NES REGU GAUNE confume, dit le sçavant Benedictin, qui ajoute que ce faint CHAN Severin ne peut pas non plus avoir gueri en allant à Paris Eulalius ou Euladius Evêque de Nevers, comme il est mar- S. MAURI qué dans quelques manufcrits de la vie de ce Saint, puisque CDAcet Eulalius n'occupoit point pour lors le Siege Epicopal de Nevers : ainsi ce n'est point sur la vie de saint Severin, écrite par Fauste, que l'on doit s'appuier pour prouver l'antiquité du Monastere d'Agaune, & l'on n'a aucune preuve que la Regle de faint Bafile y ait esté observée dans le cinquiéme fiécle, comme quelques Auteurs ont avancé. Il faudroit auparavant prouver qu'il y eust eu un Monastere dès ce tems-là à Agau-ne; mais il y a bien plus d'apparence que la premiere fonda-tion de ce Monaftere fut faite par le Roi Sigifmond, & qu'il joignit ce. Monastere à l'Eglise de saint Maurice qu'il fit reparer.. Ce Prince, après la mort de Gondebaud son pere, fucceda au Roïaume de Bourgogne l'an 515. & après avoir abjuré l'herefie d'Arius, dont les Bourguignons avoient esté jusqu'alors infectés, il crut qu'il ne pouvoit pas donner des marques plus signalées de son attachement à la Religion Catholique, que de reparer avec beaucoup de magnificence l'Eglise où repofoient les corps desaint Maurice & de ses Compagnons, & d'en confier la garde à des Moines qui y chantassent les loüanges de Dieu. Quelques-uns prétendent qu'il fit cette Fondation par un autre motif, & que ce fut pour expier le crime qu'il avoit commis, en faisant mourir son fils Sigeric. Ce Prince avoit épousé en premieres nôces Ostrogothe, l'une des filles de Theodoric, Roi d'Italie; dont il eut entr'autres enfans un fils nommé Sigerie. Après la mort de cette Reine, il épousa une de ses servantes, qui aïant conçu une haine contre Sigeric, perfuada à Sigismond qu'il avoit conspiré contre lui, pour se mettre la Couronne fur la tête. Sigifmond trof credule, fit étrangler son fils avec une serviette, comme il estoit endormi; mais auffi-tôt touché de repentir (à ce que disent ces Historiens,) & penetré de douleur, il fit bâtirle Monastere d' A gaune l'an 522. Mais ce Monaftere & l'Eglife de S.Maurice estoient bâtis dès l'an 515.& il est vrai que Sigifmond après le meurtre de fon fils, se retira l'an 522. à Agaune, où il passa plusieurs jours en jeûnes, & en larmes, au tombeau de $. Maurice, demandant à Dieu d'être puni en cette vie, plutôt, CHANOI- qu'en l'autre. Sa priere fut exaucée; car l'année suivante 523. it NES REGU fut attaqué par Clodomir Roi d'Orleans, & vaincu. Il se retira S.MAURI- secretement sur le haut d'une montagne inaccessible; & de LIERS DE CE D'A GAUNI. peur que ses gens ne le livrassent entre les mains des François, il se coupa lui-même les cheveux, & se revêtit de l'habit Monastique, dans l'intention de passer le reste de ses jours dans le Monastere d'Agaune, comme ceux qu'il croïoit ses plus fidelles serviteurs lui avoient conseillé. Mais à peine fut-il arrivé à la porte de ce Monastere, qu'ils le livrerent entre les mains des François. Clodomir l'emmena revêtu de son habit Monaftique avec sa femme & ses enfans, & les mit en prison près d'Orleans. Il les y garda jusqu'à l'année suivante 524. qu'il refolut de les faire mourir. Saint Avit, Abbé de Micy près d'Orleans, dit à Clodomir, que s'il épargnoit ces Princes dans la vûë de Dieu, il seroit avec lui & remporteroit des victoires; maïs que s'il les faisoit mourir, il periroit de même avec sa femme, & fes enfans. Clodomir se mocqua de ce conseil, & fit tuer Sigifmond, avec sa femme & fes enfans, les fit jetter dans un puits, & marcha en Bourgogne, pour aller faire la guerre à Godomar frere de Sigifmond, où il fut tué lui-même, dans un combat près d'Autun, l'an 525. A Il y en a qui ont aussi prétendu que c'étoit dans le Monaftere d'Agaune, qu'on suivoit la Regle de Tarnat; mais nous parlerons en un autre lieu de cette Regle, & de celle qu'on fuivoit à Agaune, en rapportant les differentes Regles qui ont eu cours en Occident: Nous nous contenterons de dire à present, que Tarnat & Agaune estoient deux Monafteres differens; & que c'est à tort qu'ils ont esté confondus par quelques Historiens; puisque Tarnat estoit situé dans le Lyonnois proche Vienne & qu'Agaune estoit dans le Wallais. Le premier Abbé d'Agaune fut Himnemonde, que le Roi Sigismond avoit fait venir du Monastere de Grave; ce Prince voulut que les Religieux chantassent continuellement jour & nuit les loïanges du Seigneur. Ils estoient divisés en neuf bandes, pour se succeder les uns aux autres, & chanter les Heures Canoniales ou Nocturnes, Matines, Prime, Tierce, Sexte, None, & Vespres; on ne parloit pas encore pour lors des Complies, dont on doit l'Institution à faint Benoist. Environ cent ans auparavant cette forte de Pfalmodie continuelle avoit 1 : NES REGU 4 CE D'A avoit esté instituée en Orient par saint Alexandre, Fondateur CHANOL des Acémetes; comme nous avons dit dans le Chapitre xxix. LIERS DE de la premiere partie; mais le Monastere d'Agaune fut le S. MAURI premier en Occident où elle fut establie; c'est ce qu'ona ap- CA pellé en latin, Laus perennis; plusieurs autres Monafteres non seulement d'hommes, mais aussi de filles, imiterent celui d'Agaune. Entre les hommes, les principaux furent ceux de faint Benigne de Dijon, de saint Denis en France, de faint Martin de Tours, de saint Riquier, de Luxeüil, & quelques, autres. Parmi les Monasteres de filles, il y eut ceux de Remiremont, & de saint Jean de Laon. Il y avoit dans ce dernier près de trois cens filles, qui estoient aussi partagées par bandes à l'exemple des Moines de saint Maurice d'Agaune & des Religieuses de Remiremont. Les Moines de faint Maurice estoient divisés, comme nous avons dit, en neuf bandes; les Religieuses de Remiremont en sept. Les autres en avoient plus ou moins; mais ils ne formoient tous qu'un Chœur, qui estoit relevé par un autre. Ce qu'il y avoit de plus fingulier dans l'Abbaïe de saint Riquier, c'est que la Communauté estoit composée de trois cens Religieux. Il y avoit outre cela cent enfans qu'on y enseignoit, & qui portoient aussi l'habit Monastique. Ces trois cens Religieux, & ces enfans estoient partagés en trois Chœurs, qui pralmodioient continuellement jour & nuit dans l'Eglise de cette Abbaïe; cent à la Chapelle de faint Sauveur avec trente quatre enfans; cent à la Chapelle de faint Riquier avec trente - trois enfans, & autant de Religieux & d'enfans à la Chapelle de la Paffion Ils se trouvoient tous à toutes les Heures Canoniales; & lorfqu'elles estoient finies, un tiers de chaque Chœur se retiroit pour aller à ses affaires & à ses besoins, pendant que les deux autres tiers continuoient de pfalmodier à voix baffe. Ceux qui estoient fortis, estant retournés à l'Eglise, il en sortoit de chaque Chœur autant qu'il en estoit entré, ce qui se pratiquoit de mesme, lorsqu'il falloit aller au refectoire ou pren dre le repos. L'Abbaïe d'Agaune, qui avoit d'abord une Regle particuliere, & non pas la Regle de faint Bafile, comme quelquesuns prétendent, embrassa dans la suite celle de saint Benoift. Mais les Benedictins en aïant esté chassés par l'Empereur Loüis le Debonnaire l'an 824. on fubftitua à leur place des Cha Tome II. L CHANOT-noines Seculiers. Trente ans après ou environ cette Abbaïe NES REGU- aïant esté donnée à Hubert, frere de Thietberge femme de S. MAURI- Lothaire Roi de Lorraine ; ses biens & fes revenus furent LIERS DE CE D'A GAUNE. diffippés par la mauvaise vie de cet Abbé, l'Office Divin fut interrompu; ce qu'on avoit accoustumé de donner aux Ministres des Autels, estoit diftribué à des courtisannes,à des fcelerats, & emploié pour la nourriture d'un grand nombre de chiens; il époufa mesme une femme déja mariée, qui estant separée de fon mari, estoit entrée dans un Monaftere, d'où il l'enleva. Charles le Chauve, aprés la mort de sa femme Hermintrude, aïant épousé, aussi-tost qu'il en eut reçu la nouvelle, Richilde qu'il entretenoit comme concubine; il donna l'Abbaïe de faint Maurice au Comte Bofon frere de Richilde, lequel se fit couronner quelque tems après, Roi de Provence ou d'Arles. Mais dans le neuviéme le & dixiéme fiécle, on n'estoit pas furpris de voir des Abbaïes entre les mains des Seculiers & de perfonnés Laïques & mariées. Souvent des hommes eftoient Abbés de Monafteres de filles, & des filles ou femmes avoient des Monafteres d'hommes, avee le titre d'Abbés, & mesme on en donnoit pour dot en mariage. L'Abbaïe de faint Maurice avoit esté déja ravagée par les Lombards dès le huitième siécle. L'Empereur Charlemagne l'avoit fait reparer; mais elle fut encore brûlée par les Sarrafins dans le dixiéme siécle; & les Observances n'y furent entierement rétablies, que lors qu'on y euft mis des Chanoines Reguliers, ou que les Chanoines Seculiers qui y estoient fe furent foumis à la defapropriation, & eurent reçu la Regle de faint Auguftins ce qui ne peut eftre arrivé qu'au commencement du douziéme fiécle, ou fous le gouvernement de l'Abbé Hugues, qui avoit fait rebaftir l'Eglife, qui fut confaerée par le Pape Eugene III. l'an 1146. Ces Chanoines furent en grand credit; on en demanda en plusieurs endroits, & ils formerent une Congregation, dont l'Abbaïe de faint Maurice fut Chef. Ils portoient un camail rouge sur le rochet; c'est pourquoi Guillaume Comte de Ponthieu, l'an 1210. leur affigna tous les ans, treize livres de rente fur la halle d'Abbeville, pour acheter vingt-aunes d'écarlate pour leurs Au Trefor Capuces des Chartes. Regist 31. • L'on rouve dans le Ttresor des Chartes du Roi, des Lettres num. 83. LIERSDES de Guillaume Abbé & des Religieux de cette Abbaïe, de CHANO l'an 1261. qui portent que l'Abbé defirant fatisfaire la devo- NES REGU tion que le Roi faint Loüis avoit de fonder des maisons de cet MAURICE Ordre, il lui avoit demandé quelques Reliques des faints D'AGAUNE Martyrs dela Legion de saint Maurice estant dans son Abbaïe, qu'à cet effet, il en avoit tiré quelques-unes du trefor de fon Eglife, & les avoit envoïées à ce Prince, qui les avoit reçuës folemnellement en Proceffion accompagné de plusieurs Prelats, Ecclesiastiques & Seculiers, & les avoit fait porter dans la Ville de Senlis, pour les déposer dans l'Eglise ou Chapelle qu'il vouloit fonder proche de fon Chafteau, prétendant les disperser en plusieurs Eglifes & Monafteres de fon Roïaume ou il inftitueroit des Chanoiness & de crainte que dans la fuire il n'arrivât quelque different entre lui & l'Evesque de Senlis touchant l'Institution de ces Chanoines, il estoit demeuré d'accord avec Robert Evefque de Senlis, que les Chanoines de son Ordre que le Roi met troit dans cette Eglise ou Chapelle qui feroit dediée en l'honneur de la fainte Vierge, de faint Maurice & de ses Compagnons, observeroient l'usage & les ceremonies de l'Eglise de Paris, en faisant l'Office divin comme faisoient les Chapelains de la Chapelle du Roi: que ces Chanoines pourroient du consentement du Roi en recevoir d'autres sans en demander permission à l'Evesque, qui ne pourroit les oster pour quelque raison que ce fust sans le congé du Roi, fi ce n'estoir pour cause de scandale : que ces Chanoines après la mort de Ieur Prieur en pourroient élire un autre de leur Maison, ou d'une autre de leur Ordre sans sa permiffion: que l'Evefque de Senlis & ses Successeurs y pourroient prefcher, confir mer, donner les Ordres, & y faire l'Office divin en donnant Acte au Prieur, comme ils n'entendent pas par-là préjudicier aux libertés &privileges de cette Eglife: qu'il n'y pourroit faire la visite qu'une fois l'année du consentement du Roi: que s'il y a quelque chose à corriger il en avertira le Prieur ; & fi la correction regarde le Prieur, il en donnera avis à l'Abbé. Les Reliques des Compagnons de saint Maurice furent deposées d'abord dans une petite Chapelle, & faint Loüis ne fit bâtir l'Eglise de faint Maurice & le Monaftere que l'an 1264. & y mit treize Chanoines. Il y avoit auffi in Prieuré de cet Ordre à Semur en Bourgogne sous le titre de faint Jean : |