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SECONDE PARTIE, CHAP. XV.

ET D'A

10) CONGRE fufcita un faint homme nommé Manegolde de Lutembach, GATION DE pour la faire revivre en ces quartiers. Ce fut environ l'an 1093. MARBACH qu'il commença à prêcher publiquement contre le Schifme, ROAISE. exhortant le Peuple à rentrer dans la bonne voïe & à se soumettre au Chef de l'Eglife. Quoique fes difcours, qui eftoient animés d'un grand zele, fiffent impreffion fur les cœurs des Schifmatiques, une mortalité qui arriva dans ce tems-là,& qui enleva en peu de tems une infinité de monde, les toucha plus fenfiblement, la plufpart changerent veritablement, ils accouroient en foule pour recevoir l'abfolution de l'excommunication, & Manegolde fuivant le pouvoir qu'il en avoit reçu d'Urbain II. la leur donnoit & leur enjoignoit une penitence: ainfi on vit en peu de tems de grands changemens,& prefque toute la Province fe foumit à l'obeïffance du Pape.

Comme le Clergé eftoit tombé dans un grand relachement pendant le Schifme, il fe trouva plufieurs Preftres qui après leur converfion fe retirerent dans les bois & les folitudes, tant pour y mener une vie penitente & retirée, que pour ne point communiquer avec ceux qui perfiftoient d'obeïr à l'Empereur: Mais Manegolde en raffembla quelques-uns avec lesquels il voulut vivre en commun fuivant l'exemple des Apoftres & des Chreftiens de la primitive Eglife; il fit à ce fujet baftir un Monaftere à Marbach qui eft une ville d'Alface, aïant esté aidé dans cette fainte entreprise par un Gentilhomme du païs nommé Burchard de Gebeluifler, qui contribua beaucoup par fes liberalités à l'édifice de ce Monaftere dont Manegolde fut premier Prevost.

Ils renoncerent à toute proprieté, ne mangeoient point de viande, ne portoient point de linge, gardoient un étroit silence, & pratiquoient beaucoup de mortifications: ce qui les rendit fi recommandables,que plufieurs autres Monafteres s'eftant joints à celui de Marbach, il devint Chef d'une Congregation trés confiderable, qui commença à fuivre la Regle de faint Auguftin dans le douzième siècle à l'exemple des autres Communautés de Chanoines qui avoient embraffé la desapropriation; mais je doute fort qu'il y ait eu près de trois cens Monafteres qui en dépendoient,comme Mauburne & quelquesautres ont avancé; & fuppofé que cette Congregation ait esté fi floriffante, il ne reste plus de memoire d'aucun de fes Monafteres, elle est prefentement fur le pied de celle de faint Vi

Tome II.

Q

GATION DE

FT D'A

ROULAISE.

CONGRE- ctor à Paris & de quelques-autres qui font defunies & dont il ne MARBACH refte plus que l'Abbaie qui en eftoit le Chef, qui ait confervé des anciennes pratiques & conftitutions de l'Ordre, & d'où dépendent quelques Prieurés qui ne font que de fimples Cures. L'abbaie de Marbach en a plufieurs, & eft en poffeffion conjointement avec les Chanoines Reguliers de la Congregation de Lorraine, de la Cure de faint Louis à Strasbourg. Ils font habillés de noir avec une banderole de lin lorfqu'ils ne font point dans l'Abbaïe; mais dans l'Abbaïe ils ont une foutane blanche avec un rochet pardeffus. Ils portent l'efté au Choeur une Aumuce noire fur les épaules qui pend en pointe derriere le dos, & defcend un peu plus bas que la ceinture, s'attachant pardevant avec un ruban bleu ; & ils ont pour armes d'afur à un cœur de gueules couronné d'or

Quant à Manegolde de Luttembach après avoir fondé cette Congregation, il ne difcontinua pas fes predications pour ramener les Schifmatiques au fein de l'Eglife: ce qui lui attira beaucoup de perfecution, principalement de la part de l'Empereur qui le fit mettre en prifon l'an 1098. c'est tout ce que nous fçavons de la vie de ce faint homme qui au rapport d'Ÿ- . ves de Chartres paffoit pour un des plus fçavans hommes du onziéme fiécle,

Vorez Francifc. Guilliman. Hift. de Epifcopis Argentinentibus in vita Othonis.Epifcop.43. Y v.Carnot, Epift. 40. apud Du Chefne Veter. Hift. Franc. Tom. 4. pag. 89. Difquifit. de ord. Canonicor. Regul. pag. 363.& 366. Penot, Hift. tripart Canonic. Regul. lib.2. cap. 66. Tambur. de Jur. abb. difp. 24. quest. 4. art. 9.

Si la Congregation de Marbach eut pour Fondateur un homme zelé pour la gloire du faint Siege & qui s'oppofa fortement au Schifme caufé par l'Empereur Henry IV.la Congregation d'Aroüaife eut auffi pour un de fes Fondateurs un faint homme qui ne fut pas animé d'un moindre zele,& qui aïantesté élevé au Cardinalat par le Pape Pafchal 11. & fait Evefque de Paleftrine, fut emploïé par ce Pontife en plufieurs Legations pour foutenir l'intereft de l'Eglife contre le mefme Empe

reur.

Aroüaife fitue proche Bapaume en Artois, eftoit un lieu qui fervoit de retraite aux voleurs; mais environ l'an 1090. il fut fanctifié par la demeure de trois faints Ermites, fçavoir Heldemar de Tournay, Conon ou Conrad qui fut depuis Cardi

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GATION DE

ROULAISE.

nal, & Roger d'Arras, qui bastirent en ce lieu une Cellule ou CONGRE Oratoire qu'ils dedierent en l'honneur de la fainte Trinité &de MARBACH faint Nicolas. Lambert Evefque d'Arras confirma cet établif- E D-Afement par fes Lettres du 21. Octobre 1097. adreffées à Conon. C'eft ce qui fait que plufieurs ne mettent le commencement de cette Congregation qu'en cette année; mais il paroift par ces mefines Lettres qu'Heldemar eftoit déja mort,& il eft marqué comme premier Prevost eftabli par Conon en 1090. dans fe catalogue des Abbés de cette Abbaïe donné par MM.de Ste. Marthe,qui ont auffi rapporté fon Epitaphe,où il eft qualifié de Fondateur de cette Abbaie, qui fut gouvernée par des Prevofts jufqu'au tems de faint Bernard, que Gervais qui eftoit le troifiéme Prevoft, & qui avoit fuccedé en 1124. à Richer, prit la qualité d'Abbé, qui a efté auffi donnée à fes fucceffeurs.

Ce Gervais eft qualifié Inftituteur de la Congregation, peut-eftre à caufe que fous fon gouvernement cette Abbaïe devint Chef de vingt-huit Monafteres; mais il y a long-tems qu'elle ne fubfifte plus, & le dernier Chapitre General fe tint l'an 1470. Les Monafteres de Hennein Leïtard à trois lieuës de Douay, de faint Nicolas à Tournay, de Choques & de Mareles en Artois, en dependoient auffi-bien que ceux de Wernefton, Zunebeck & Soetendal en Flandres, de faint Jean à Valenciennes, de faint Crepin & de faint Leger à Soiffons. Elle avoit auffi quatre Prieurés en Irlande, deux à Dublin, un à Rathoy dans le Comté de Keri, & à Rathkele dans le Comté de Limerik, & quelques autres en Angleterre.

Ils eftoient habillés de blanc, & au rapport du Cardinal de Vitry ils eftoient aufteres, ne mangeoient point de viande, ne portoient point de linge & gardoient un étroit filence.

Voiez Sammarth. Gall. Chriftian. Tom. 4 pag. 95. Penot, Hift. tripart Canonic. Regul. lib. 2. cap. 62. Lemire, Origine & institution de diverfes Congreg. fous la Regle de faint Auguft. Tambur, de jure abb. Tom. 2. difpu. 24. quaft.4. art.7. Cardinalis de Vitriaco, Hift. Occident. cap. 23.

RELIGIEUX
DES. AN-

TOINE DE
VIENNOIS.

Hift. de

CHAPITRE XVI.

Des Religieux de l'Ordre de faint Antoine de Viennois.

C

E fut l'an 1093. fous le pontificat d'Urbain II. que cet. Ordre prit naillance pour le foulagement des malades attligés d'une certaine maladie dont on n'a jamais pu donner la definition, & que le vulgaire a toujours appellée feu facré ou feu de faint Antoine, & dans un Acte de l'an 1254. concernant l'hôpital qui eftoit autrefois dans l'Eglife de faint AnDe Ruffy, toine à Marseille, cette maladie eft appellée feu d'enfer : corum Marseille qui igne infernali laborare dicuntur. Ce fut principalement zom. 2. liv. dans le onzième &le douziéme fiécle qu'elle eut plus de cours. Elle caufoit entierement la perte du membre qui en eftoit attaqué, qui devenoit noir & fec comme s'il avoit cfté brûlé, & l'on voit encore aujourd'hui de ces fortes de membres defechés dans l'hôpital du bourg de faint Antoine en Dauphiné où eft l'Abbaïe Chef de tout l'Ordre : quelquefois auffi elle fe formoit en putrefaction qui faifoit tomber la partie offensée.

10. Chap. 3.

Il y avoit pour lors dans le Dauphiné un Gentilhomme. nommé Gaston, auffi illuftre par fa naiffance que par les grands biens qu'il poffedoit. Il n'avoit qu'un fils nommé Girinde ou Guerin qui tomba dangereufement malade. Il emploïa pour fa guérifon tous les remedes humains ; & aïant efte inutiles il voulut fe fervir de remedes fpirituels; il eut pour ce fujet recours à faint Antoine dont il avoit lui mefme éprouvé le fecours dans une maladie qu'il avoit eu. Il courut au bourg de faint Antoine qui s'appelloit pour lors faint Didier-la-Mothe, où l'on confervoit dans une Chapelle dediée à la fainte Vierge les facrées Reliques de ce Saint: il le pria humblement de vouIoir bien obtenir de Dieu la fanté pour fon fils, & lui promit que s'il recevoit cette grace,ils fe confacreroient tous les deux avec leurs biens au foulagement des pauvres malades attaqués de ce feu facré, & logeroient les pelerins qui venoient déja de toutes parts pour implorer l'interceffion de celui dont le nom feul, comme dit faint Athanafe, faifoit trembler & fuir les Demons, & que Dieu avoit donné à l'Egypte comme un fouverain Medecin.

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