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VIE DE S.

avancé pour faire choix d'un establissement, il prit le parti NORBERT de l'Eglife; & aïant accepté un Canonicat dans l'Eglife Imperiale de Santen, lieu de sa naissance, il fut fait Soudiacre.

Les grands biens qu'il possedoit & la fortune qui lui estoit favorable l'empefcherent de se bien acquitter de son miniftere. Il s'abandonna entierement aux plaisirs & aux vanités du fiécle, qui se trouvent dans les Cours des Princes; car il suivit celles de l'Empereur Henri V. & de Frideric Archevesque de Cologne, jusqu'à ce que Dieu qui le destinoit pour eftre le Chef d'une fainte Congregation qui devoit faire un des plus beaux ornemens de fon Eglife, lui ouvrit les yeux pour voir le danger où il estoit de se perdre au milieu de cette mer orageuse des vanités du fiécle, en permettant que la foudre tombast à ses pieds & le renversast par terre, où il demeura evanoüi l'espace d'une heure, de forte qu'estant revenu à lui & repassant fur tous les desordres de sa vie passée, il changea tout d'un coup de conduite, & aïant pris une ferme resolution de se convertir entierement à Dieu, il alla trouver l'Abbé Conon, depuis Evesque de Ratisbonne, qui estoit pour lors Superieur d'un Monaftere de Benedictins à Sigebern à trois lieuës de Cologne. Il le prit pour son Directeur, & profita si bien de ses conseils, qu'il n'avoit plus d'autre ambition que pour la pauvreté, le mepris du monde, les opprobres & les afflictions. Il ne quitta pas pour cela ses habits precieux ; mais il mortifioit sa chair par le cilice, le jeûne & l'abstinence, & pafsoit les jours & les nuits en prieres.

Le tems estant venu de conferer les Ordres, il fut trouver le mesme Frideric Archevesque de Cologne, à qui il decou vrit le dessein qu'il avoit de suivre Jesus-Chrift. Il le fupplia instamment de l'admettre au nombre de ceux qui aspiroient aux Ordres, ce qu'il lui accorda, ce Prince s'estonnant de voir une personne demander avec empressement ce qu'il lui avoit offert plusieurs fois, & qu'il avoit toujours refufé.

Il quitta pour lors ses habits precieux où l'or & les pierreries paroissoient avec éclat, & fe revestit, au grand estonnement de tout le monde, d'une tunique qu'il s'estoit faite lui mesme de peaux d'agneaux, qu'il ceignit d'une corde, & reçut en mesme jour avec trop de precipitation le Diaconat & la Prêtrise, dont il demanda dans la fuite pardon au Pape Gelase II..

NORBERT.

VIE DE S. Il retourna enfuite à l'Abbaïe de Sigebern pour y apprendre toutes les fonctionsde ses Ordres, où, après avoir demeuré quarante jours, il vint chez lui pour exercer les mesmes fonctions dans l'Eglise Imperiale de Santen dont il estoit déja Chanoine, comme nous avons dit,

Le Doyen & les Chanoines de cette Eglise l'aïant prié de celebrer la sainte Messe un jour de Feste, il fit selon la coustume après la lecture de l'Evangile, un discours si touchant contre les vanités de ce monde & le peu de durée de cette vie, que plusieurs personnes se convertirent. Il continua ensuite à prescher la parole de Dieu, & reprenoit fi fortement les vices, & mesme exhortoit si puissamment ses confreres à n'avoir point d'autres occupations que celles où il s'agissoit de la gloire de Dieu & de leur propre falut, que cela lui attirá leur haine. Il y eut mesme un Clerc de cette Eglise qui lui cracha au visage, outrage que Norbert fouffrit avec une moderation furprenante. On voulut empescher le fruit de ses Predications en l'accusant auprès de Conon Evesque de Palestrine & Legat du Pape Gelase en Allemagne, de ce qu'il avoit usurpé ce droit qui ne lui appartenoit pas, & qu'il estoit vestu d'un habit extraordinaire qui n'estoit point usité ; mais il se juftifia & donna de si bonnes raisons au Legat que ses ennemis furent confondus.

Pour ceder à l'envie, il resolut de s'éloigner pour quelque tems. Il alla trouver l'Archevesque de Cologne pour remertre entre ses mains tous fes Benefices & fes revenus Ecclefiaftiques. Il vendit en mesme tems tout ce qu'il avoit de patrimoine, dont il donna l'argent aux pauvres, & vint trouver He Pape à faint Gilles, ville de Provence, de qui il obtint permiffion d'annoncer la parole de Dieu.

Il accompagnoit ses discours de tant de mortifications & d'austerités, qu'il convertit beaucoup de monde; car il alloit nuds pieds, marchoit dans la neige jusqu'aux genoux, estoit vestu très-pauvrement n'aïant que sa tunique de peaux d'agneaux, & gardoit le jeûne du Carefme, c'est-à-dire qu'il ne mangeoit qu'une fois le jour sur le soir,

Preschant à Valenciennes, tous les habitans le supplierent de ne les point quitter & de continuer chez eux les fonctions de sa mission: il ne voulut point acquiefcer à leur demande parce que son intention estoit d'aller à Cologne; mais il fut obligé d'y rester plus long-tems qu'il ne pensoit à cause de la VIE DE S maladie dont trois compagnons qui s'estoient déja joints à lui NORBERTA furent attaqués, & dont ils moururent.

Bernard Evefque de Cambray y estant venu pendant ce tems-là, Norbert voulut lui parler parce qu'ils avoient esté ensemble à la Cour de l'Empereur, & qu'ils se connoiffoient familierement. Lorsque ce Prelat le vit nuds pieds, mal vestu, & dans un estat fi different de cette propreté qu'il affectoit autrefois, il l'embrassa avec beaucoup de tendreffe, & ne put retenir ses larmes. Son Aumônier qui avoit introduit notre Saint, furpris de cet accuëil , en demanda le sujet à son maistre. Ce Prelat lui dit qu'il ne devoit pas s'en étonner; que celui qu'il voïoit en un si pauvre équipage, avoit esté un des plus propres, & des plus enjoüés de la Cour: qu'il avoit refusé beaucoup d'emplois & mesme l'Evesché de Cambray qu'il n'avoit qu'à fonrefus. Cette reponse toucha fi fort cet Aumônier, que quittant dès lors tous les avantages qu'il pouvoit efperer dans le monde,il se joignit à faint Norbert, & fe fit fon Difciple. C'est le bienheureux Hugues des Foffés qui nous a donné la vie de ce faint Fondateur, & qui a esté son Successeur dans le gouvernement de Premontré.

Gelase estant mort & Calixte II. lui aïant succedé, il afsem bla un Concile à Rheims en 1119. pour remedier aux maux dont l'Eglise estoit pour lors affligée. Saint Norberts'y rendit avec son nouveau Compagnon pour demander au Pape la continuation de la permiffion que son Predecesseur lui avoit accordée pour prescher par tout l'Evangile. Il n'y eut personne qui n'admirât fon zele Apoftolique, son aufterité de vie & fon détachement pour toutes les chofes de la terre; ce qui fut cause que Barthelemi Evesque de Laon le retint dans son Diocese, où le Saint fonda son Ordre à Premontré dans la forest de Coucy, comme nous avons dit dans le Chapitre precedent.

Il auroit fort souhaité ne point quitter ce lieu où il trou voit fon repos & fa confolation; mais il fut obligé d'en fortir fouvent malgré lui pour les affaires de fon Ordre qui se multiplioit beaucoup de jour en jour, & l'an 1126. après en avoir obtenu la confirmation d'Honorius II. qu'il avoit esté trouver à Rome pour ce sujet, à fon retour il fut follicité par l'Evefque de Cambray, qui connoissoit sa charité & fon zele,

No

VIE DE S. pour aller secourir la Ville d'Anvers, qui estoit toute corNORBERT. rompuë des erreurs d'un certain Heretique nommé Thanchelin & de ses Sectateurs qui avoient fait un grand ravage dans les ames.

C'estoit un homme d'esprit, éloquent, magnifique & voluptueux, il enseignoit que le Sacrement de l'Euchariftie estoit inutile pour le salut, & que les Ordres d'Evesque & de Prestre n'estoient qu'une vaine fiction. Il estoit ordinairement suivi de trois mille hommes qui tuoient ceux qui ne vouloient pas embrasser sa doctrine. Il marchoit en grand Seigneur,portoit des habits magnifiques, avoit les Cheveux entortillés avec des petits cordons de foïe, & repliés en trois avec des attaches d'or. Il se servoit de douces paroles pour seduire le peuple & lui faisoit de splendides repas pour gagner ses bonnes graces. Ses Sectateurs buvoient l'eau dans laquelle il avoit lavé ses mains, & la confervoient dans des reliquaires qu'ils portoient d'un lieu en un autre, aussi-bien que de son urine. Illes avoit fi fort abusés qu'il pouvoit corrompre sans honte les femmes à la veuë de leurs maris & les filles en presence de leurs

meres.

Saint Norbert avec ses Religieux eut bien de la peine à détruire cette abominable Heresie; mais enfin, après plusieurs travaux & beaucoup de fatigues, il tira cette Ville de ce miferable eftat, & les Chanoines d'Anvers en reconnoissance lui donnerent leur propre Eglise dediée à saint Michel pour y eftablir une Communauté de ses Religieux, & se retirerent dans l'Eglise de Noftre-Dame, qui est maintenant la Cathedrale.

Pendant fon abfence les Religieux de Premontré gardoient si fidellement leur Regle & les Constitutions qu'il leur avoit prescrites, qu'ils alloient mesime au-delà de ce qu'il eut peutestre fait lui-mesme; car dans une famine ils ne mirent point de bornes à leurs aumosnes; & aïant resolu de nourrir tous les jours cinq cens pauvres, ils fe trouverent tellement épuisés qu'ils n'avoient plus d'argent dans leur maison. Saint Norbert en aïant reçu du Comte Thibaud leur en envoïa ; & parce qu'il avoit temoigné quelque peine de ce qu'ils s'estoient engagés dans de fi grandes aumosnes, il leur ordonna d'ajoûter encore fix-vingts pauvres à ceux qu'ils nourrissoient déja, comme aussi plusieurs autres charités qu'il leur prescrivit.

L'année

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