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GULIERS.

trouvé, ils le lui refuferent ; c'est en quoi ces Religieux font ORIGINE dignes de blâme; puifque le P. Dom de Montfaucon habile NOINES REdans l'antiquité, auroit pu defcouvrir dans cet ancien monument des chofes qui auroient fait plaifir aux curieux, & peuteftre auroit-il donné quelque certitude, fi c'eftoit le corps de faint Augustin qui y eftoit renfermé ; ce qu'il n'auroit pas jugé par le mot d'Agostino, efcrit, à ce que l'on pretend, en deux endroits, & qui avoit difparu auffi-toft qu'il avoit vû le jour. Voiez, pour la vie de faint Auguftin, le dixiéme Volume de fes ouvrages donnés par les PP. Benedictins, & le treiziéme Volume des Memoires de M. de Tillemont pour l'Hift. Ecclef.

C

CHAPITRE II.

De l'origine des Chanoines Reguliers.

nonic. Re

E que nous avons dit de l'origine, antiquité & progrés de l'Etat Monaftique dans la Differtation preliminaire, devroit regarder auffi les Chanoines Reguliers; puifque plufieurs Auteurs leur ont donné le nom de Moines, qui eft un nom generique pour toutes fortes de perfonnes qui font profeffion de la vie Religieufe. Penot Chanoine Regulier de la Penot, Hift. Congregation de Latran, a pretendu prouver par dix-huit tripart Ca temoignages que ce nom leur appartenoit, auffi-bien que celui de Chanoine Regulier. Laurent Landmeter Chanoine Pre- 38. n. 4. montré de l'Abbaïe de Tongerlot en Flandre, n'a pas fait Laurent difficulté de dire, que les Clercs que S. Auguftin fit vivre en de Cler. commun, estoient des Chanoines Moines, & le Perele Large nach.vetere Chanoine Regulier de la Congregation de France, a reconnu que le nom de Moine leur avoit efté donné jufqu'au on

ziéme fiecle.

gul. l. 1. c.

Landmeter.
M

inftituto

part. 3. c. s.

De Cano nic. Ord.

Mais comme il y en a plufieurs qui ne font plus de ce fen- Disquis. timent, nous rapporterons icy l'origine des Chanoines Reguliers en particulier. Ils pretendent avoir eu pour Fondateurs les Apoftres mêmes, & appuïent leur fentiment fur l'autorité des Bulles des Papes Eugene IV. Benoift XII. Pie IV. Sixte IV. & Pie V. qui font remonter l'origine de l'Ordre Canonique jufqu'au tems de ces faints Fondateurs de l'Eglife Mais fi, conformément à ce que difent auffi la plupart des SS. PP. & des Souverains Pontifes, les Conciles de Thion

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NOINES.

ORIGINE ville & de Meaux, & un tres-grand nombre d'Escrivains, les Apoftres ont efté les Fondateurs de la vie Monaftique : ils'enREGULIERS fuivra que les Moines font plus anciens que les Clercs ou Chanoines; puifque ceux-cy n'ont efté inftitués que la veille de la Paffion du Sauveur du monde, lorfque dans la derniere Cene qu'il fit avec fes Apoftres, il les revêtit de la dignité du Sacerdoce, en leur donnant pouvoir de confacrer fon Corps & fon Sang; & qu'il y avoit déja du tems que les mefmes Apoftres profeffoient la vie Monaftique par l'abandon qu'ils avoient fait de tous leurs biens pour fuivre Jefus-Chrift. C'est Pict. Cref- ce que dit Crescenze dans fon Hiftoire des Ordres Religieux, dio Romano. qui pour appuier fon fentiment, apporte ce paffage de faint S. Vincen. Vincent Ferrier: Clericos extitiffe antequam Monachi effent, Clerici afferunt: quod non ita eft, nam non fuerunt Clerici ufque in finem Cane, & tamen priùs fuerunt Religiofi Monachi.

cenz. Prifi

Ferr. 18 ferm. de Dom.

les

Le Cardinal Pierre Damien dit que ce font des Moines & non pas des Chanoines, qui ont fondé l'Eglife Universelle, qui l'ont gouvernée & purgée de plufieurs erreurs. Nous nous eftonnons dit ce Cardinal, parlant aux Chanoines, de ce que vous voulez nous feparer de l'union & de la focieté de l'Eglife Univerfelle; puifqu'il eft conftant que l'Eglife Universelle a efté fondée, gouvernée & purgée de plufieurs erreurs par Moines, & non pas par les Chanoines. Les Apoftres,ces Fondateurs & Conducteurs de l'Eglife, vivoient à noftre maniere, & non pas à la vostre, & Philon le plus éloquent d'entre les Juifs dans les livres qu'il a compofés en faveur des nostres, appelle les premiers Chreftiens des Moines,& non pas des ChaPetrus noines, & leurs maisons des Monasteres: Multùm, fratres chapufcul. 28. riffimi, fi digni eftis audire, miramur, quomodo, vel ob quam caufam conamini nos à confortio & unitate Univerfalis Ecclefia Separare: cum conftet à Monachis, non à Canonicis Univerfalem Ecclefiam fundatam, gubernatam, & à diverfo errore cribratam. Apoftoli nempe fundatores & rectores Ecclefiarum, noftro, non veftro more vivebant, ut Lucas Evangelifta in actibus Apoftolorum refert: & Philo difertiffimus Judæorum, in libris quos in laudem noftrorum confcripfit, primitivos Chriftianos Monachos non Canonicos vocat, & habitacula corum Monafteria nuncupat. Felinus femble eftre de mefme sentiment, lorfqu'il dit que la caufam. vie Monaftique a efté confirmée avant la canonique, & rapMonach. Porte plufieurs temoignages pour prouver que les Moines doi

Damianus.

Felin. de judicris cap.

Ver. utrum

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majoritate

vent preceder les Chanoines Reguliers. Bofius dit que S. Au- ORIGINE gustin infpiré de Dieu, prescrivit une maniere de vivre aux NOINES REClercs, qui volontairement voulurent vivre en commun, & GULIERS. ne rien poffeder à l'exemple des Moines. Sanctus Auguftinus titul. de divino lumine afflatus, Clericis qui fponte vellent fimul vivere & obed. nihil habere proprium, fed omnia communia exemplo Monacho- num. 6. rum Normam vivendi dedit. Enfin il y a une infinité d'Auteurs Thom Boqui difent la mefme chofe, & qui conviennent qu'il n'y a Ecc. 1. 9. fius, ie fignis point eu de Communautés de Clercs dans les trois premiers c. 5. p. 6694 fécles de l'Eglife, & qu'elles n'ont commencé que dans le quatriéme.

En effet M. de Tillemont pretend que, pour chercher la De Tillem premiere de ces Communautés, il ne faut pas remonter plus Hift Ecclef loin qu'à faint Eufebe Evefque de Verceil, qui renferma tous to. 7. p. les Ecclefiaftiques de cette Ville dans une mefme maifon, où $32. il vêcut avec eux dans la pratique & les obfervances de la vie Monaftique; & comme S. Ambroife dit, que ce fut avant fom banniffement qu'il fit de fon Eglife un Monastere, il faudroit que ce fut avant l'an 355. puifque ce fut cette année-là que fe tint le Concile de Milan, où ce faint Evefque fut exilé pour n'avoir pas voulu foufcrire à la condamnation de S. Athanafe. Mais le P. Thomaffin attribue à faint Auguftin la gloire Thomaff. d'avoir le premier eftabli des Communautés Ecclefiaftiques Discipl. Ecclef. i. part. après qu'il eût efté fait Evefque d'Hippone, à laquelle digni- liv. 1. c.408 té il fut elevé l'an 395. Il avouë bien que faint Eufebe lui pourroit difputer cette gloire; mais comme il fit prendre à fon Clergé l'habit, la profeffion & l'eftat des Moines, & que S. Auguftin laiffa fon Clergé dans l'eftat des Ecclefiaftiques, n'aïant ajoûté à la vie & à la pieté clericale, que la vie commune & la defapropriation; c'est donc à ce Saint Docteur de l'Eglife qu'il faut rapporter l'inftitution des Clercs qui ont vê

cu en commun.

Ibid. c. 436

Les raisons que le P. Thomaffin donne pour ne rapporter Ibid. c. 393 l'origine des Communautés Ecclefiaftiques qu'à faint Auguf- n. 3.& 4. tin, font tres-fortes. Il dit que la premiere Communauté des Apoftres, des Difciples & des Fidelles, ne confiftoit que dans la defapropriation que plufieurs particuliers embraffoient, & dans la diftribution qui fe faifoit à chacun felon fes befoins; mais qu'ils ne logeoient pas, ni ne prenoient pas leur refection en commun; & quoique cette communauté de biens ait esté

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NOINES

ORIGINE Confervée entre les Ecclefiaftiques durant les premiers fiécles; & qu'on diftribuoit à chacun une portion des revenus de REGULIERS. l'Eglife proportionnée à fon befoin, à fon rang & à fon travail, que c'eft cela mefme qui peut fervir de preuves que les Clercs ne vivoient pas en commun; car, ajoûte-t-il, fi le Clergé euft vecu en commun, on n'euft pas appellé les Clercs: Sportulantes fratres on n'euft pas appellé les diftributions qui fe faifoient tous les mois: Divifiones menfurnas ; on n'eut pas pas diftingué les distributions des Preftres de celles des Clercs inferieurs, & on ne le eust pas ajugées par un privilege fingulier aux jeunes Clercs, qui s'eftoient fignalés par la confeflion du nom de Jefus-Chrift: Sportulis iifdem cum Presbyteris honorentur. S. Cyprien n'ordonneroit pas de faire de certaines aumofnes de la portion qui lui eftoit efchuë: de quantitate mea propria. Eudebe ne diroit pas que les Novatiens attacherent à leur parti l'Evefque Natalis, en lui promettant cent cinquante pieces d'argent par mois; & les Conftitutions Apoftoliques ne regleroient pas les portions inégales qui fe devoient faire des biens de l'Eglife. C'est ce qui ne fe voit pas, dit le P. Thomassin, dans les Congregations où toutes chofes font communes,

Ibid. n. S.

Ce fçavant Elcrivain remarque encore que le Pape Syricedans fa lettre à Hymerius Evefque de Tarracone,propose un grand nombre de reglemens pour la difcipline du Clergé, qu'il y parle des Moines & des filles confacrées à Dieu, & de leurs Monasteres ; mais qu'il n'y a dans cette lettre aucune apparence qu'il y euft dés lors des Ecclefiaftiques vivans en Communauté. Enfin pour plus grande preuve, le P. ThomafIbid, n. 6. fin ajoûte que S. Auguftin dans fon livre des mocurs de l'Eglife qu'il efcrivit avant que d'eftre Preftre, n'auroit pas manqué de donner un rang honorable aux Communautés Ecclefiaftiques, s'il en avoit connu quelques-unes; car il y fait une excellente peinture des Monafteres d'Egypte & d'Orient, habités les uns par des hommes, les autres par des filles. Il aflure qu'il a connu des perfonnes feculieres à Rome & à Milan, qui vivoient, prioient & travailloient toutes ensemble dans une mesme maison sous la direction d'un Preftre, & qu'il y avoit de pareilles Communautés de femmes feculieres; mais parlant des Ecclefiaftiques, il ne marque point qu'ils vecuffent dans des Communautés ; au contraire il admire d'autant plus leur pieté, qu'elle eftoit à l'épreuve de tant de tentations qui

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