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Nangis, qu'il reçut à la Profeffion, & qu'il fit enfuite élire CHANOIAbbé Coadjuteur peu de tems avant fa mort qui arriva l'an 1607. après avoir poffedé cette Abbaïe pendant cinquante CONGRE

ans.

Quelque-tems après ce nouvel Abbé fut fait Evefque de Laon de forte qu'il ne refida point à fainte Genevieve quoiqu'il y foit mort & enterré; ainfi les Religieux fe voïant fans Chef pour les gouverner, se laifferent aller à toutes fortes de dereglemens, & ne garderent plus aucunes Obfervances. Cela dura jufqu'en l'an 1619. que l'Evefque de Laon estant mort, le Roi lui donna pour Succeffeur en cette Abbaïe le Cardinal de la Rochefoucaut, & fa Majesté lui témoigna qu'il ne l'avoit nommé que parce que connoiffant fon zele, il ne doutoit point qu'il ne travaillaft de toutes fes forces pour rendre à cette Abbaïe fon premier luftre, & que fon intention eftoit que les chofes fuffent remifes en leur premier état, quant à l'élection libre d'un Abbé Regulier, fi-tost que le bon ordre y auroit esté rétabli.

Le Cardinal de la Rochefoucaut reçut cette Abbaïe à ces conditions, & pour feconder les pieufes intentions du Roi, il commença à travailler au rétablissement de la difcipline Reguliere. Il fit affembler en l'année 1621. ce qu'il y avoit de Religieux Reformés à Paris, pour l'affifter de leurs confeils, fur les moiens qu'il devoit prendre pour executer fon entreprife, & l'on y convint de certains articles de Reforme qui furent mis par écrit. On les communiqua aux Religieux de l'Abbaïe, quelques-uns témoignerent vouloir s'y foumettre. Il y eut mefme d'abord quelqu'apparence de regularité; mais cela n'eut aucune fuite. Il falut emploier l'autorité du Roi, pour faire recevoir la Reforme. De dix-neuf anciens, il n'y en eut que cinq qui s'y foumirent; & fon Eminence fit venir de Senlis douze Religieux en 1624. qu'il conduifit lui-mefme à l'Eglife, au Cloiftre, au Chapitre & aux Dortoirs pour en prendre poffeffion. Il eftablit le Pere Faure Superieur de cette Maison en particulier pour avoir la direction de tout le fpirituel, non feulement à l'égard de fes Religieux ; mais mesme à l'égard de ceux de l'ancienne Obfervance qui n'eftoient pas encore Preftres, qu'il obligea de fe foumettre à lui, & de lui obeïr en toutes chofes. On vit en peu de tems la Reforme faire un merveilleux progrès, aïant efté introduite dans plufieurs

Tome II.

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CHANOI Maifons, ce qui fit que la Congregation commençant à s'augLIERS DELA menter, on jugea à propos de lui donner un General.

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Quelques années après on poursuivit en Cour de Rome, pour rendre cette Abbaïe elective de trois en trois ans, fur ce que le Roi s'eftoit demis de tout droit de nomination à cette Abbaïe, & avoit confenti que non feulement elle fust elective comme auparavant; mais que l'élection d'un Abbé fe fift tous les trois ans. Le Pape l'accorda au mois de Fevrier 1634.confirmant auffi cette nouvelle Congregation. L'on affembla enfuite le Chapitre General compofé des Superieurs de quinze Maisons qui avoient déja embraffé la Reforme, & le R. P. Faure fut élu canoniquement pour Abbé Coadjuteur de fainte Genevieve & General de toute la Congregation.

Autant que les Religieux avoient de joie de fon élection,autant lui caufat-elle de chagrin. Il commença par un acte d'humilité; car il voulut fervir la Communauté au Refectoire jufqu'à la fin du repas, quelque chofe que l'on puft faire pour l'empefcher; & il conferva toujours cette pratique toutes les fois qu'il officioit Pontificalement. Ce n'eftoit point en lui une vaine ceremonie; mais un effet fincere & une veritable marque de la difpofition de fon cœur ; car il eftoit humble & modefte, & on ne s'appercevoit du rang qu'il tenoit parmi ses Freres que par les marques exterieures attachées à fa dignité.

Il s'acquitta fi dignement de cet emploi qu'il fut élu plufieurs fois dans la fuite pour la mefme dignité, & il eftoit General pour la troifiéme fois lors qu'il mourut dans le tems qu'il travailloit le plus pour l'agrandiffement de fa Congregation; car fa penitence & fon application continuelle aiant épuifé fes forces, la fievre le prit dans le cours de fes vifites à Senlis. Il le diffimula d'abord & vint coucher à Nanterre fans rien dire de fon mal, qui augmentant de plus en plus, l'obligea de s'arrester dans une Ferme dépendante de l'Abbaïe de fainte Genevieve proche de Verfailles, où le Cardinal de la Rochefoucaut luis envoïa fon caroffe avec des Religieux pour le ramener à Paris. Mais il les avoit déja prevenus, & il eftoit parti pour Chartreslorfqu'ils arriverent, voulant s'y rendre le mefme jour & mefme prefcher le lendemain à caufe de la Feste de faint Auguftin.Accablé de fon mal,il n'eut pas feulement affez de force pour celebrer la fainte Meffe ce jour-là. On le transporta à Paris avec affez d'incommodité, où eftant arrivé,il voulut

faluer & embraffer toute la Communauté auparavant de fe CHANOLmettre au lit.

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Il acheva néanmoins pendant fa maladie les Conftitutions CONGREqu'il avoit déja commencées. Il dreffa des Memoires & des FRANCE. Inftructions fur quantité de points particuliers qui ont beaucoup fervi pour le bon gouvernement dé cette Congregation; après quoi il ne fongea plus qu'à la mort; & bien loin que cette pensée lui caufât de la fraieur, elle lui donnoit au contraire de la joie, & de la confolation. On le voioit fouvent profterné au pied d'un Crucifix. Il eftoit prefque toûjours dans des Meditations continuelles. Il n'ouvroit la bouche que pour exprimer des fentimens admirables; & quoique fon mal fuft pour lui une affez grande penitence, il ne fe croioit pas pour cela exemt de pouvoir mortifier fon corps, lui refufant tous les foulagemens fuperflus. Enfin dans le tems qu'on commençoit d'avoir quelque efperance de fa guérison, il fit une confession generale & demanda le faint Viatique.

Comme il fembloit fe mieux porter,les Religieux qui eftoient prefens en furent extrêmement furpris, ils n'en pouvoient comprendre la raifon, ils le fupplierent de vouloir epargner cette douleur à fes enfans, qui feroient alarmez quand ilsentendroient cette nouvelle; mais il repondit qu'il n'y avoit point à differer, & que pour eviter ce qu'on apprehendoit, on pouvoit faire la ceremonie pendant la nuit. L'on fit ce qu'il fou haitoit, cinq ou fix anciens y affifterent, & fi-toft qu'il vit le Sauveur du monde entrer dans fa chambre, il fe jetta à genoux pour l'adorer & le reçut avec des tranfports d'amour, qui ne fe peuvent exprimer.

Le matin les Religieux qui ignoroient ce qui s'eftoit passé la nuit, le vinrent faluer parceque c'eftoit le jour de fa Feste. Jamais il ne parut plus joieux, il les entretint familierement, il leur fit à fon ordinaire quelques exhortations, donna mesme l'habit à un poftulant, & traita de plufieurs affaires; mais fur le foir la fievre s'estant augmentée, il tomba en foibleffe, il perdit tout fentiment, & on n'eut que le tems de lui donner l'extrême-Onction, après quoi il rendit fon ame au Seigneur le quatre Novembre 1644. eftant âgé de cinquante ans, aïant eu la fatisfaction de voir fa Congregation augmentée de plus de cinquante Maifons, où par fes foins & fes travaux la Reforme avoit efté introduite. Son corps fut ouvert & enterré à

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CHANOL- fainte Genevieve,après qu'on en eut tiré le cœur qui fuftporté LIERS DE LA à faint Vincent de Senlis, où la Reforme avoit commencé, & CONGRE fes entrailles furent auffi portées à fainte Catherine du Val des Ecoliers à Paris.

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FRANCE.

Après la mort, cette Congregation s'est tellement augmentée qu'elle eft prefentement la plus ample & la plus nombreuse de toutes celles qui compofent l'Ordre des Chanoines Reguliers; puifqu'elle a plus de cent Monafteres, dans une partie defquels les Religieux font emploiés à l'administration des Paroiffes & des Hofpitaux, & en l'autre à la celebration de l'Office divin, & à l'inftruction des Ecclefiaftiques & de la Jeuneffe dans les Seminaires. Elle a en France foixante & sept Abbaïes, vingt-huit Prieurés Conventuels, deux Prevoftez, & trois Hofpitaux ; & aux Païs-Bas trois Abbaïes & trois Prieurés, outre un très grand nombre de Cures. La mesme Reforme a fubfifté pendant un tems dans la Cathedrale d'Ufez. Ces Chanoines Reguliers difent Matines le foir à huit heures, immediatement après l'examen de confcience, & les Litanies de la fainte Vierge; & fe levent le matin à cinq heures. Ils jeûnent tous les Vendredis, pourvû qu'en ces jours-là il ne fe rencontre point de Feite folemnelle, ou qu'il n'y ait point de jeûne d'Eglife le Jeudi, ou le Samedi. Ils jeûnent encore toutes les veilles des Festes de la fainte Vierge, & de celles de faint Auguftin, pendant l'Avent, & les deux jours qui precedent le Caresme universel.

Depuis un tems immemorial l'un des Chanceliers de l'univerfité de Paris, eft tiré de l'Abbaïe de fainte Genevieve. Entre ceux qui ont rempli cette Charge depuis la Reforme, le Pere Jean Fronteau eft celui qui a acquis plus de reputation. Il eftoit d'Angers, & fut reçu en 1630. parmi les Religieux de cette Congregation. Il enfeigna pendant plufieurs années la Philofophie & la Theologie, il avoit appris les langues Grecque, Latine, Hebraïque, Syriaque, & Chaldéenne, & il n'y a point d'Ouvrages en ces cinq fortes de Langues qu'il n'ait lus. Il parloit auffi les Langues vivantes de l'Europe, & dreffa cette belle Bibliotheque de fainte Genevieve, qui a efté augmentée de plus de la moitié l'an 1711. par celle de feu M. l'Archevefque de Rheims Michel le Tellier, qui la laissa à cette Abbaïe par fon Teftament, ce qui la rend une des plus confiderables de l'Europe, eftant prefentement compofée de

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plus de foixante-mille Volumes & d'un Cabinet très curieux. CHANOLLe Pere Fronteau avoit efté fait Chancelier de l'Univerfité LIERS DE LA en 1648. & aïant eu depuis le Prieuré de Benetz en Anjou & enfuite la Cure de Montargis, il en fut prendre poffeffion fur FRANCE. la fin du Carcfmè de l'an 1662. & fe donna tant de peine durant les Festes de Pâques en l'administration des Sacremens & en la vifite des Malades, qu'il en tomba malade lui-mesme le douze Avril de la mefme année, & mourut le dix-fept fuivant n'eftant qu'en la quarante-huitième année de fon âge.

Le Pere l'Allemand qui a fait un Abregé de la vie, lui fucceda dans l'Office de Chancelier de l'Univerfité, & a efte un des plus illuftres ornemens de cette celebre Académie. Avant d'eftre Religieux, il en avoit efté plufieurs fois Recteur; & après la mort du Pere Fronteau, elle le demanda pour Chancelier à l'Abbé de fainte Genevieve, qui a droit d'y nommer, & qui ne pouvoit refufer cette dignité au Pere l'Allemand, fans quelque forte d'injuftice. Il mourut le dix-huit Fevrier 1673. âgé de cinquante-ans, après avoir pendant un long-tems medité la mort & s'y eftre preparé. Il nous en a laiffé des preuves par les Livres qu'il a compofés fur ce fujet.

Le Pere du Moulinet s'eft aufli rendu très recommandable dans cette Congregation par fa profonde erudition, fur tout par la connoiffance qu'il avoit de l'antiquité & des Medailles. Entre les differens Ouvrages qu'il a donnés, il y en a un qui traite des Chanoines Reguliers, avec la defcription de leurs differens habillemens. Celui de fa Congregation confifte en une foutane de ferge blanche avec un collet fort large & un rochet de toile. Lorfqu'ils font à la maifon, ils ont l'efté un bonnet quarré, & pendant l'hiver un camail noir', & hors le Monaftere ils portent un ̈ manteau noir à la maniere des Ecclefiaftiques. Pour habit de Choeur ils ont l'efté un furplis & une aumuce noire fur le bras, & l'hiver un grand camail & une chape noire.

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Il y a encore eu beaucoup de celebres Ecrivains parmi eux, & entre les autres les Peres Chaponelle & le Large, qui ont fait des Recherches & des differtations fçavantes & curieufes fur l'hiftoire des Chanoines Reguliers. Les armes de cette Congregation font d'azur à une main tenant un cœur enflammé, avec cette devife, Superemineat Charitas. Entre les Privile ges dont jouit l'Abbaïe de fainte Genevieve', le plus confide

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