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SES DE LA

N. DAME.

RELIGIEU- regulierement tous les Dimanches & Festes avec son zele orCongre- dinaire , & mesme très souvent les jours de travail ; mais les SATION DE oreilles de la jeune Alix estant bouchées par la vanité , & fon

cæur couvert de tenebres , ne pouvoient encore recevoir les lumieres ; néanmoins comme elle avoit beaucoup de devotion à la sainte Vierge, un jour qu'on celebroit une de ses Festes, elle refoluti d'aller à confeffe & fit appeller le P. Fourier pour ce sujet, qui se trouvant pour lors occupé , ne put venir, & la devotion de cette jeune fille se ralentit. Mais comme Dieu se fert de plusieurs moiens pour nous attirer à lui, il permir que par trois Dimanches consecutifs l'orsqu'elle aslistoit à la Messe de Paroille, elle entendit en l'air comme le fon d'un tambour qui lui ravisfoit les sens. Aimant fort le divertillement & la dance, elle estoit fort attentive au son de cet instrument qui l'appliquoit entierenient. Mais le dernier Dimanche son elprit estoit fi fort occupé à entendre ce tambour ( comme elle le dit dans ses efcrips) que tout hors d'elle-mesme, il lui fembla voir un Diable qui frapoit ce tambour, & une troupe de jeunes gens qui le suivoient avec joïe. Ce que considerant attentivement, elle refolut sur l'heure de n'eftre plus à jamais du nombre de cette troupe ; & pleine de honte & de confusion de s'estre laissée entraîner aux illusions du Demon, elle quitta tous ses habits de vanicé & prit un voile blanc sur sa telle comme les fimples filles du village le portoient lorfqu'elles vouloient communier, & fit væu de chastere, ce qui allarma ses parens & fit parler beaucoup le monde, d'autant que la devotion estoit nouvelle à Mataincourt. Elle alla voir ensuite le P. Fourier pour la premiere fois , afin de fe metre fous fa conduite : elle lui fit une confession generale ; & sur ce qu'elle lui témoigna le grand defir qu'elle avoit d'estre Religieuse, il lui proposa plufieurs Ordres où l'Observance Reguliere estoit exactement gardée. Mais elle ne se sentoit

pas appellée à ces Ordres qui estoient déja establis', il lui fembloit au contraire que Dieu demandoit d'elle qu'elle en establist un nouveau. Le Pere Fourier l'en detournoit wûjours, & lui confeilloit d'entrer plutoft dans un Instiair déja approuvé par le faint Siege, fur la difficulté qu'il y auroit de trouver des film les qui voulussent embrasser cette nouvelle vocation. Mais les revelations qu'elle eut , juintes à celles du Pere Fourier, kui firent commoistre que Diell approuvoit lon deffein ; & ce qui la

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fortifia dans sa resolucion , fur qu'en moins de six semaines ou RELIGIEU- . deux mois, trois filles vinrent l'une après l'autre la trouver CONGREpour lui dire la resolution qu'elles avoient prise d'estre Reli-GATION DE gieuses avec elle. Elle les mena aussi-toft au Pere Fourier, qui jugeant par là que Dieu approuvoit l'establissement qu'elle avoit projecté, consentit à ce qu'elles vécussent ensemble, & il leur prescrivit quelque maniere de vivre,

Cependant les parens de la mere Alix offensés des murmures & des calomnies que l'on faisoit contr'elle à cause de ces devotions nouvelles , la firent conduire dans un Monastere de Sæurs grises , qui sont des Hospitalieres du Tiers Ordre de saint François , & qui ne gardenr point de clôture ; mais elle leur dit que Dieu ne l'appelloit point à cet eftat , & qu'elle n'avoit aucune intention d'y demeurer, Elle dit adieu à ses Compagnes, & les assura qu'elle viendroit bien-tost les rejoindre. Elle escrivit au Pere Fourier pour lui procurer fon retour. Elle emploïa aussi le credit de Madame d'Aspremont & de Madame Fresnel Chanoinesses de Poussey , à qui elle avoit communiqué son deffein , & ces Dames foliciterent fi forcement auprès de ses parens, & les prierent avec tant d'inftance de la laisser avec elles , qu'ils la leur accorderent. Elle alla donc à Poussey avec ses Compagnes la veille de la Feste du saint Sacrement de l'an 1597. & ce fut en ce lieu qu'elles jetterent les fondemens de la Congregation , s'exerçant en des prieres & des veilles comtinuelles. Elles commencerent à instruire les jeunes filles , & le P. Fourier fit approuver l'année suivante par M. l'Evesque de Toul les Reglemens qu'il leur avoic prescrits. Elles ne demeurerent qu'un an à Poussey à cause que l’Ab

à
belle & quelques Chanoinesses les obligerent d'en sortir, dans
l'apprehension que quelques Dames de cette Eglise ne s'adon-
nallent crop à la retraite à l'imitation de ces saintes filles. Mais
Madame d'Aspremont voulut eftre leur Protectrice en leur
achetant une maison à Mataincourt dont la Mere Alix fut Su-
perieure. Les habitans de ce lieu reconnoillant peu l'utilité &
le profit qu'ils retiroient de la pieté de cette sainte Commu-
nauté où leurs enfans estoient enseignés gratuitement , ne vou-
lurent

pas
ceder une maison plus

grande que celle qu'elles • poffedoient & que Madame d'Aspremont leur avoit achetée c'est pourquoi elle resolat de les envoier à faint Mihiel dans

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GATION DE
N. DAME.

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RELIGIEU« une belle maison grande & spacieuse qui lui appartenoit &
CONGRE.. qu'elle leur donna.

Elles sortirent de Mataincourt pour aller prendre poffeffion
de cette nouvelle Maison le 7. Mars 1601. Eīles n'estoient en-
core qu'au nombre de quatre, scavoir la Mere Alix le Clerc,
& les Mcres Gante André, Jeanne de Louvroir , & Claude
Chauvenel: mais leur nombre s'augmenta peu de tems après.
Madame d'Aspremont leur donna tous les meubles necessai-
res , avec une bonne provision de bled, & ordonna aux Mar-
chands de la ville de ne leur rien refuser de ce qu'elles au-
roient besoin , promettant de les satisfaire. Elles ouvrirent en-
suite leurs claffes, & on ne peut comprendre les austerités
qu'elles pratiquerent pendant les six premieres années de leur
eltablissement. Elles ne mangeoient le plus souvent qu'un peu
de pain bis, des fruits, ou de la salade, quelquefois des legumes
où un potage assez mal assaisoné, & ne buvoient jamais de vin.
Elles fouffrirent beaucoup de pauvreté dans le coinmencement,
parce qu'elles ne voulurent pas se servir des offres de Madame
d'Aspremont , & qu'elles ne vouloient pas qu'on fçust leurs
besoins,afin de n'eltre point à charge au Public, & avoir sujet
de souffrir pour l'amour de Dieu. Elles s'abstinrent aussi de
manger

de la viande, & auroient souhaité continuer ce genre de vie, si les RR.PP. de la Compagnie de Jefus n'eussent remontré au R.P. Fourier que cette austerité ne pouvoit sublifter avec le travail & l'instruction de la jeunesse. Elles vivoient aussi dans une obéissance très exacte suivant les Reglemens provisionnels que le P. Fourier

leur avoit dressés,qui furent encore approuvés par le Cardinal de Lorraine Legat du Pape, qui approuva aussi certe Congregation fous le nom de la B. Vierge, & leur en donna des Bulles l'an 1603.

La meline année la Mere Alix & la Mere Chauvenel fortirent de saint Mihiel pour venir commencer un second establissement à Nancy. Quelque tems après il s'en fit deux autres, l'un à Verdun , & l'autre à Pont-à-Mousson , où la Mere Alix fut en l'année 1610. pour en eftreSuperieure;&après y avoir demeuré deux ans, elle alla aussi en la mesme qualité à Verdun, & ensuite à Chalons l'an 1613. pour y faire un pareit eltablissement.

Les Maisons se multipliant, les Meres, dans une assemblée qu'elles firent à Nancy l'an 1614. f our traiter avec le P. Fourier

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que les

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des affaires de leur Congregation, le prierent inftam:nent de RELIGIF
songer aux moïens qu'il faudroit prendre pour obtenirdu faint EO NORTEA
Siege la confirmation de leur Congregation ; la permission GATION DE
d'eriger leurs Maisons en Monasteres, avec celle de pouvoir
faire des Vaux solemnels. Le Cardinal de Lenoncourt Primat
de Nancy voulut bien se charger de cette negociation & estre
le Protecteur de ces bonnes Filles. Il follicita si fortement les
Bulles necessaires , qu'il en obtint une du Pape Paul V. le

premier Fevrier 1615. mais à cause des difficultés qu'on apporta a Rome de joindre l'instruction des petites filles externes avec la clôture, la Sainteré n'accorda par cette Bulle

penfionnaires. Le Cardinal de Lenoncourt sur de nouvelles initances en obtint une seconde le fixOctobre 1616. qui leur

permettoit l'instruction des filles externes. Cette Eminence fit encore davantage en faveur de cette Congregation nailfante,en youlant bien estre le Fondateur du premier Monastere, qui fut eftabli à Nancy; car quoique celui de saint Mihiel soit la

premiere Maison où la Congregation a esté formée, c'est neanmoins celle de Nancy qui la premiere a pris la clôture.

Pendant que par les ordres de ce Cardinal on bâtissoir ce premier Monastere,la Mere Alix avec une Compagne alla à Paris chez les Ursulines du fauxbourg saint Jacques, afin d'apprendre la methode qu'elles observoient en joignant avec la clô ture l'instruction des petites filles externes. Elle partit de Nancy le 12. Mars 1615.& fut receuë chez les Ursulines

par

Mademoiselle de sainte Beuve leur Fondatrice, & par Madame de Vill'ers de faint Paul,qui y avoit esté envoïée de l'Abbaïe de saint Estienne de Soissons pour establir parmi elles la Regularié, & qui fut dans la suite Abbesse de saint Estienne de Řheims. La Mere Alix y demeura près de deux mois pour y voir tous les exercices Reguliers, qu'elle pratiqua coinme ane Novice, enfuite de quoi elle retourna en Lorraine.

Le long sejour que le R.P. Fourier fit à Nancy durant l'année 1616. Iui donna le tems de cravailler aux Constitucions de cette Congregation, qui furent achevées sur la fin du mois de Fevrier 1617. Les aiant communiquées au Cardinal Primat en presence de quatre PP. de la Compagnie de Jesus , & aïane pris l'avis de quelques anciennes Meres de la Congregation, leur sentiment fut qu'il les porteroit à l'Evesque de Tout pour

le prier de les approuver & confirmer suivant le pouvoir

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Dus 10180, qu'il en avoit reçu du Pape par la Bulle de Confirmation de CONORIG, cette Congregation. C'eitoit pour lors Jean de Maïllane des »s N. D. Porcelets dont nous avons déja parlé autre part. Ce Prelat les

aïant examinées en presence de lon Conseil, y donna son approbation le 9. Mars 1617.

Le Monastere de Nancy estant en estat d'y pouvoir loger commodément, les premieres Meres de l'Ordre y vinrent pour prendre l’habit qu'elles reçurent des mains du Cardinal de Lenoncourt leur Fondateur , le jour de la Presentation de Notre-Dame ; & après que les Ceremonies furent achevées, son Eminence les conduisit processionnellement dans leCloistre en chantant le Te Deum. Quelques jours après , les Meres de saint Mihiel & de Châlons s'en retournerent chez elles

pour faire ériger leurs Maisons en Monasteres , & l'année du Noviciar estant expirée, la Mere Alix & les Compagnes firent leurs Væux folemnels entre les mains du R. P. Fourier le deuxiéme jour de Decembre 1618.

Ces trois Maisons de Nancy , de saint Mihiel & de Châlons ont esté les premieres érigées en Monafteres , d'où on a tiré des Religieuses Professes pour commencer la pluspart des autres Monasteres de la Congregation , qui fe font tellement multipliés , qu'il y en a presentement plus de 80. tant en Fran

Y ce qu'en Lorraine , en Allemagne & en Savoie. En 1641. quelques Monasteres ont reçu de nouvelles Constitutions , les autres sont demeurés dans l'observance des anciennes qui avoient esté dressées par le Pere Fourier. L'Archevelque de Sens Octave de Belgarde obligea les Monasteres de Provins , de Joigny, d'Etampes & de Nemours de son Diocele, de les recevoir. Son Successeur Louis-Henry de Gondrin drella des éclaircillemens ou Reglemens sur ces mesmes Conftitutions , tirés de tous les Livres & écrits du Pere Fourier , lesquels Reglemens furent imprimés à Paris en 1674. ces differentes Constitutions & ces Reglemens n'ont pas empesché que

tous les Monasteres ne soient demeurés dans une parfaite union, entretenant toûjours une grande correspondanceentr'eux.

Après la solemnité des Veux, la Mere Alix ne vécut que trois ans. Les grandes austerités & les macerations qu'elle exerçoit sur son corps , aïant abregé le cours de la vie, qu'elle termina dans la quarante-sixiéme année, estant morte le 9. Janvier 1622.

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