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che,& non pas noire,comme dit le P. Athanafe de faint Agnés RELIGIEUX dans fon Chandelier d'or, qui prétend que cet habillement LIERS PON consistoit en une tunique & un manteau noirs,avec un capuce rouge. Le P. du Breüil donne la qualité de Chevaliers à ces Hofpitaliers ; il y en a d'autres qui leur donnent celle de Chanoines Reguliers. Il fe peut faire qu'ils eftoient Chanoines Hofpitaliers comme ceux du faint Efprit de Montpellier ou in Saffia, & ceux de faint Antoine de Viennois, qui quoique Chanoines font auffi Hofpitaliers, & à qui quelques-uns donnent auffi fans aucun fondement le titre de Chevaliers.

L'Ordre de faint Jacques du Haut-pas fut du nombre de ceux que le Pape Pie II.fupprima,& dont il appliqua les revenus à l'Ordre de Notre-Dame de Bethléem qu'il inftitua parfa Bulle de l'an 1459. dont nous avons parlé dans le Chapitre xxx1. il fubfifta néanmoins long-tems en France depuis cette fupprefsion, comme fait foi l'Epitaphe du Commandeur Canu mort en 1526. & il y avoit mefme encore quelques-uns de ces Religieux dans le mefme Hôpital de Paris, lorfque les Benedictins de faint Magloire y furent transferés l'an 1572. par Ordre du Roi Charles IX. Cet Ordre eft auffi énoncé dans l'Edit de Louis XIV. de l'an 1672. par lequel Sa Majefté avoit uni à l'Ordre de faint Lazare les biens de plufieurs Ordres Militaires & Hofpitaliers, que l'on regarda comme fupprimés, du nombre desquels eftoit celui de faint Jacques du Haut-pas. Voiez Du Breüil, Theatre des Antiquités de paris Liv. 2. pag. 579. & les mefmes par Malingre, Liv. 2. pag. 497.

CHAPITRE

XLII.

Des Religieux Hofpitaliers Pontifes ou Faifeurs de Ponts.

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UELQUES Auteurs ont parlé de certains ReligieuxHofpitaliers Pontifes, ainfi appellés comme qui diroit Faifeurs de Ponts; parce que la fin de leur Inftitut à ce que pré(à tendent ces Auteurs) eftoit de donner main-forte aux voiageurs, de baftir des Ponts ou d'eftablir des Bacs pour leur com modité, & de les recevoir dans des Hôpitaux fur le bord des rivieres. Le P. Theophile Raynaud de la Compagnie de Jefus, dans un Traité qu'il a donné de faint Benezet Fondateur du

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RELIGIEUX Pont d'Avignon, fous le titre de Sanctus Joannes Benedictus LIERS PON-Paftor & Pontifex Avenione, pretend que ce Saint a efté l'Inftituteur de ces Hofpitaliers ; & il avoue qu'il ne connoît point d'autres Maifons de cet Ordre, que l'Hôpital qui fut basti à Avignon où ces Hofpitaliers demeuroient, & dont faint Benezet fut premier Superieur. Le titre de Paftor Avenionenfis,que ceux qui ont fait des Additions au Martyrologe d'Ufuard, ont encore donné à faint Benezet,a fait tomber dans l'erreur M.du Sauffay, qui a cru que ce Saint avoit efté Evefque d'Avignon, & c'eft fous cette qualité qu'il l'a inferé dans fon Martyrologe des Saints de France au 14. Avril: cependant on ne lui avoit donné le titre de Pasteur & de Pontife, que par ce qu'il avoit efté berger, & qu'il avoit conftruit le Pont d'Avignon. On ne doit pas eftre furpris fi l'on a donné le nom de Pontife à ce Saint, puifque le mot latin Pontifex fignifie également un Faifeur de Pont & un Pontife: c'eft pourquoi le Pont de Notre-Dame de Paris & le petit Pont aïant efte baftis l'an 1507. fur le deffein qu'en avoit donné Jucundus Religieux de l'Ordre de faint François, originaire de Veronne, l'on mit ces deux vers sur une des arcades du Pont Notre-Dame.

Fucundus geminum pofuit tibi, fequana, Pontem.

Hunc tu jure potes dicere Pontificem.

C'eft une opinion qui a efté univerfellement receuë jufqu'à prefent en Provence, que faint Benezet qu'on nommoit ainsi, comme qui diroit petit Benoist, eftoit un berger âgé de douze ans, à qui le Ciel par des revelations reïterées commanda de quitter les troupeaux de fa mere qu'il gardoit, pour aller à Avignon bastir un Pont fur le Rhofne. Il arriva dans cette ville l'an 1176. & entra dans l'Eglife lorfque l'Evefque Ponce prêchoit. Il lui expofa fa Miffion, & ce Prelat furpris de voir le fils d'un païfan fans mine ni fans Lettres, qui fe difoit envoïé de Dieu pour baftir un Pont fur le Rhofne, le prit pour un jeune infenfé, & l'envoïa au Prevoft de la ville avec menaces de le faire écorcher, ou de lui faire couper les bras & les jambes. Le Prevost ne parut pas plus credule que l'Evefque: mais aux preuves furnaturelles que le petit berger donni de fa Mission Divine, aïant porté aifément une pierre que trente hommes ne pouvoient foulever; le peuple accepta fa propofition. Le Pont fut commencé l'an 1177. chacun contribua foit de fon travail,

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foit de fon argent, à la conftruction de cet édifice,qui a efté re- RELIGIEU gardé comme une merveille, estant compofé de dix-huit ar- LIERS PONches & long de treize cens quarante pas. Saint Benezet en TIRES. eut la direction, & par le grand nombre des miracles qu'il faifoit, il animoit le zele de ceux qui contribuoient à cet ouvrage. L'on emploïa onze années pour baftir ce Pont. Il n'y en avoit que fept qu'il eftoit commencé, lorfque faint Benezet mourut l'an 1184. & il fut enterré dans une Chapelle qu'il avoit fait baftir fur la troifiéme pille de ce Pont, laquelle fubfifte encore, le refte aïant esté ruiné.

Le P. Theophile Raynaud pretend,comme nous avons dit, que ce Saint fit baftir un Hofpital, où il mit des Religieux dont il fut l'Instituteur, & qui devoient recevoir les Pelerins & entretenir le Pont. M. Baillet dit que cet Hofpital & cette Socie té Religieuse ne furent establis qu'après fa mort. Mais il a paru l'an 1708. une nouvelle Hiftoire de ce Saint, où l'Auteur, qui prend le nom de Mange Agricol, le reprefente comme un venerable vieillard qui à caufe de fon grand âge eftoit obligé de fe fouftenir fur un bafton. Il dit qu'il eftoit Religieux de l'Ordre des Pontifes, & mefme Commandeur de leur Maison de Bonpas dans l'Evesché de Cavaillon lorfqu'il vint à Avignon l'an 1176. il rapporte en mefme tems l'origine de cet Ordre qu'il fait remonter jufqu'au dixiéme fiécle.

Selon cet Auteur,fur le declin de la feconde race de nos Rois & le commencement de la troifiéme race, lorfque l'Etat tomba dans une espece d'Anarchie, & que les Grands felon l'eftenduë de leur pouvoir s'erigerent en Souverains; il n'y eut plus de sûreté pour les voïageurs, fur tout aux paffages des

rivieres. Non feulement ce furent des exactions violentes; mais des brigandages, & fouvent fous pretexte de porter les passans d'un bord à l'autre, on leur oftoit la vie pour profiter plus aifément de leurs depoüilles. Ces cruautés exciterent la compaffion de quelques perfonnes pieufes qui s'affocierent & formerent desConfraternités qui devinrent unOrdre Religieux sous le nom des Freres du Pont; & on les nommoit auffi Pontifes à cause de la fabrique des Ponts qu'ils entreprenoient. Les Superieurs des Maifons prenoient indifferemment le titre de Prieurs ou de Commandeurs, & les Religieux n'eftoient point dans les Ordres facrés. Leur premier establissement fut dans un endroit des plus dangereux, que pour cette raifon on appel

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RELIGIEUX loit Mauvais-pas, ou Mau-pas fur la Durance dans l'Evefché HOSPITA de Cavaillon. Ces Religieux eftant establis en ce lieu, travaillerent auffi-toft à rendre le passage libre par le moïen de leur Bac, & par la retraite qu'ils donnerent aux pauvres paffans ; & dans la fuite ce lieu ne fut plus appellé Mau-pas, mais Bonpas. Saint Benezet qu'on nommoit ainfi,comme qui diroit petit Benoift à caufe de fa petite taille,eftoit Religieux de cette Maison & mefme Commandeur ou Superieur, lorfqu'infpiré de Dieu il alla à Avignon dans la penfée de faire fur le Rhofne un establiffement pareil à celui de Bonpas. Il y arriva le 13. Septembre 1176. dans le tems que l'Evefque Ponce prêchoit dans fa Cathedrale pour raffeurer le peuple effraïé d'une éclipse de foleil qui avoit paru ce jour-là : il entra hardiment dans l'Eglife, & s'eftant fait jour au milieu de l'affemblée, il annonça à haute voix le fujet de fa Miffion. La veneration que fon grand âge lui attiroit( car il eftoit obligé de se fouftenir fur un bafton ) fit que le menu peuple entra d'abord dans fon fentiment ; mais il n'en fut pas de mefme des perfonnes les plus confiderables de la ville qui le regarderent comme un vifionnaire, d'autant plus que la largeur du Rhone & la rapidité de fes eaux, leur faifoit croire qu'il eft it impoffible d'y baftir un Pont. Cependant comme la contruction des Ponts eftoit la devotion à la mode (c'eft toûjours l'Auteur qui parle ) cela fit que le peuple fe porta à feconder le deffein de S. Benezet ; & comme la ville d'Avignon eftoit pour lors en Republique, & que le menu peuple avoit plus de voix dans le Confeil, la conftruction du Pont fut concluë. On fit avec beaucoup de diligence les preparatifs neceffaires pour commencer cet édifice, le public & les particuliers y contribuerent par leurs liberalités ; & lorfqu'on eut veu l'adreffe avec laquelle S. Benezet & fes Religieux firent couler dans l'eau la premiere pierre qui devoit fervir de fondement à la premiere pile du Pont; chacun cria miracle, & dans cette furprise, on proclama Saint le Religieux Benezet. L'on fit alors une queste pour les frais de l'édifice, & l'on amaffa fur le champ une fomme confiderable ; parce que tous ceux qui eftoient prefens regardoient comme autant de prodiges tout ce qui avoit efté fait jufqu'alors.

C'eft fur ce recit que l'Auteur nous donne pour veritable, quoique contraire en quelques faits aux Actes authentiques qui furent dreffés immediatement après la mort de S. Benezet &

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qui font confervés dans les archives d'Avignon ; qu'il prétend RELIGIEUX que ces mefmes Actes n'eftoient que des declamations que l'on donnoit à faire à de jeunes Moines qui ont parlé de ces faits dans TIES. des fens figurés & hyperboliques. Le titre de Pasteur qu'on y a donné, dit-il, à faint Benezet, eft par rapport à fa qualité de Prieur de la Maison de Bonpas qu'il gouvernoit & qu'il quitta. L'âge de douze ans que l'on donne à ce prétendu berger eft le tems de fa fuperiorité, & la pierre que trente hommes ne pouvoient foulever, & que le Saint porta avec beaucoup de facilité, fait feulement allufion à l'adreffe avec laquelle faint Benezet & fes Religieux firent couler cette pierre dans l'eau pour servir de fondement à la premiere pille du Pont.

Après avoir enfuite rapporté ce qui se passa à la mort de ce Saint & les miracles qui fe firent à fon tombeau, & qui attiroient de toutes parts un grand nombre de perfonnes; il conti nue à descrire l'Hiftoire des Religieux Pontifes. Le Pont d'Avignon, dit-il, estant achevé, le fuccès de ce grand travail convia les Freres Hofpitaliers de la Maifon de Bonpas d'entreprendre encore la conftructoin d'un Pont fur la Durance, ce qui manquoit à leur establissement. Le Pape Clement III. approuva leur deffein & les en felicita par une Bulle qu'il leur adreffa l'an 1189. les confirmant dans la poffeffion de tous les biens qui leur avoient efté donnés,& les mettant fous la prote ction du faint Siege. Cet Ordre eftoit dans toute fa fpendeur au commencement du treiziéme fiécle. Guillaume IV. Comte de Forcalquier l'an 1202. & Raymond III. dit le Vieux, Comte de Touloufe & du Venaiffin l'an 1203. accorderent aux Religieux d'Avignon toutes fortes de franchises dans l'étendue de feurs Etats, & leur firent don du droit de paffage qu'ils avoient fur le Rhofne, & les prirent fous leur protection, & la donation du Comte de Toulouse fut confirmée par Raymond le jeune fon fils l'an 1237. Ils eftoient déja auffi fous la protection des Evefques dans les Diocefes defquels ils avoient des Maifons. C'eftoit à eux qu'ils avoient recours, lorsqu'ils estoient troublés dans les fonctions de leur Inftitut, comme firent ceux de Bonpas l'an 1241. en s'adreffant à l'Archevefque d'Arles comme au Metropolitain, pour eftre confervés dans la liberté de donner paffage aux pauvres voïageurs, fur un Bac qu'ils avoient fait faire pendant que leur Pont eftoit occupé par les Troupes du Comte de Toulouse.

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