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Clerc de la vie Commune.

98.

C. Dafier

LA VIE

se avec intention pure, simple & droite, deliberemment & CLERCS DE fermement de garder les Commandemens de Dien, d'amender COMMUNE. mes mœurs, vivant ci-après avec plus d'amour de Dieu & de mon Prochain, meprisant les plaisirs du fiécle, quittant les affections mondaines, me detachant de mon amour propre, renonçant à jamais au Diable & à la chair, pour pouvoir avancer mon falut & aider à celui de mon Prochain, par la grace de Notre Seigneur, & participer comme associé aux privileges, prerogatives, graces

indulgences de la fainte Trinité pour la Redemption des Captifs en recherchant l'avancement, l'honneur & le bien en toute fidelité, à la plus grande gloire du Pere, du Fils, & du faint Esprit. Ainsi foit-il.

Il s'est erigé depuis quelques années à Paris une Communauté de Filles Seculieres qui vivent selon la Regle des Religieux de la sainte Trinité & Redemption des Captifs, on les appelle aussi Sœurs de la Ste. Trinité. Leur habit est semblable à celui des Religieux ; mais au lieu de manteau elles ont fur leur robe blanche une fourane ou veste ouverte pardevant, au lieu de guimpe un mouchoir de cou en pointe, & fous un voile noir une cornette blanche. Elles portent aussi au cou une medaille d'argent en triangle, comme on peut voir dans la figure qui represente une de ces Sœurs Trinitaires. Elles apprennent à lire, efcrire, & travailler à de pauvres filles. Cette Communauté est presentement au faux-bourg saint Antoine, où elles n'ont qu'une maison à loüage, & elles ne fubsistent que de leur travail, n'aïant pas encore de revenus confiderables.

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Des Clercs de la Vie Commune, avec la vie de Gerard le
Grand leur Fondateur.

A

U tems que l'Ordre des Chanoines Reguliers reprenoit fon ancien luftre en Italie par le moïen de la Reforme qui y fut introduite par les soins du V. P. Barthelemy Colomne, comme nous avons montré en parlant des Chanoines Reguliers de la Congregation de Latran, il parut aufli dans le mefme éclat dans les Païs-Bas & une partie de l'Allemagne par la

LA VIE

CLERCS DE fondation de la celebre Congregation de Windeseim qui doit COMMUNE, fon establissement au zele de Gerard Groot ou le Grand, quoiqu'il n'en ait pas porté l'habit, la mort l'aïant prevenu dans le tems qu'il travailloit à cette fainte entreprise; & il en peut eftre regardé comme le Fondateur; puisque les Clercs de la Vie Commune qu'il avoit institués auparavant, ont donné le commencement à cette Congregation de Windeseim, suivant les intentions de leur Instituteur. C'est pourquoi comme les Clercs de la Vie Commune ont esté establis avant les Chanoines de Windefeim, nous parlerons premierement dans ce Chapitre des Clercs de la Vie Commune, & nous rapporterons dans le suivant ce qui regarde les Chanoines de Windefeim.

Gerard Fondateur des uns & des autres, nâquit à Deventer ville des Païs-Bas & du Diocese d'Utrechtl'an 1340. de parens fort riches qui eurent un grand soin de fon éducation. Lorfqu'il fut en âge d'apprendre les Lettres humaines, on le mit sous la conduite de personnes scavantes sous lesquelles il fit tout le progrés qu'on pouvoit efperer. Son pere qui voïoit en lui de fi belles difpofitions pour les sciences, l'envoïa à Paris à l'âge de quinze ans pour faire ses études de Philosophie & de Theologie dans la celebre Université de cette ville. Il y parue avec diftinction, & il y acquit mesme un si grand renom, qu'après avoir étudié quelque temsen Theologie, son pere le voulut avoir auprès de lui pour estre temoin des merveilles qu'on publioit de sa capacité & de sa profonde érudition. Il resta pe en son païs; car un grand nombre de scavans hommes qui ef toient pour lors à Cologne, l'aïant attiré dans cette ville, il entra avec eux en difpute, il enseigna mesme publiquement, on l'écoutoit avec admiration, & on lui donna par excellence le furnom de Grand que fa naissance lui avoit déja donné, comme ef tant celui de sa famille, car Groot en Flamand signifie Grand.

Jusques là il ne s'estoit mis en peine que d'aquerir de la gloire, & fongeoit peu aux affaires de son salut. Le luxe regnoit dans ses habits qui estoient toujours pompeux & magnifiques, & ordinairement il emploïoit aux divertissemens & aux spectacles le tems qu'il ne donnoit pas aux études. Un jour qu'il assistoit à ces sortes de divertissemens, un homme inspiré de Dieu lui dit à l'oreille que ces spectacles de vanité ne lui plairoient pas toujours, parce qu'il estoit appellé à des chofes plus ferieuses. Quoique ce discours ne lui plust pas pour

LA VIE

lors, il reconnut néanmoins bien-tost la verité; car le Prieur CLERCS DO de la Chartreufe de Monichusen dans la Gueldres, qui avoit COMMUNE étudié avec lui, & qui connoiffoit fa fcience & fon grand genie, ne voïant qu'avec chagrin qu'un si habile homme ne s'at tachoit qu'aux vanités du fiécle, demandoit fans cesse à Dieu sa converfion, & l'avoit mefme recommandée aux Prieres de ses Religieux.

Un jour que quelques affaires l'avoient appellé à Utrecht oir Gerard estoit pour lors, il le fut trouver, & le toucha fi vi vement par ses remontrances & ses exhortations, que tour d'un coup il changea de vie, quitta les Benefices dont il estoit pourveu; & pour reparer le scandale qu'il pouvoit avoir don né par la vanité dont il avoit fait profeffion jusqu'alors, il coupa ses cheveux en forme de Couronne monachale & fe revê tit d'une robe grife & fort simple sur un cilice qu'il porta toûjours. Au lieu de bonnet de Docteur, il prit un capuce noir qui descendoit par derriere jusques à la ceinture, & lorsqu'il fortoit il avoit un manteau qui alloit jusqu'aux talons d'une étoffe vile & grossiere. Ceux qui ignoroient fon changement de vie & qui le virent avec cet habit, le prirent pour un fou, mais il supportoit patiemment leurs insultes, & comme un vrai serviteur de Jesus-Christ, il estoit ravi de souffrir des irrjures & des opprobres.

Pour pouvoir pratiquer la vie Reguliere & pour la faire pratiquer aux autres, & leur fervir de guide dans le chemin de la perfection, il voulut en estre instruit lui-mesme, & alloit pour cet effet vifiter le Prieur de la Chartreuse dont nous avons parlé, & à qui il estoit redevable de sa converfion. Il lia aussi une étroite amitié avec un saint homme nommé Jean Rusbrochius Prieur d'un Monastere de Chanoines Reguliers dans une forest proche Bruxelles, qui vivoient dans une grande reputation de sainteté, & ce fut à la perfuafion de ces deux serviteurs de Dieu qu'il prit les Ordres facrés. Mais son humilité ne lui permit pas de se faire ordonner Prestre. Il fe contenta du Diaconat pour pouvoir annonçer la parole de Dieu; & en aïant obtenu la permission de l'Evesque d'Utrecht, il s'aquitta fi dignement de cet emploi & avec tant de fruit, non seulement dans ce Diocefe, mais encore dans une bonne partie de la Hollande, que plusieurs touchés par la force de ses paroles, renoncerent à toutes les vanités du monde,

CLERCS DE ne fongeant plus qu'à faire penitence de leur vie passfée.

LA VIE

COMMUNE

Comme il avoit beaucoup de bien de patrimoine, il confacra dabord sa maison paternelle de Deventer pour une Communauté de Clercs qu'il y affembla, & à qui il fournissoit la subsistance; & hors les heures de la Priere, de l'Oraison & des autres exercices qu'il leur prescrivit, il leur faisoit tranfcrire les Livres des saints Peres & les corriger sur les anciens originaux. Parmi ceux qui se joignirent à lui & qui entrerent dans sa Communauté, un des premiers fut Florend Radivivius de Leyden qui estoit d'une famille illuftre & avoit esté Professeur dans l'Université de Prague. Il estoit pour lors Chanoine dans l'Eglise de saint Pierre d'Utrecht qu'il quitta pour se ranger sous la conduite de Gerard qu'il connoiffoit. Son grand calent pour le falut des ames l'obligea à prendre la Prêtrise, & d'accepter le Vicariat de la Paroisse de Lublin de Deventer, où il se fit beaucoup estimer par sa pieté & par sa vertu, qui obligerent encore les Clercs de la Communauté de Gerard à l'élire pour Superieur aprés la mort de ce saint homme, qui arriva l'an 1384. dans la quarante - quatrième année de fon âge.

Avant que de mourir il avoit aussi establi dans une de ses maisons une Communauté de filles, ausquelles il avoit prescrit aussi-bien qu'aux Clercs des Reglemens, & hors le tems de leurs exercices spirituels, elles s'occupoient à coudre, à filer & à d'autres ouvrages qui conviennent aux personnes de ce sexe. Il avoit auffi eu dessein d'eftablir des maisons Religieuses où les Clercs de sa Communauté se seroient engagés par des Vœux. Il avoit travaillé à cela; mais la mort qui le prevint l'empêcha d'executer fon deffein, qui fut continué par ses fucceffeurs, ausquels il avoit proposé d'embraffer l'Ordre des Chanoines Reguliers à l'imitation de ceux de Val-Vert dont il connoissoit la fainteté.

Immediatement après sa mort, Florend Radivivius, pour affermir davantage la Communauté de Clercs, crut qu'il estoit plus à propos de leur faire pratiquer la vie des Apostres & des premiers Chreftiens qui n'avoient qu'un cœur & qu'une ame& n'avoient rien en propre, mettant tout leur bien en commun. C'est pourquoi sans s'engager par aucun vœu, ils se pro curerent par leur travail tout ce qui estoit necessaire pour leur entretien, qui estoit mis dans une bourse commune sans qu'au

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