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LA VIE

fe avec intention pure, fimple & droite, deliberemment & CLERCS DE fermement de garder les Commandemens de Dien, d'amender COMMUNE. mes mœurs, vivant ci-après avec plus d'amour de Dieu & de mon Prochain, meprifant les plaifirs du fiécle, quittant les affections mondaines, me detachant de mon amour propre, renonçant à jamais au Diable & à la chair, pour pouvoir avancer mon falut & aider à celui de mon Prochain, par la grace de Notre Seigneur, & participer comme affocié aux privileges, prerogatives, graces & indulgences de la fainte Trinité pour la Redemption des Captifs en recherchant l'avancement, l'honneur & le bien en toute fidelité, à la plus grande gloire du Pere, du Fils, & du faint Efprit. Ainfi foit-il.

Il s'eft erigé depuis quelques années à Paris une Communauté de Filles Seculieres qui vivent felon la Regle des Religieux de la fainte Trinité & Redemption des Captifs, on les appelle auffi Sœurs de la Ste. Trinité. Leur habit eft femblable à celui des Religieux; mais au lieu de manteau elles ont fur leur robe blanche une foutane ou vefte ouverte pardevant, au lieu de guimpe un mouchoir de cou en pointe, & fous un voile noir une cornette blanche. Elles portent auffi au cou une medaille d'argent en triangle, comme on peut voir dans la figure qui represente une de ces Soeurs Trinitaires. Elles apprennent à lire, efcrire, & travailler à de pauvres filles. Cette Communauté eft prefentement au faux-bourg faintAntoine, où elles n'ont qu'une maison à loüage, & elles ne subfiftent que de leur travail, n'aïant pas encore de revenus confiderables.

CHAPITRE LI.

Des Clercs de la Vie Commune, avec la vie de Gerard le
Grand leur Fondateur.

A

U tems que l'Ordre des Chanoines Reguliers reprenoit fon ancien luftre en Italie par le moïen de la Reforme qui y fut introduite par les foins du V. P. Barthelemy Colomne,comme nous avons montré en parlant des Chanoines Reguliers de la Congregation de Latran, il parut auffi dans le mefme éclat dans les Païs-Bas & une partie de l'Allemagne par la

LA VIE COMMUNE.

CLERCS DE fondation de la celebre Congregation de Windefeim qui doit fon eftabliffement au zele de Gerard Groot ou le Grand, quoiqu'il n'en ait pas porté l'habit, la mort l'aïant prevenu dans le tems qu'il travailloit à cette fainte entreprife ; & il en peut eftre regardé comme le Fondateur; puifque les Clercs de la Vie Commune qu'il avoit inftitués auparavant, ont donné le commencement à cette Congregation de Windefeim, fuivant les intentions de leur Inftituteur. C'eft pourquoi comme les Clercs de la Vie Commune ont efté eftablis avant lesChanoines de Windefeim, nous parlerons premierement dans ce Chapitre des Clercs de la Vie Commune,& nous rapporterons dans le fuivant ce qui regarde les Chanoines de Windefeim.

Gerard Fondateur des uns & des autres, nâquit à Deventer ville des Païs-Bas & du Diocefe d'Utrecht l'an 1340. de parens fort riches qui eurent un grand foin de fon éducation. Lorfqu'il fut en âge d'apprendre les Lettres humaines, on le mit fous la conduite de perfonnes fcavantes fous lefquelles il fit tout le progrés qu'on pouvoit efperer. Son pere qui voïoit en lui de fi belles difpofitions pour les fciences, l'envoïa à Paris à l'âge de quinze ans pour faire fes études de Philofophie & de Theologie dans la celebre Université de cette ville. Il y parue avec diftinction, & il y acquit mefme un fi grand renom, qu'après avoir étudié quelque tems en Theologie, fon pere le voulut avoir auprès de lui pour eftre temoin des merveilles qu'on publioit de la capacité & de fa profonde érudition. Il resta en fon païs; car un grand nombre de fcavans hommes qui eftoient pour lors à Cologne, l'aïant attiré dans cette ville, il entra avec eux en difpute,il enfeigna mefme publiquement,on l'é— Coutoit avec admiration, & on lui donna par excellence le furnom de Grand que fa naiffance lui avoit déja donné, comme ef tant celui de fa famille, car Groot en Flamand fignifie Grand.

peu

Jufques là il ne s'eftoit mis en peine que d'aquerir de la gloire, & fongeoit peu aux affaires de fon falut. Le luxe regnoit dans fes habits qui eftoient toujours pompeux & magnifiques, & ordinairement il emploïoit aux divertiffemens & aux fpectacles le tems qu'il ne donnoit pas aux études. Un jour qu'il affiftoit à ces fortes de divertiffemens, un homme infpiré de Dieu lui dit à l'oreille que ces fpectacles de vanité ne lui plairoient pas toujours, parce qu'il eftoit appellé à des chofes plus ferieufes. Quoique ce difcours ne lui pluft pas pour

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lors, il reconnut néanmoins bien-toft la verité; car le Prieur CLERCS DO de la Chartreufe de Monichufen dans la Gueldres, qui avoit COMMUNE étudié avec lui, & qui connoiffoit fa fcience & fon grand genie, ne voïant qu'avec chagrin qu'un fi habile homme ne s'at tachoit qu'aux vanités du fiécle, demandoit fans ceffe à Dieu fa converfion, & l'avoit mefme recommandée aux Prieres de fes Religieux.

pa

Un jour que quelques affaires l'avoient appellé à Utrecht oùr Gerard eftoit pour lors, il le fut trouver, & le toucha fi vivement par fes remontrances & fes exhortations, que tout d'un coup il changea de vie, quitta les Benefices dont il eftoit pourveu; & pour reparer le fcandale qu'il pouvoit avoir don né par la vanité dont il avoit fait profeffion jufqu'alors, il coufes cheveux en forme de Couronne monachale & fe revê tit d'une robe grife & fort fimple fur un cilice qu'il porta toûjours. Au lieu de bonnet de Docteur, il prit un capuce noir qui defcendoit par derriere jusques à la ceinture, & lorfqu'il fortoit il avoit un manteau qui alloit jufqu'aux talons d'une étoffe vile & groffiere. Ceux qui ignoroient fon changement de vie & qui le virent avec cet habit, le prirent pour un fou, mais il fupportoit patiemment leurs infultes, & comme un vrai ferviteur de Jefus-Chrift, il eftoit ravi de fouffrir des injures & des opprobres.

Pour pouvoir pratiquer la vie Reguliere & pour la faire pratiquer aux autres, & leur fervir de guide dans le chemin de la perfection, il voulut en estre inftruit lui-mefme, & alloit pour cet effet vifiter le Prieur de la Chartreufe dont nous avons parlé, & à qui il eftoit redevable de fa conversion. Il lia auffi une étroite amitié avec un faint homme nommé Jean Rusbrochius Prieur d'un Monaftere de Chanoines Reguliers dans une foreft proche Bruxelles,qui vivoient dans une grande reputation de fainteté, & ce fut à la perfuafion de ces deux ferviteurs de Dieu qu'il prit les Ordres facrés. Mais fon humilité ne lui permit pas de fe faire ordonner Preftre. Il fe contenta du Diaconat pour pouvoir annonçer la parole de Dieu; & en aïant obtenu la permiffion de l'Evefque d'Utrecht, il s'aquitta fi dignement de cet emploi & avec tant de fruit, non feulement dans ce Diocefe, mais encore dans une bonne partie de la Hollande, que plufieurs touchés par la force de fes paroles, renoncerent à toutes les vanités du monde,

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COMMUNE

CLERCS DE ne fongeant plus qu'à faire penitence de leur vie passée. Comme il avoit beaucoup de bien de patrimoine, il confacra dabord fa maifon paternelle de Deventer pour une Communauté de Clercs qu'il y affembla, & à qui il fournissoit la fubfiftance; & hors les heures de la Priere, de l'Oraifon & des autres exercices qu'il leur prefcrivit, il leur faifoit transcrire les Livres des faints Peres & les corriger fur les anciens originaux. Parmi ceux qui fe joignirent à lui & qui entrerent dans fa Communauté, un des premiers fut Florend Radivivius de Leyden qui eftoit d'une famille illuftre &avoit esté Profeffeur dans l'Univerfité de Prague. Il eftoit pour lors Chanoine dans l'Eglife de faint Pierre d'Utrecht qu'il quitta pour fe ranger fous la conduite deGerard qu'il connoiffoit.Son grand talent pour le falut des ames l'obligea à prendre la Prêtrife, & d'accepter le Vicariat de la Paroiffe de Lublin de Deventer, où ilfe fit beaucoup eftimer par fa pieté & par fa vertu, qui obligerent encore les Clercs de la Communauté de Gerard à l'élire pour Superieur aprés la mort de ce faint homme, qui arriva l'an 1384. dans la quarante-quatrième année de fon âge.

Avant de mourir il avoit auffi eftabli dans une de fes que maifons une Communauté de filles, aufquelles il avoit prescrit auffi-bien qu'aux Clercs des Reglemens, & hors le tems de leurs exercices fpirituels, elles s'occupoient à coudre, à filer & à d'autres ouvrages qui conviennent aux perfonnes de ce sexe. Il avoit auffi eu deffein d'eftablir des maifons Religieufes où les Clercs de fa Communauté fe feroient engagés par des Voeux. Il avoit travaillé à cela; mais la mort qui le prevint l'empêcha d'executer fon deffein, qui fut continué par fes fucceffeurs, aufquels il avoit propofé d'embraffer l'Ordre deş Chanoines Reguliers à l'imitation de ceux de Val-Vert dont il connoiffoit la fainteté.

Immediatement après fa mort, Florend Radivivius, pour affermir davantage fa Communauté de Clercs, crut qu'il eftoit plus à propos de leur faire pratiquer la vie des Apoftres & des premiers Chreftiens qui n'avoient qu'un cœur & qu'une ame& n'avoient rien en propre,mettant tout leur bien en commun. C'est pourquoi fans s'engager par aucun vou, ils fe procurerent par leur travail tout ce qui eftoit neceffaire pour leur entretien,qui eftoit mis dans une bourfe commune fans qu'au

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