DE embrassa l'Etat Ecclesiastique, ce ne fut que pour fervir Dieu CHANDI plus parfaitement. Il se contenta à cet effet d'un fimple Cano- NESREGU nicat, dont il remplit les devoirs avec une fidelite irrepro- LATRAN, EN chable. Quoique Dieu lui eust donné de grands talens pour la Predication, il fut neanmoins un affez long-tems fans les faire valoir, pendant lequel il s'appliqua à l'estude de l'Oraifon & de la Meditation. Mais confiderant l'estat déplorable où l'Eglise estoit reduite par le schisme qui la defoloit depuis plusieurs années, & qui estoit continué par l'Antipape Benoist XIII. contre le veritable successeur de S. Pierre Boniface IX. & pour me servir des mesmes termes de Nicolas de Clamengis dans la remontrance qu'il fit au Roy Charles VI. au nom de • l'Université de Paris touchant ece Schifme; voïant que l'Eglise estoit toute défigurée, que les choses sacrées estoient foulées. aux pieds, que les vices se multiplioient, que les crimes demeuroient impunis par la tolerance de ceux qui, pour fe maintenir dans la Papauté, apprehendoient qu'en les punissant, leur parti ne diminuât: & enfin que la barque de S. Pierre au milieu de la tempeste, estoit preste à perir, il quitta fon païs, fes parens, ses amis ; & s'armant du zele de l'amour de Dieu & du salut des ames, il entreprit de combattre les vices qui regnoient fi fort, en prefchant la parole de Dieu, faifant par tout des converfions merveilleuses, & exhortant tous les Fideles à s'unir ensemble sous un mesme Chef. Il vint premierement en Tofcane, de-là passant par l'Emilie, il s'arresta long-tems dans la Marche Trevisanne, où il fit un affez long séjour, auffi-bien qu'à Padouë & à Vicenze... Non seulement plusieurs pecheurs touchés vivement par la force de ses predications, changeoient entierement de vie & fe convertisfoient à Dieu par une fincere penitence; mais mesme plusieurs Ecclesiastiques defirant embraffer un estat de vie plus parfait, entrerent dans des Ordres Religieux, ou en eftablirent de nouveaux.. Entre les autres, Dom Gabriel Gondelmaire, dont nous avons déja parlé sous le nom d'Eugene IV. qu'il prit, lorf qu'il fut élevé au Souverain Pontificat, & Dom Antoine Cor-raire, nobles Venitiens, tous deux neveux de Gregoire XII. furent du nombre des Fondateurs de la Congregation dess Chanoines de saint Georges in Algha; & Louis Barbo auffi ITALIE. CHANOI noble Venitien, qui fut dans la suite Evesque de Trevise, en NFS RFGU LIERS DE ITALIE. tra dans l'Ordre de S. Benoist, où aïant reftabli la Difcipline LATRAN, EN Monaftique qui avoit souffert beaucoup de relâchement en Italie, il fonda la celebre Congregation de sainte Justine de Padouë. Nous ne devons pas oublier le fameux Jurifconfulte Alberic Avogadri Gentilhomme de Bergame, qui renonçant à toutes les vanités du siècle, se fit Religieux dans l'Ordre de S. Dominique, & n'ofant pas efperer de pouvoir parvenir aux Ordres sacrés, à cause qu'il estoit Bigame, il se contenta de l'humble condition de Frere Laïc; mais comme il estoit redevable de sa converfion à Barthelemy Colomne, il reçut peu d'années après par ses mains l'habit de Chanoine Regulier dans le Monaftere de sainte Marie de Frisonaire, auffi-toft qu'il y vit la Reforme establie par les foins du Pere Barthelemy qui dans le cours de sa million estant venu à Luques, où il apprit les bonnes intentions de ces Chanoines,qui, comme nous avons dit, souhaitoient embraffer une vie plus reguliere; visita -leur Monaftere, dont la situation quise trouvoit au milieu d'un bois, lui parut si favorable au dessein qu'ils avoient de vivre dans la retraite & dans la folitude, qu'il les exhorta à la perseverance, tandis que de son costé il iroit leur chercher des compagnons pour les aider dans leur entreprise. C'est pourquoi il retourna dans la Marche Trevisane, & passa enfuite dans la Lombardie, ne cessant point de prefcher par tout la Penitence. Il fit de si grands fruits, que parmi ceux qui se convertirent à Dieu, il y eut plusieurs personnes Religieuses qui refolurent d'embrasser la Reforme qu'il s'estoit proposée; de ce nombre furent Leon de Carat Milanois, & Thadée de Bonafco, tous deux Chanoines Reguliers de S. Pierre au Ciel d'Or de Pavie, qu'il envoïa à sainte Marie de Frifonaire pour y commencer cette Reforme, ce qui a fait dire à quelques Auteurs qu'ils étoient les Fondateurs de cette Congregation. Estant arrivésà Luques, ils trouverent dabord de grandes difficultés, tant à cause que ce Monaftere estoit dépourvû de tout ce qui estoit necessaire pour l'entretien des Religieux, que parce qu'estant depuis quelques années sous la Jurifdiction de l'Evesque, ils ne pouvoient y entrer ni rien entreprendre sans sa permission ; mais l'aïant à la fin obtenuë, ils jetterent les premiers fondemens de cette Refor me CHANOINES REGU ITALIE. me sous le Pontificat de Boniface IX. l'an 1401. * L'année suivante Barthelemy vint dans ce Monaftere de Fri- LIERS DE sonaire avec un compagnon, & y aïant reçu l'habit, il fut auffi-LATRAN EN tost elû Prieur: il y eut ensuite plusieurs personnes qui reçûrent l'habit par ses mains, entre lesquels fut le Frere Jacques Avogadri nommé auparavant Alberic, dont nous avons parlé; qui non seulement en avoit obtenu la permiffion de fon General; mais avoit encore esté dispensé de fon Irregularité par le Pape jusqu'au Diaconat. Barthelemy n'eut pas plustost fini le tems de fa Superiorité, qu'il le prit avec lui pour eftre fon compagnon dans le cours de ses predications. Pendant son absence les Religieux se trouverent dans une fi grande pauvreté, que manquant de tout ce qui estoit necellaire à la vie, ils avoient resolu d'abandonner ce Monaftere; mais les Jesuâtes qui avoient un Couvent à Luques, en aïant eu connoissance, les exhorterent à la perfeverance, s'offrant d'aller chercher l'aumofne pour eux par la ville & les lieux circonvoisins; ce qu'ils firent avec tant de succès en donnant à connoître à tout le monde la sainteté de ces bons Religieux; que non seulement ils eurent abondamment pour leur subsistance; mais que par le moïen de ces aumosnes, ils reftablirent entierement le Monastere dont les bâtimens tomboient en ruine, & en tres-peu de tems les revenus qui n'estoient pas à peine suffisans pour l'entretien de trois Religieux, s'augmenterent de telle forte, qu'il y en avoit affez pour trente. La reputation qu'ils s'acquirent par la sainteté de leur vie, fit qu'on les souhaita dans plusieurs endroits, tant pour y faire de nouveaux establissemens, que pour reformer d'anciens Monafteres. L'an 1405. un Bourgeois de Milan aïant deffein d'en fonder un dans une maison qu'il avoit proche de cette ville, en un lieu appellé Carosette, il y fit venir de ces Chanoines. Le Pape Gregoire XII. l'an 1407. leur donna l'Abbaïe de S. Leonard proche de Verrone; ils eurent en 1409. celle de Notre-Dame de la Charité à Venise; & en 1412. celle de fainte Marie de Tremiti avec toutes ses dépendances, dont les Ifles qui lui ont donné le nom, font partie; & qui appartiennent à ces Chanoines qui y ont toute Jurifdiction fpirituelle & temporelle. Le nombre des Monafteres s'augmenta dans la fuite, & il y en avoit déja quinze qui estoient unis à cette Congregation lorsque D. Barthelemy mourut. Tome II. E CHANOINES REGULIFRS DE ITALIF. Quoique ses fatigues jointes à ses austerités, l'eussent telle ment affoibli qu'il en estoit devenu aveugle, il ne discontinua LATRAN EN pas pour cela ses predications. Il alloit toujours à pied dans ses voïages, fon compagnon le conduisant par la main. Enfin l'an 1430. eftant parti de Venise pour aller dans le Montferat, il tomba malade dans le fameux Monaftere de S. Benoist proche de Mantouë, où il avoit demandé l'hospitalité, & la fievre dont il avoit esté attaqué, l'aïant emporté en peu de jours; il alla dans le Ciel recevoir la recompense de ses travaux. Il paroist par l'Epiraphe qu'on a mis fur fon tombeau, qu'il n'estoit que Prestre Seculier, & qu'il n'avoit pas efté Religieux, mais il y a bien de l'apparence qu'il a efté Chanoine Regulier; puisqu'il a efté Prieur du Monaftere de fainte Marie de Frifonaire, qu'il a assisté à des Chapitres Generaux, & qu'il y a donné sa voix, ainsi qu'il paroist par les actes authentiques qui font cités par Penot. CHAPITRE IV. Continuation de l'Histoire des Canoines Reguliers de la Congregation de S. Sauveur de Latran. E Ntre les Monafteres que la Congregation de fainte Marie de Frifonaire a poffedés, le plus recommandable a efté fans doute celui qui estoit attaché à l'Eglise de S. Sauveur, que l'on appelle plus communément, de S. Jean de Latran, puifque cette Eglise est la mere & le Chef de toutes les Eglifes du Monde, comme nous avons dit dans le Chapitre precedent; laquelle leur fut accordée par le Pape Eugene IV. l'an 1442. Soit que ce Pape eust naturellement de l'inclination pour les Chanoines Reguliers, à cause qu'il estoit lui-mefme l'un des Fondateurs de la Congregation des Chanoines de faint Georges in Algha, ou que, comme dit Penot, cette Eglise fuft dépoüillée de tous ses ornemens, abandonnée par fes Ministres, & que le Service Divin y fuft entierement negligéjà peine eutil fuccedé à Martin V. qu'il fit venir des Chanoines Reguliers de la Congregation de Frifonaire pour reformer cette Eglife; mais il ne put executer pour lors fon dessein, à cause de la fedition qué les Colomnes parens de fon Predeceffeur, exciterent contre lui, & des differens qu'il eut avec le Concile de |