, qui eft le premier Escrivain de fa vie) c'est parce qu'il eftoit pauvre. Il a laiffé neanmoins beaucoup en donnant à l'Eglife fes ouvrages, qui furent confervés par une efpece de miracle, lorfque la Ville d'Hippone fut bruflée par les Vandales peu de tems après la mort ; fans neanmoins que fon Eglife & la Bibliotheque fuffent endommagés.

Son corps refta à Hippone jufques en l'an 504. que les Evêques d'Afrique aïant efté relegués en Sardaigne par Trafamond Roi des Vandales, y transporterent avec eux ces faintes reliques, qui y demeurerent jufqu'à ce que les Sarafins estant entrés dans cette Ifle, & l'aïant ravagée; Luitprand Roi des Lombards, donna une grande fomme d'argent pour les avoir, & les fit porter d'abord à Gennes & de là à Pavie, où il les fit mettre dans une Eglife qu'il avoit fait bâtir fous le titre de S. Pierre au Ciel d'or. Les Benedictins la poffederent d'abord, & y demeurerent jufqu'en l'an 1222. qu'Honorius III. y mit des Chanoines Reguliers: Jean XXII. leur joignit en 1327les Ermites de S. Auguftin. Ils eurent d'abord chacun en par Tome II.

B

VIE DE S. AUGUSTIN.

tage un colté de cette Eglife qui fut feparée par une ligne ou trait que l'on voit encore. Les divifions qui arrivoient tous les jours entr'eux au fujet des offrandes & des oblations, firent que dans la fuite on leur donna à desservir cette Eglife à l'alternative pendant un mois, ce qui a duré jusqu'à la fin du dernier fiécle, que leurs differends s'eftant renouvellés au fujet corps de S. Augustin, que l'on crut avoir decouvert dans eette Eglife, ils la deffervent à l'alternative pendant huit jours.

du

La découverte du corps de ce Saint fe fit le premier Octobre 1695. ou du moins d'un corps, que quelques-uns ont pretendu eftre veritablement le corps de faint Auguftin. Les Auguftins ne firent aucune difficulté de le croire, & donnerent plufieurs efcrits pour prouver leurs pretentions. Les Chanoines Reguliers qui foûtenoient au contraire que le corps qu'on avoit trouvé n'eftoit point celui de S. Auguftin, firent auffi des efcrits pour appuïer leur fentiment: cette dispute n'eftoit pas encore finie en 1698. lorfque je paffai par Pavie au mois de Juin de la même année. Le P. Jules Baudin de l'Ordre des Auguftins, par ordre de fon General venoit d'y faire paroistre une Differtation,pour prouver encore plus fortement que ceux qui avoient efcrit avant lui, que c'eftoit veritablement le corps de faint Auguftin qui avoit efté trouvé; mais fes raisons n'ont pas neanmoins convaincu les lecteurs, & tous les efcrits qui ont efté faits de part & d'autre n'ont rien decidé. On trouva, dit-on, le nom d'Agostino efcrit fur un maftic qui enveloppoit le tombeau de marbre où eftoit le corps de S. Auguftin, & dans l'épaiffeur de ce qui couvroit le tombeau, le même nom d'Agostino, eferit avec du charbon, ou quelqu'autre chofe qui pouvoit aisément s'effacer; comme en effet ce nom fut effacé par les ouvriers qui travailloient à le lever de terre,il y eut même des perfonnes à Pavie, qui me voulurent perfuader que ce nom n'avoit efté efcrit qu'avec le doigt fur la pouffiere. C'eft neanmoins fur ce mot, que le P. Baudin femble appuïer beaucoup Les pretentions dans fa Differtation qui a pour titre : Tumulus S. P. Auguftini, magni Ecclefia Magiftri, ac Auguftini Ticiniż Regii protectoris Differtatione Hiftorico-Canonica illuftratus.

Le P. Dom Bernard de Montfaucon paffa auffi à Pavie en 1698. & a donné l'hiftoire de cette découverte dans le Journal de fon voïage, imprimé à Paris l'an 1702. Il nous affure qu'aïant prié les Auguftins de lui montrer ce qu'on avoit

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