VIE DE S. pretendent estre ses legitimes descendans, & dans la suivante, nous parlerons des autres Congregations, qui ont crû ne pou- C'est donc en qualité de Fondateur d'Ordre & de Pere les Thagaste Ville de Numidie dans l'Afrique, & voisine de connuë, que 1 1 c'est aux larmes continuelles qu'elle repandit pendant plu- VIE DE S. fieurs années devant le Seigneur , que l'Eglise elt redevable , de la conversion de ce fils, qui ne sçut pas profiter pendant fa jeunesse des bons exemples & des avis charitables de cette sainte femme. Quelque bonne education qu'elle lui donnât d'abord : quelque loin qu'elle prît de l'élever dans la pieté : quelqu'autorité qu'elle eût prise sur son esprit, & à laquelle il s'estoit foầmis plûtôt qu'à celle de son pere, qui ne put jamais prevaloir sur Auguft. Conf.1.1.1. celle qu'elle s'y étoit acquise, comme il le dit lui-même; tout cela n'empêcha pas qu'il ne s'abandonnât à des excés de débauche, dont il n'a point eu de honte de se confesser publiquement coupable devant Dieu. Le plaisir qu'il prit à la lecture des Poëtes remplie de fables & de fictions, fut le commencement de son dereglement. Etudiant à Madaure, au lieu de s'appliquer aux premiers éle- ibid.a. iy. mens des Lettres dont il avoit un grand dégoût, il estoit vivement touché des avantures d'Enée. Il chargeoit sa memoire des infortunes de ce Prince, pendant qu'il oublioit les siennes ; & pleuroit la mort de Didon, qui se tua par un excés d'amour pour ce Troïen, au lieu de pleurer celle qu'il se donnoit miserablement à lui-même en se remplissant de ces folies. C'est ainsi qu'il décrit ses premiers égaremens, qui s'augmenterent à mesure qu'il avança en âge. A l'âge de quinze ans il revint de Madaure à Thagaste, ou il interrompir les études ; parce que son pere qui n'eltoit pas ; des plus aisés, travailloit à faire un fonds pour l'envoïer étudier à Carthage. Tout le monde donnoit des louanges à Patrice, de faire de tels efforts pour donner moïen à Augustin Ibid. l. 2. d'aller au loin continuer ses études. Il estoit zelé, dit ce grand • 3. Saint , pour tout ce qui pouvoit servir à m'établir dans le monde ; mais il ne s'informoit pas si j'estois chaste, pourvu que je fusse éloquent. Comme il fallut bien du tems à son pere, qui n'avoit pas grand bien , pour amasser le fonds necessaire pour ce voiage, ce fut dans sa seiziéme année qu'Augustin , qui n'entendoit plus parler ni d'études ni de leçons pendant qu'il demeura à Thagaste, s'abandonna à toutes sortes de voluptés ; & ses compagnons se vantant de leurs débauches, il avoit honte de n'en avoir pas fait autant. Il alla enfin à Carthage., où il fut aussi-tôt asiegé d'une a 3 AUGUSTIN. ? VIP DE s. foule d'amours impudiques qui se presentoient à lui de toutes , . Ce fut peut-estre la seconde Monique qui le voïoit plongé dans de si grands desordres, ' Sa mere fit tous ses efforts pour le retenir , ou au moins , qu'elle estoiten prieres & en larmes, & arriva enfin à Rome; {V 19 DE S. où, peu de tems aprés son arrivée, il fut attaqué d'une dangereuse maladie , dont il guerit par les prieres de fa sainte mere, qui quoiqu'absente, ne laissoit pas de l'accompagner par tour de les voux. Dés qu'il se vit en santé, il donna des leçons de Rhetorique & eut un grand nombre d'auditeurs. Dans ce tems-là les habitans de Milan aïant envoïé à Simmaque Prefet de Rome, pour lui demander un Professeur de Rhetorique , & aïant même donné les ordres necessaires pour son voïage ; Augustin emploïa ce qu'il avoit d'amis parmi les Manichéens pour avoir cet emploi ; & Simmaque s'estant af ; suré de sa capacité par un discours qu'il fit devant lui, l'envoïa à Milan. Dés qu'il y fut, il alla trouver saint Ambroise qui en estoit Evêque , qui le reçut favorablement & avec une charité vraim ment Episcopale. C'estoit Dieu qui le menoit invisiblement à ce faint homme , & son cæur touché de l'éloquence de ce Prelat, s'ouvroit à la verité de ce qu'il disoit . Il trouva que ce qu'il enseignoit pouvoit fe soutenir. Il croïoit auparavant qu'il n'y avoit rien à repondre aux argumens des Manichéens, il commença à s'appercevoir qu'on les pouvoit combattre ; & enfin persuadé de la verité des discours de saint Ambroise , il resolut d'abandonner leurs erreurs , & prit enfin le parti de demeurer Cathecumene dans l'Eglise catholique. S. Augustin avoit jusques-là fait verser beaucoup de larmes à la mere par sa vie dereglée & par son heresie ; il semble qu'elle devoit avoir eu beaucoup de joie lorsqu'elle apprit qu'il n'estoit plus Manichéen. Cependant saint Augustin nous Conf.fr. La apprend lui-même , qu'il ne vit point dans cette sainte femme 6.c.i. qui avoit passé la mer pour le venir trouver à Milan, ce treffaillement de joïe que les bonnes nouvelles , à quoi on ne s'attend point, ont accoutumé de donner ; parce qu'il n'estoie pas encore établi dans la verité, & qu'elle ne le vožoit pas fidele Catholique. Il en couita bien encore des larmes à cette veritable mere , qui n'avoit point d'autre ambicion que de voir son fils reconcilié avec Dieu ; & il fallut qu'Augustin eslužật bien des combats de lui-même contre lui-même, avant qu'il renonçâr entierement à ses égaremens & à ses voluptés, pour ne plus suivre à l’avenir que les attraits de la grace. Enfin le tems arriva que Dieu permit qu'il olivrît les yeux Ibid. l. 8. pas, il Al Rom. ceur ; Vie de s. pour voir son iniquité & en concevoir de l'horrefir. Un de ses Augustin. amis nommé Pontitien , qui l'estoit venu voir , lui aïant ra- . conté la vie admirable de saint Antoine , il en fut si vivement touché, qu'il ne falloit pas une plume moins éloquente, que celle d'Augustin même, pour décrire le trouble & l'agitation 6.7.6.6.9. que ce recit causa dans son ame ; mais cela ne suffit fallut une voix du Ciel pour le resoudre entierement. · Occupé plus que jamais de mille reflexions , qui avoient penetré les replis les plus secrets de son coeur qui estoit percé de douleur, il se retira dans un jardin ; où s'eitant aslis sous un figuier, & aïant donné cours à un torrent de larmes , il entendit une voix du ciel, qui lui dit: Prenez & lisez. A cette voix changeant de visage & retenant les larmes, il prit le livre des Epîtres de S. Paul; & l'aïant ouvert, ces paroles lui frap perent les yeux: Ne vous plongez pas dans la bonne chere, ni dans 6.:13. v. 13. lyvrognerie, ni dans les impudicités , ni dans les querelles; mais révétez-vous de Jesus-Christ , doo ne consentez point aux mauvais desirs de votre chair. Il n'en voulut pas lire davantage, une divine lumiere penetrant tout d'un coup son il se trouva dans une admirable tranquillité, qui dislipa tous les doutes & les irresolutions qui l'avoient tant fait fouffrir . Il avoit été accompagné dans ce jardin par un de ses amis nommé Alippe, & s'eitoit éloigné de lui pour éviter la contrainte où la presence l'avoit engagé. Il l'aborda ensuite de cette lecture avec un visage gai. Cet ami lui aïant demandé le sujet de joïe qui paroisloit lur son visage, il lui montra l’endroit qu'il avoit lu. Ces paroles toucherent pareillement Alippe, qui faisant attention à celles qui fuivent, & ausquelles Auguftin n'avoit pas pris garde : Aidez & solltenez celui qui est encore foible dans la foi ; il les prit pour lui, & s'en trouva tout d'un coup li fortifié, qu'il prit la même resolution qu'Augustin. Ils porterent ensemble cette bonne nouvelle à Monique , qui en fut transportée de joïe ; & ce fut une espece de tríom-' phe pour elle d'entendre la maniere dont cela estoit arrivé. Elle ire pouvoit se lasser d'en benir le Seigneur, qui lui avoit accordé bien plus qu'elle ne demandoit ; car Augustin estoit .converti si pleinement, qu'il n'avoit aucune pensée pour le mariage où elle avoit voulu l'engager , & qu'il renonçoit à tous les avantages qu'il auroit pù esperer dans le monde. Comme le tems des vacances approchoit, & qu'il n'y avoit |