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DE LA RE

CHANCEL

LADE.

Obfervance des trois Vœux de pauvreté, de chafteté, & d'o- CHANOL béïffance. Le fixiéme recommande le foin de l'homme inte- NES REGUL rieur & l'exercice de l'Oraifon mentale. Dans le feptiéme il FORME DE eft parlé de la mortification. Le huitiéme regle l'habillement que l'on doit porter. Le neuviéme comprend quelques Reglemens pour les voïageurs, & enfin le dernier contient diverfes Obfervances & pratiques communes. Outre cela il dreffa des Regles particulieres pour les Officiers, lefquelles ne furent pas inferées dans les Conftitutions, parce qu'avant d'en rien ordonner il voulut reconnoître leur bonté par leur usage & par une longue experience.

Deux chofes pouvoient beaucoup prejudicier à la Reforme de Chancellade & la ruiner dans la fuite des tems; l'une fi les Chanoines avoient la liberté de prendre des Benefices fans permiffion de leurs Superieurs ; & l'autre fi les Abbés de ces Monafteres n'eftoient pas pris du corps des Chanoines de la mefme Reforme ; mais le faint Reformateur pourveut à ces deux inconveniens. Pour remedier au premier, il obligea les Religieux après les Voeux folemnels de faire un ferment entre les mains de l'Abbé,de ne rechercher jamais ni par foi, ni par autrui, ni directement, ni indirectement aucun Benefice; mais de fe laiffer gouverner en cela comme en toutes autres chofes par leur Superieur. A l'égard du fecond inconvenient, il prefenta une Requefte au Roi Louis XIII. dans laquelle il informoit Sa Majesté du reftabliffement de l'ancienne difcipline de fon Abbaïe, & des benedictions que Dieu refpandoit tous les jours fur la Reforme, la priant de vouloir fe demettre de fon droit de nomination à cette Abbaïe & de la rendre élective. Ce Prince voulant favorifer la Reforme accorda ce que l'Abbé demandoit ; & par fes Lettres Patentes du mois de Novembre 1629. enregistrées au Grand-Confeil le fept Janvier de l'année suivante, il ordonna que la dignité Abbatiale de Chancellade venant à vaquer par le decés ou par la demiffion volontaire de l'Abbé,les Chanoines Reguliers de cette Abbaïe feroient choix de trois Religieux Profez de cet Ordre qui auroient efté élevés en la Reforme, pour eftre prefentés à Sa Majefté, afin qu'elle en nommât un des trois pour eftre Abbé, voulant que les Religieux jouiffent de ce droit tant qu'ils vivroient & demeureroient dans la Reforme.

Après un fi heureux fuccés le faint Reformateur ne pen

CHANOI

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foit qu'à travailler à l'avancement de fa Reforme ; mais il fut DE LA RE- prié par le Cardinal de Richelieu, & par le P. Jofeph Inftituteur de la Congregation des Religieufes Benedictines du CHANCEL Calvaire, de faire la vifite des Monaiteres de cette Congregation. Il en receut la Commiffion l'an 1629. & s'en acquita avec beaucoup de fatisfaction de la part des Religieufes; mais il n'eut pas plutoft fini cette vifite, que le Cardinal de la Rochefoucaut, qui, comme nous avons dit ailleurs, avoit efté nommé Commiffaire Apoftolique par le Pape Gregoire XV. pour la reformation de plufieurs Ordres Religieux en France, lui envoïa une autre Commiffion au commencement de l'année 1630. pour visiter en fon nom les Monafteres de Chanoines Reguliers fitués dans les Diocefes de Perigueux, de Limoges, de Xaintes, d'Engouleme, & de Maillezais ; ce qu'il

fit auffi.

Ces emplois firent connoître de plus en plus les vertus de ce faint Abbé. Il fut establi la mesme année par un Arrest du Confeil, Administrateur de l'Abbaïe de la Couronne en Engoumois, jufqu'à ce que la Reforme y euft efté introduite,ce qui fut fait peu de tems après; car il envoïa une Colonie dans cette Abbaïe de Chanoines Reguliers de Chancellade qui y firent de grands fruits; & comme il n'y reftoit plus de veftiges des lieux Reguliers, le Reformateur y alla lui-mesme pour faire travailler à un Dortoir qui fut basti aux depens de Ï'Abbaïe de Chancellade. Peu de tems après il paffa un Concordat avec le Prieur de faint Gerard de Limoges, qui fut approuvé par le Cardinal de la Rochefoucaut, & autorifé par Lettres Patentes du Roi. Il y envoïa de fes Chanoines, & commença auffi-toft à faire baftir l'Eglife. Son intention eftoit d'y establir un Noviciat, & d'y faire un Seminaire de l'Ordre, mais les choses changerent dans la fuite, & ce Prieuré avec l'Abbaïe de Notre-Dame de la Couronne furent incorporés à la Congregation de France.

L'année fuivante l'Archevefque de Bordeaux Henri d'Efcoubleau de Sourdis Abbé Commendataire de Notre Dame de Sablonceaux en Xintonge, demanda des Chanoines de la Reforme de Chancellade pour peupler fon Abbaie qui eftoit prefque deferte, ce qui lui fut accordé. L'Abbé de Chancellade paffa un Concordat avec lui, & lui envoïa douze Religieux. Après ces establissemens il se prefenta d'autres occa

fions

CHANOI-
NES REGU
LIERS DE LA

REFORME
DE CHAN-

fions de porter la mefme Reforme en d'autres Monasteres. Les Chanoines de faint Ambroise de Bourges témoignerent au faint Abbé qu'ils fouhaitoient avoir de fes Religieux. L'Evefque de Pamiers Henry Eftienne de Caulet lui en deman- CELLADE. da auffi pour l'Abbaïe de Foix. M. Olier Curé de faint Sulpice à Paris & Abbé de Pebrac en Auvergne fit beaucoup d'instances pour en avoir, & on en demandoit en d'autres endroits, mefme jufques dans les Païs-Bas. Mais comme dans ce tems-là les Chanoines Reguliers de la Reforme du R.P. Charles Faure avoient esté unis en Congregation par le Cardinal de la Rochefoucaut, fous le titre de Congregation de France, on voulut auffi unir à cette Congregation les Maifons de la Reforme de Chancellade. Quelques Religieux Profez de cette Reforme y donnerent les mains, & le Cardinal de la Rochefoucaut, comme Commiffaire Apoftolique, ordonna que les Abbaïes de Chancellade, de Sablonceaux, & de la Couronne, avec le Prieuré de faint Gerard de Limoges, feroient unis à la Congregation de France. L'Abbé de Chancellade s'oppofa à cette union, & on plaida en plufieurs Tribunaux pour en empefcher l'effet. Dans le cours du procès, quelques Religieux de la Couronne & de faint Gerard, ennuïés du gouvernement de l'Abbé de Chancellade, appellerent les Religieux de la Congregation de France, & le trouvant les plus forts, ils chafferent ceux qui ne voulurent point quitter la Reforme de Chancellade.Enfin ce procès ne fut terminé que plufieurs années après la mort du Reformateur, & l'an 1670. il y eut un Arrest rendu au Confeil Privé, qui ordonna que les Religieux des Abbaïes de Chancellade, de Sablonceaux, de faint Pierre de Verteuil au Diocefe de Bordeaux, du Prieuré de Notre-Dame de Cahors, que le Reformateur avoit fondé eftant Evefque de Cahors, comme nous dirons dans la fuite, & du Prieuré de faint Cyprien au Diocese de Sarlat, feroient maintenus dans leurs anciennes observances & manieres de fe gouverner, conformément à la Reforme de Chancellade qui y avoit efté introduite, fans que les Religieux de la Congregation de France puffent les inquieter, ni les contraindre de s'unir à eux, en vertu des Sentences du Cardinal de la Rochefoucaut; & qu'il ne feroit pas permis à l'Abbé de Chancellade de prendre de nouvelles Maisons de l'Ordre.

Tome II.

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CHANOI- Cependant les vertus du faint Reformateur & les foins exLIERS DE LA traordinaires qu'il prenoit de fa Reforme, lui acquirent tant REFORME de reputation, que le Roi Louis XIII. jetta les yeux fur lui GELLADE. pour lui faire remplir la Chaire Epifcopale de Lavaur qui

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eftoit vacante. Il fit tous fes efforts pour ne point fe charger d'un fi pefant fardeau. Il alla mefme en Cour fe jetter aux pieds du Roi, pour le prier de l'en difpenfer; mais toutes les oppofitions qu'il apportoit pour ne point recevoir l'Episcopat l'en rendoient encore plus digne, ce qui fit que le Roi, au lieu de recevoir fes excufes, jugea que l'Evesché de Lavaur eftoit trop petit pour un Prelat fi vertueux, & le nomma à celui de Cahors l'un des plus grands du Roïaume, & qui vaquoit auffi. Cela augmenta fes peines; mais enfin reconnoiffant que c'ef toit la volonté de Dieu, il s'y foumit & le Brevet lui fut expedié le 17. Juin 1636. Il vouloit fe démettre de fon Abbaïe, mais le Cardinal de Richelieu fut d'avis qu'il la devoit garder pour l'avancement de fa Reforme & la conduire à fa perfection. L'on y trouva des difficultés en Cour de Rome, & il ne put obtenir fes Bulles que plus d'un an après fa nomination, ce qui lui donna plus de tems pour s'inftruire des devoirs d'un Evefque; & il fut facré le 27. de Septembre 1637. dans l'Eglife de fainte Genevieve du Mont à Paris, par l'Archevefque de Touloufe, affifté des Evefques de Senlis & d'Auxere. On voulut auffi l'obliger de quitter la foutane blanche pour prendre le violet ; mais il répondit que fa robe blanche ne lui faifoit point de honte, qu'il l'eftimoit plus que la Pourpre des Rois, & qu'il ne la quitteroit point.

Avant que d'aller dans fon Diocese, il fit une vifite dans les Monafteres de fa Reforme, pour dire adieu à fes enfans, & les confoler de la perte qu'ils faifoient de leur Pere. Il partit de Chancellade le 31. Janvier 1638. après avoir donné l'habit à quatre Poftulans, & prit le chemin de fon Diocese où il arriva le deuxième Février. La premiere chofe qu'il fit,fut de dreffer des Statuts & des Reglemens pour fa famille, qu'il fit obferver avec beaucoup d'exactitude. Elle eftoit compofée de huit Chanoines Reguliers qu'il avoit menés avec lui, de deux Preftres feculiers qui lui fervoient d'Aumofniers, & des Officiers & Valets qui lui eftoient abfolument neceffaires, retranchant tout ce qui reffentoit trop la pompe & l'éclat. De cesi huit Chanoines Reguliers, il y en avoit feulement trois qui de

NES REGU LIERS DE LA REFORME DE CHAN

meuroient continuellement avec lui, dont l'un eftoit fon CHANOIGrand Vicaire, un autre fon Secretaire, & le troifiéme eftoit Prefet fpirituel de la famille. Les autres eftoient prefque toùjours à la campagne pour inftruire les peuples, d'où ils ne re- CELLADE venoient qu'au tems des moiffons, afin de prendre un peu de repos, & pour donner le loisir aux Païfans de faire leur recolte.

Dès qu'il fut nommé à l'Epifcopat, on lui avoit representé qu'eftant une perfonne publique, il ne devoit plus vivre pour lui, & qu'il devoit conferver fa fanté qu'il ruinoit tous les jours par fes aufterités. Il répondit qu'il n'avoit pas efté fait Evefque pour chercher fes plaifirs; mais que les Evefques devoient porter fur leurs corps la mortification de Jefus-Chrift; & dès lors il voulut encore retrancher quelque chofe de fa nourriture. Il quitta les œufs & le potage, & bien-toft après les fruits, fe contentant de manger une fois le jour quelques legumes ou herbes mal apreftées. Il vefquit plufieurs années decette façon, jufqu'à ce que les frequentes infirmités l'obligerent de reprendre feulement le potage qu'on lui faifoit avec de l'huile ou du beure; encore fe faifoit-il une grande violence.

Voïant les abbus qui s'eftoient gliffés dans fon Diocese, il fit encore venir fix autres Religieux de l'Abbaïe de Chancellade pour faire des Miffions dans tous les Villages, & ils y furent occupés pendant quatre ans à cause de l'eftenduë de ce Diocese qui renferme plus de fept cens Paroiffes. Il inftitua un Seminaire dont il donna la direction aux Preftres de la Congregation de la Miffion. Il eftablit des Conferences parmi les Curés. Il fonda des Hôpitaux, tant pour les pauvres malades, , que pour les orphelins & les orphelines; & comme les Religieux de fa Reforme faifoient beaucoup de fruit dans les Miffions où il les avoit emploiés, il en fit encore venir fix de Chancellade l'an 1647. pour joindre aux fix autres,qui estoient déja occupés aux Miffions & faire le nombre de douze, pour lefquels il fonda un Prieuré dans la ville de Cahors, fous le titre de la Nativité de Notre-Dames & par l'acte de la Fondation, il voulut que ce Monaftre fuftaggregé à l'Abbaïe de Chancellade, & foumis à la correction & vifite de celui qui en feroit Abbé. En attendant qu'il puft faire construire ce Monaftere, il logea les Religieux dans une maison qu'il loüa au

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